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2009 : L'Heure bleue : Changement climatique, énergies de la mer et biodiversité > Table Ronde 2 – La recherche en réseau est une nécessité. Quelles démarches accomplies et pour quels résultats ? >  Témoignage 6 : Comment s’organise la recherche sur les énergies de la mer renouvelables

Témoignage 6 : Comment s’organise la recherche sur les énergies de la mer renouvelables

Alain Clément - Directeur du Laboratoire de mécanique des fluides, Ecole centrale de Nantes.

Biographie :

CLEMENT Alain

Compte rendu :

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Transcription :

15 octobre 2009 Table ronde 2


Discours de Alain Clément :

Alain Clément : Je suis directeur du laboratoire de mécanique des fluides à l’Ecole Centrale de Nantes. Un mot pour rectifier un oubli ce matin sur les régions qui sont intéressées aujourd’hui par le développement des énergies marines : Nantes fait partie de la région des Pays de la Loire et n’avait pas été citée.
On observe aujourd’hui, et c’est la raison de votre présence, un renouveau de l’intérêt pour les énergies marines renouvelables avec une évolution très rapide du contexte, y compris au plus haut niveau politique. Je vais vous expliquer comment, au niveau de la recherche, on essaie de s’organiser en France pour relever ces défis et pour participer au développement de cette filière. Je dis en France parce que la mise en réseau des chercheurs sur les énergies marines renouvelables est déjà un fait établi au niveau européen. Vous savez, il y a des programmes-cadre de Recherche et Développement en Europe. Je travaille depuis très longtemps sur ces sujets, depuis le FP 4, ça s’appelait les programmes Joule à l’époque, et on en est au FP 7 aujourd’hui. Dans tous les programmes-cadre, on a eu des actions de recherche avec la mise en réseau de chercheurs sur les énergies marines au niveau de l’Europe. Si on descend d’échelle, dans certains pays comme en Angleterre par exemple, on a, depuis 6 ans au moins, un réseau national, le SuperGen Marine, de laboratoires et d’universitaires travaillant sur les énergies marines. Ils ont ainsi défini une « roadmap ». En France, on a peut-être un peu de retard, mais il y a un an a été lancée l’initiative nationale IPANEMA parce que beaucoup d’acteurs, de façon un peu séparée, un peu isolée, sont venus aux énergies marines et que collectivement, tout ces gens-là ont ressenti le besoin de se rassembler pour établir une feuille de route sur les énergies marines en France.
Les objectifs d’IPANEMA sont :
1. Promouvoir le développement d’une filière scientifique et industrielle « Energies Marines » en définissant une stratégie commune et une feuille de route volontariste, et en facilitant l’appropriation des enjeux par l’ensemble des parties prenantes, dans un cadre national, européen et international ;
2. Mettre en place un réseau coordonné des acteurs français des énergies marines dans une logique de développement des travaux existants et de renforcement de la thématique « énergies marines » à tous les niveaux concernés (recherche, industrie, développement économique) ;
3. Développer des sites d’essais en mer adaptés aux différentes technologies d’énergies marines, pré-requis à la démonstration de leur rentabilité économique, à l’instar du projet SEM-REV engagé avec le soutien de la Région des Pays de la Loire et de l’Etat (site d’essai de dispositifs houlomoteurs) ;
4. Faciliter le développement de démonstrateurs en contribuant à la définition, au pilotage et à la mise en œuvre de dispositifs de soutien adaptés (fonds de soutien aux démonstrateurs, projets ANR, appels à projets européens…).
L’objectif 3 est sur les sites d’essais en mer, c’est indispensable pour la validation des technologies. L’objectif 4 est d’actualité puisque, c’est aujourd’hui le dernier jour de l’appel à manifestation de l’ADEME pour déposer les projets démonstrateurs.

