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2009 : L'Heure bleue : Changement climatique, énergies de la mer et biodiversité > Table Ronde 5 – Economie et financement des énergies renouvelables de la mer >  La taxe carbone

La taxe carbone

Jean-Marc Daniel, Economiste, Directeur de la revue « Sociétal »

Biographie :

DANIEL Jean-Marc

Compte rendu :

Regardez la vidéo de l'intervention sur canalc2.tv : cliquez ici.

Transcription :

15 octobre 2009 Table ronde 5


Discours de Jean-Marc Daniel :

(transcription sous réserve de validation)

Merci, pour parler de la taxe carbone, je ferai juste 2 ou 3 petites remarques sur ce qui a été dit avant. Les externalités, je crois que tout le monde à compris, c’est les conséquences d’une activité économique qui ne sont pas immédiatement répercutées dans le prix. C’est-à-dire que quand une entreprise pollue, elle facture les coûts mais pas la pollution. C’est la prise en compte de l’externalité. Ce qu’on démontre sur le plan économique, c’est que c’est le rôle de l’2etat de gérer les externalités. Donc le rôle de la taxe carbone, c’est de gérer cela. Je vais revenir là-dessus. La deuxième remarque sur tous les chiffres qui ont été avancés, sur le thème de financement, je pense qu’il faut préciser qu’il y a les finances publiques et les finances privées. Spontanément lorsqu’on parle de dette, maintenant les gens sont traumatisés, ils pensent à dette publique et puis en général, ils confondent dette et déficit public. Le déficit c’est l’accroissement de ce qui se passe en une année. On a parlé des Etats Unis, cette année c’est 12% de leur production, quand on regarde leur dette, c’est plus important. La France, son déficit c’est 8,5% de sa production, sa dette c’est maintenant pas loin de 70% de sa production. Donc il ne faut pas confondre les 2. Je ferais juste une remarque dans la technique financière moderne au niveau macro-économique, au niveau général, il n’y a pas de limite au financement. On a vécu pendant des siècles avec le fait l’Homme avait une limite ultime à son financement qui était sa capacité à extraire de l’or. L’or n’existe plus dans le système monétaire depuis 1971 et on a un système monétaire où le crédit est potentiellement infini. On a dit que les fonds de pensions ont de l’argent, les Chinois ont de l’argent, ceux qui ont de l’argent ce sont les banques américaines parce qu’elles sont capables de créer une infinité de dollars et les banques françaises parce qu’elles sont capables de créer une infinité d’euros. Ce mécanisme-là que les gens ne voient pas, c’est-à-dire qu’il n’y a plus aucune limite à l’émission de monnaie, la planche à billet est totalement ouverte. Mener une politique monétaire, Monsieur Trichet dont on nous bassine les oreilles tous les deux jours, c’est celui qui est le régulateur ultime de ça. Ce n’est pas la banque de Chine, ce n’est pas les fonds de pensions, c’est un système dans lequel il n’y a pas de limite autre que de règles établies entre les gens. Ca veut dire concrètement que le financier, il n’est pas limité par la quantité d’or qu’il y a, comme autre fois – et c’est une mutation colossale dans le fonctionnement de l’économie – le financier n’a pas de référence par rapport à du travail passé, parce que la quantité d’or c’était du travail passé, il a une référence par rapport à du travail futur, ceux qu’il finance doivent générer de la richesse par le travail. On en arrive à ce que disait Monsieur Clément, le financier va financer des gens qui sont microscopiques à l’aune des potentialités de financement de l’économie mondiale. Ce qui est important c’est qu’il est en face de lui de l’innovation, des projets rentables. Le véritable enjeu, à mon sens, de l’avenir de l’humanité, c’est l’innovation, c’est la recherche et le développement, c’est la capacité de transformer les travaux de Monsieur Clément en activité économique réelle. Vous ne pouvez pas imaginer