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2009 : L'Heure bleue : Changement climatique, énergies de la mer et biodiversité > Table Ronde 3 – L’application du Grenelle de l’environnement et du Grenelle de la mer sur les territoires >  La région Bretagne en vigie : enjeux et perspective

La région Bretagne en vigie : enjeux et perspective

Janick Moriceau, Vice présidente du Conseil régional Bretagne chargée de la mer, Présidente d’AGLIA (Association du Grand Littoral Atlantique)

Biographie :

MORICEAU Janick

Compte rendu :

Regardez la vidéo de l'intervention sur canalc2.tv : cliquez ici.

Transcription :

15 octobre 2009 Table ronde 3


Discours de Janick Moriceau :

(transcription sous réserve de validation)

Brigitte Bornemann-Blanc : Janick Moriceau, Vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, est en charge de la mer. Elle s’est battue et a gagné, c’est aujourd’hui, grâce à elle que la Bretagne est montrée en exemple pour son engagement à travers la Charte des espaces côtiers. De nombreux pays européens vont pouvoir s’appuyer sur cet exemple. Il a fallu convaincre des élus, pas seulement des élus du Conseil régional de Bretagne, mais aussi les élus locaux. Le littoral est fragile : c’est à la fois la terre et la mer. Janick Moriceau si vous voulez bien nous présenter le premier bilan que vous pouvez faire aujourd’hui, et comment vous le traduisez au regard du Grenelle de la mer.