Juste un rappel, le développement de ces filières, c’est un continuum qui va de la recherche très en amont jusqu’à l’industrialisation d’une technologie qui va fabriquer de l’énergie, le plus souvent de l’électricité. Tout cela forme une chaîne et un des premiers maillons de cette chaîne c’est la recherche qui doit faire progresser et capitaliser la connaissance, former les futurs experts dans la discipline en commençant par les niveaux Master, doctorat… puis, au fur et à mesure du redéploiement des filières en redescendant les niveaux de formation et en élargissant.
Il faut élargir l’expertise nationale parce que les décideurs, mais aussi les développeurs, mais aussi les clients de ces produits qui n’existent pas encore, ont besoin, pour prendre une décision, de s’appuyer sur des avis techniques. Aujourd’hui, trop peu d’experts sont capables de donner une réponse scientifique ou technique indépendante. Or on en a besoin de ça, c’est le rôle de la recherche.
On a besoin aussi de développer des outils spécifiques puisqu’on développe des technologies qui pour certaines n’existent pas encore. Ces outils sont des simulations numériques, des simulations physiques, des moyens d’essais comme les bassins à houle par exemple et des sites d’essais en mer quand on arrive à la machine à l’échelle 1. La vraie machine, il faut la mettre dans son vrai milieu pour voir ce qu’elle va vraiment donner, voir si elle endure l’environnement marin. Ces sites d’essais en mer, devront être opérés par des spécialistes qu’il faudra avoir formés avant.
Un des rôles des chercheurs est d’être une très bonne interface avec la recherche au niveau international. Ils peuvent donc servir de médiateurs entre des industriels nationaux et ce qui se passe au niveau mondial dans ces disciplines.
Et puis, il y a des chercheurs qui trouvent ! Donc de temps en temps, ils initient eux-mêmes des avancées significatives, voire des ruptures. Cela fait partie de leur rôle qui n’est pas simplement d’accompagner les acteurs industriels, mais aussi parfois de les précéder pour les guider sur le chemin de l’innovation.
J’anime le groupe de travail « Recherche », de l’initiative nationale IPANEMA, qui rassemble des représentants de la recherche, des régions, des industriels, des institutionnels, des ministères, toutes les personnes concernées. Nous avons commencé par dresser l’état actuel des recherches sur les énergies marines renouvelables en France. On a donc fait une analyse des différents secteurs impactés et on a regardé où en était l’activité des laboratoires sur cette thématique. Nous avons conclu que nous avons un potentiel de très bons laboratoires en France pour tous les domaines impactés. Il faut bien comprendre qu’il y a des spécificités dans les recherches sur l’énergie, sur le développement des énergies renouvelables : on ne fait que déplacer l’énergie. Donc récupérer de l’énergie par la mer, c’est simplement transformer de l’énergie d’une physique à une autre physique : on va de l’hydrodynamique, vers la mécanique des solides, vers l’électricité, parfois vers de l’hydraulique… Ce sont des physiques qui s’enchaînent. Il faut donc des spécialistes des différents domaines qui parlent ensemble. C’est spécifique des recherches sur l’énergie et c’est ce qui fait leur intérêt d’ailleurs. Dans tous ces domaines, en France, on a de bons laboratoires, mais très peu sont mobilisés sur la problématique « énergie marine renouvelable ». Il y a même encore des lacunes : dans certains créneaux disciplinaires, on n’a pas encore identifié quels laboratoires pourront être mobilisés. Dans les laboratoires où des équipes travaillent déjà sur les énergies de la mer, pratiquement aucun n’a encore atteint une masse critique suffisante ; on en est encore assez souvent à quelques unités de chercheurs permanents avec un flux de doctorants pas forcément régulier. Il y a peu d’échanges entre équipes sur les énergies marines renouvelables, et ces équipes sont aussi éparpillées géographiquement. Historiquement, par exemple, à l’Ecole Centrale de Nantes, on travaille sur ce sujet depuis une bonne trentaine d’années, mais on était très peu nombreux à être mobilisés sur la question jusqu’à encore 5 à 10 ans. Il y a des équipes à Grenoble qui travaillent sur les hydroliennes, évidemment aussi l’Ifremer Brest avec qui je travaille depuis bien longtemps (l’IFREMER s’appelait alors CNEXO), à Chatou, au Laboratoire national d’hydraulique, et d’autres que j’oublie. Mais on voit que les principaux qui me viennent tout de suite à l’esprit sont disséminés un peu partout en France. Cela induit cette nécessité de mise en réseau. A la fois le fait qu’on n’ait pas une ressource humaine assez importante localement, et qu’elle soit éparpillée sur tout le territoire induit plutôt une démarche en réseau plutôt qu’une démarche en pôle, démarche de regroupement qui serait très délicate et qui n’est pas encore d’actualité.
Ajoutons également qu’ on n’a pas encore de programme national de recherche spécifique à ce domaine de type ANR ou autres.