Janick Moriceau : Je n’avais pas prévu de faire le bilan de la Charte des espaces côtiers bretons, mais le document est là. Je vais l’évoquer. Les sujets importants pour nous, Conseil régional, sont le changement climatique et le développement des énergies renouvelables. La région prend sa part dans les grands chantiers actuellement en cours. Aujourd’hui, parler ici à Brest, est d’autant plus important que le sommet de Copenhague se tient dans 2 mois. Cela est tout à fait déterminant pour l’humanité qui commence à prendre conscience qu’on est dans une communauté de destin, même si tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Certaines régions et populations vivent déjà très douloureusement le réchauffement climatique. Au Conseil régional, nous avons eu l’année dernière une rencontre des régions engagées dans le développement durable. C’était une réunion mondiale à Saint-Malo. Ça a donné lieu aussi à l’installation ici à Brest de ClimSat, structure dépendant du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), qui est un outil au service de l’ensemble des régions du monde pour essayer d’évaluer et de comprendre les évolutions, notamment sur le trait de côte, dues au changement climatique. La semaine prochaine aura lieu une rencontre de la FAO et du PNUD sur les questions très importantes de l’impact du changement climatique sur l’agriculture et sur la pêche notamment. Donc, la première chose sur laquelle on s’est engagé c’est la dimension solidarité internationale.
Il n’y a pas que l’aspect de la solidarité internationale, c’est important, mais il y a aussi notre intérêt. Certains pays sont plus avancés plus que nous dans ces domaines-là donc on échange et on voit de quelle manière ces sujets ont été traités.
La Bretagne, comme d’autres collectivités, s’est engagée dans la lutte contre les gaz à effet de serre. Il y a deux chantiers, la lutte contre les gaz à effet de serre et l’adaptation face au changement climatique. Nous avons créé un plan énergie. On a fait évoluer les transports en commun. Il y a maintenant deux fois plus de personnes qui utilisent le TER. Nous avons fait de gros investissements dans les lycées et dans les logements sociaux. Beaucoup de choses ont été faites pour améliorer notre autonomie énergétique qui n’est pas bonne. Nous nous engageons aussi dans le développement des énergies marines.
Nous avons un Agenda 21 avec des critères d’évaluation relativement rigoureux sur l’impact de nos politiques sur le réchauffement climatique. Nous avons mis en place d’autres politiques spécifiques avec le Pôle de compétitivité Mer, et une politique plus globale sur l’économie, l’encouragement vers un urbanisme plus durable, l’économie d’énergie à la pêche. Tout cela pour diminuer l’empreinte écologique de la Bretagne et les émissions de gaz à effet de serre.
La question est de savoir si tout cela est suffisant. Sûrement pas au regard des enjeux qu’on doit relever aujourd’hui. Nous allons poursuivre dans les mêmes voies, mais en donnant des impulsions plus fortes sur certains points. C’est-à-dire que dans les décisions que nous prenons en amont, nous devons prendre en compte l’impact qui va en découler. Je pense que c’est tout à fait déterminant pour notre patrimoine régional : lycées, ports… Sur ce petit patrimoine on peut avoir un impact, par exemple on peut couvrir les toits des lycées de panneaux solaires. Donc, premier chantier, la lutte contre les gaz à effet de serre.
Deuxième chantier, le plus difficile : la nécessaire adaptation face au changement climatique. Quand on parle de cette adaptation, on pense d’abord à la montée du niveau de la mer et de ce que cela va induire. Le GIEC en 2007 tablait sur 18 à 59 cm de montée du niveau de la mer en 2100. Ce n’est pas évident à gérer, nous avons des espaces au ras de l’eau comme par exemple le Golfe du Morbihan qui est très sérieusement urbanisé. Cela nécessite de repenser totalement la vie sur le littoral. Cela veut dire qu’aujourd’hui, dans les aménagements que l’on va conduire, on doit en tenir compte. On doit essayer d’envisager le repli stratégique. Ce n’est pas facile pour la population qui continue à se densifier sur les zones côtières, ce qui n’était pas le cas il y a 100 ans. Nous avons en Bretagne, un rapport extrêmement intéressant du Conseil scientifique de l’environnement. Ce rapport nous rappelle les enjeux qui sont aussi d’ordre biologique. Pour une région comme la nôtre qui vit beaucoup de la mer et du vivant de la mer, ce n’est pas évident. On se rend bien compte qu’on avait des écosystèmes très complexes avec des chaînes alimentaires très longues. Et les organismes vivants ne réagissent pas tous de la même manière au changement climatique. Et aujourd’hui des larves de poissons ou de crustacées ne trouvent pas les proies dont elles sont sensées se nourrir parce que le synchronisme n’est plus là. Mais parfois, les conséquences du réchauffement climatique sur le biologique peuvent réserver de bonnes surprises. Cela a été le cas notamment pour les bolincheurs de Bretagne qui ont trouvé soudainement beaucoup d’anchois au sud du 48ème parallèle où ils n’auraient pas dû être puisqu’on n’avait même pas prévu de quota à cet endroit-là. Cela montre qu’il va falloir repenser les bases de la politique commune des pêches. Elle est en révision actuellement. Il va falloir revoir les quotas par zone. La diminution des ressources est peut-être imputable à la pêche, mais peut-être aussi au réchauffement climatique. Le problème de l’adaptation, et de l’anticipation de cette adaptation, n’est pas simple. Et plus tard elle se fera, plus difficile, plus coûteuse et plus douloureuse elle sera.
Avec la Charte des espaces côtiers bretons, nous avons essayé de construire une vision d’avenir de la zone côtière ancrée dans le développement durable. Mais nos moyens (2% de l’impôt collecté au niveau français va vers les régions) ne nous permettent pas de nous engager seuls dans ce grand chantier. Il faut que ce document soit un document partagé à l’échelle du territoire. Nous avons donc essayé de l’élaborer de manière concertée avec les autres collectivités au premier rang desquelles les Conseils généraux, mais aussi les Communautés de communes, les municipalités, les organismes socio-professionnels, et les ONG. Dans notre document, nous avons mis en exergue 7 enjeux dont un qui est l’adaptation au changement climatique. Chaque année, nous avons une semaine de travail, de réflexion autour de cette charte. Nous avons travaillé à mutualiser ce qui existe, ce qui se faisait à l’échelon de la région Bretagne et ailleurs. Nous nous sommes rendu compte que nous avions peu pris en compte ces dimensions. Ainsi, Cap Lorient avait anticipé et mis en place un document un peu stratégique. L’ensemble des personnes présentes a mis en évidence que l’un des éléments déterminants pour la vulnérabilité des territoires, est la prise de conscience des habitants face aux risques et pas uniquement à quel niveau on se situe par rapport à la mer. C’est dire toute l’importance d’une journée comme aujourd’hui et des messages qui peuvent passer.
Nous avons la chance d’avoir un Comité Economique et Social (CESR), qui à côté du Conseil régional regroupe des socio-professionnels et des chercheurs. Ce CESR a publié un document extrêmement intéressant ce mois-ci : « Pouvoir et démocratie en Bretagne à l’épreuve du changement climatique à l’horizon 2030 ». Il souligne l’importance du poids des représentations sur notre capacité à répondre collectivement à ce problème. Il souligne trois types de postures et la réponse sera en fonction de l’équilibre qu’il y aura entre elles. La première posture qui est sans doute la plus fréquente, est l’indifférence : on a d’autres priorités en tête plus personnelles, plus quotidiennes. Et il y a aussi le problème de la crise économique et on ne voit pas le lien qui peut exister, pourtant on aurait là une formidable possibilité de régler certains problèmes. Il y a aussi, la désespérance : tout paraît trop compliqué, et on ne croit pas à la gouvernance mondiale. Il y a encore des gens qui ne croient pas au réchauffement climatique. C’est une réalité et il faut en tenir compte. Et puis, il y a ceux qui considèrent qu’une action forte est nécessaire ; c’est ma position.
Une fois cela reconnu, il y a deux types d’attitude. Pour certains, on ne peut pas remettre en question le modèle de développement dans lequel nous sommes, ni notre comportement. La technologie doit pouvoir régler les choses et, c’est vrai, nous avons de bonnes avancées technologiques sur beaucoup de sujets (la voiture électrique, le puits de carbone qui va pouvoir pomper le CO2…). Et le marché va tout réguler notamment avec les quotas d’émissions. Donc on ne remet pas en question les bases de notre système et on compte sur nos vieux outils c’est-à-dire les évolutions technologiques et le marché. Et, il y en a d’autres qui pensent que si la technologie peut apporter des solutions, cela ne suffit pas et qu’il faut réfléchir sur l’ensemble de notre système de développement. Ce système peut aussi être devenu contre-productif. Je vous renvoie à Yvan Illich. Et il y aussi d’autres personnes qui pensent que le système est devenu extrêmement inéquitable.
En conclusion, j’ai voulu répondre au défi et à l’enjeu de ces rencontres pour parler de la manière dont on pouvait aborder les choses. Je pense que le défi du réchauffement climatique nous interpelle tous. Il est sans aucun doute l’occasion de faire le point. Je pense qu’il ne faut pas craindre le changement, c’est plutôt une chance qui peut être l’occasion de redonner du sens et plus d’humanité à notre modèle de développement.




Mis à jour le 22 juillet 2010 à 12:47