Vous avez peut-être suivi l’actualité l’année dernière en 2008. Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a établi la stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI), et pointé quelles vont être dans le futur les priorités stratégiques de recherche pour la France. Dans le domaine des énergies, il y a 4 domaines stratégiques identifiés par le Ministère de la recherche, dont les énergies marines renouvelables. Il y a deux jours, sur le site du Ministère de la recherche, Valérie Pécresse a listé une vingtaine de sujets qu’elle propose au financement du grand emprunt et parmi eux il y a le développement de la plateforme nationale sur les énergies marines. Donc, il n’y a pas encore de programme national spécifié, mais les annonces officielles sont tout à fait conséquentes et volontaristes.
Comme je vous le disais, et à l’image de ce qu’ont fait les Anglais avant nous avec « SuperGen Marine » qui a mis en réseau des laboratoires universitaires et des moyens d’essais en Grande-Bretagne en fédérant à peu près tous ceux qui faisaient de la recherche sur les énergies marines, nous avançons dans cette démarche en réseau. On n’est pas obligé de tout copier de leur démarche, mais c’est un exemple intéressant. Ils ont par exemple défini une « roadmap recherche » sur les énergies marines en se répartissant le travail. Sur cette répartition du travail, ils ont ensuite affecté par thème un nombre de doctorats. Ils en sont déjà à la reconduction de leur réseau (SuperGen Marine 2), et 22 doctorats ont été lancés dans la deuxième tranche de ce programme. Voilà un ordre de grandeur qu’on pourrait chercher à atteindre en France, en s’organisant bien.
Construire un réseau, c’est d’abord faire que les gens se connaissent entre eux. Ça paraît tout bête mais c’est une nécessité quand on veut travailler sur la même chose. Aujourd’hui, on se connaît un peu, on se rencontre de temps en temps, mais on ne sait pas précisément qui fait quoi pour travailler ensemble.
Il faut aussi recenser les moyens et les compétences : c’est-à-dire : qui SAIT faire quoi, et qui PEUT faire quoi.
Il faut se mettre à travailler ensemble sur des programmes fédérateurs, donc les définir, faire des appels à programmes et faire travailler les gens ensemble mais pas sans être forcément au même endroit.
Il faut également définir, comme l’ont fait les Anglais, une « roadmap recherche » avec un horizon bien établi, un découpage des tâches et des secteurs disciplinaires en identifiant des thèmes de recherche et en affectant des crédits et des moyens humains.
Une fois mis en place, ce réseau sur les énergies de la mer sera un outil de lobbying, au bon sens du terme, auprès des instances nationales. Pour le moment, les instances nationales qui financent la recherche, et qui aujourd’hui commencent à faire la promotion de ce thème de recherche, n’ont pas un interlocuteur unique de recherche sur les énergies marines renouvelables. C’est un peu un des rôles d’IPANEMA de constituer un outil de lobbying, d’avoir un interlocuteur côté chercheurs pour porter ce message.
On pourra réfléchir et proposer à l’inverse une démarche de pôle. A l’image de ce qui se fait avec l’énergie solaire : il existe à Chambéry un institut national de l’énergie solaire (INES) au service d’une filière industrielle qui est à la fois un centre de recherche, une plateforme technologique et un centre de formation spécialisé. Tout cela a été créé il y a quelques années. Evidemment, pour les énergies marines, on peut et on doit rêver d’un tel outil. Ceci dit, je pense que ça ne peut se construire que par la base, en nourrissant le terrain pour atteindre la masse critique. Mais c’est à nous d’en décider collectivement, pour l’instant c’est ma vision du problème, Il faut nourrir la recherche de base, former des scientifiques, cela prend du temps (une thèse c’est 3 ans et on n’est pas encore au bout de l’aventure quand on l’a terminée). A terme, quand la filière industrielle aura pris de l’ampleur, à l’image de l’énergie solaire, si c’est un succès, on pourrait aller vers un pôle national, un institut national.

Brigitte Bornemann-Blanc : Il y a un Conseil supérieur de l’énergie au sein duquel il y a un Comité national pour les énergies renouvelables, la dénomination n’est pas exacte, mais ça a été voté récemment par le Sénat, Comment ça va s’organiser ?

Alain Clément : Je ne sais pas, je n’appartiens pas à cette structure. Mais je sais que cet été a été créée l’Agence nationale pour la coordination de la recherche en énergie (l’ANCRE). Elle est pilotée par le CEA, l’IFP et le CNRS et accueille beaucoup d’organismes. Des groupes de travail ont été organisés dont l’objectif est effectivement de définir, toutes énergies confondues, les lignes de force de la recherche sur l’énergie. C’est en train de se mettre en place, les experts vont être désignés et le travail commence à peine. Je voudrais dire aussi que, encore plus récemment, a été créée l’Alliance nationale pour les Sciences de la mer. De la même façon, dans cette alliance nationale, d’après le texte introductif sur le site du Ministère, on parle des énergies marines renouvelables. Ces deux structures, véritables pilotes nationaux des recherches, affichent la volonté de piloter les énergies marines renouvelables. Mais je n’ai pas d’autres détails dessus.





Mis à jour le 06 avril 2010 à 11:08