l’intelligence qui s’est produite dans les années 1970-1980 dans le monde. Vous avez les nanotechnologies, les travaux sur les énergies propres, les biotechnologies ; Les capacités de croissances sont énormes et les capacités de financement sont là. Troisième éléments, pour mettre tout ça en cohérence, il faut que les externalités soient prises en compte, donc il faut qu’il y ait une politique économique qui mette cela en cohérence. L’Etat permet à Monsieur Clément de travailler pour que après, les entreprises récupèrent les travaux de Monsieur Clément. Le problème c’est le financement même de l’Etat. Sur l’action de l’Etat, on en revient à la taxe carbone. L’Etat est limité dans ses financements et dans sa dette par une seule chose : il ne la rembourse jamais. Vous voyez dans la presse qu’on consacre tant d’argent à rembourser la dette de l’Etat alors que l’Etat ne rembourse jamais. Dans les écritures de l’Etat, il n’y a pas le remboursement de la dette, il y a le versement des intérêts sur la dette. Dans le budget que Monsieur Fillon à déposer devant le bureau du Parlement la semaine dernière, il y a 55 millions d’euros qui sont consacrés à financer les intérêts de la dette. C’est-à-dire que les impôts sur le revenu rentrent dans les caisses de l’Etat et sortent le lendemain pour payer des contrats d’assurance vie. C’est ça le vrai problème c’est que au lieu de donner de l’argent à Monsieur Clément pour faire des recherches, à cause de la dette publique tout ressort immédiatement. C’est le problème auquel sont confrontés les Etats de savoir qu’est-ce qu’ils ont fait de leur et comment ils peuvent faire face à ça. Dans les externalités et j’en reviens que sujet initial, la taxe carbone qui est sensée gérer les externalités. Je réponds non pour deux raisons. Je vais vous expliquer à quoi, selon moi, va servir la taxe carbone et puis vous allez avoir le point de vue opposé puisque Monsieur Rocard a présidée la commission sur la taxe carbone, donc lui, il va répondre oui. La première raison c’est que, comme tout le monde l’a dit, il faut inciter les gens à changer de comportement. Qui va payer la taxe carbone ? C’est vous et moi. Moi je vais la payer deux fois : je suis locataire, je vais la payer une première fois et puis mon loyer est indexé sur les prix et comme elle va être incorporée dans la liste des prix, je la repaierai. Tout ça pour une chaudière installée par mon propriétaire. Je peux dire à mon propriétaire de faire un effort mais ça ne diminuera pas ma taxe carbone et le propriétaire ne s’est pas du tout impliqué dans l’affaire. Celui qui va payer n’est pas celui qui prend la décision de modification de l’évolution d’émission de gaz à effet de serre. Quel va être le premier contributeur de la taxe carbone, c’est la sécurité sociale parce que les retraites sont indexées sur les prix. Une connerie monumentale mais ça a été fait en 1993, tout le monde trouvait ça génial à l’époque. Donc, si vous augmentez la taxe carbone, vous augmentez les prix ipso facto la sécurité sociale débourse. Est-ce que la sécurité sociale peut réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Vous avez vu dans quel état ils sont les pauvres ? Ils passent leur temps à boucher des trous. Qui vont payer ? les entreprises de main d’œuvre, les petites PME qui arrivent difficilement à faire survivre une main d’œuvre en les payant au SMIC. C’est pas glorieux de payer les gens au SMIC, c’est pas beaucoup. Et dans la foulée, indexation ! On a déjà calculé qu’il y aurait 100 000 emplois qui allaient y rester si on met la taxe carbone au niveau de la commission Rocard c’est-à-dire 30 € la tonne parce que les entreprises ne peuvent pas suivre. Donc ceux qui vont payer ne sont pas ceux qui peuvent faire quelque chose. Deuxième considération, comment faire pour faire payer ceux qui peuvent faire quelque chose ? Ceux qui peuvent faire quelque chose ce sont les entreprises, les gens à qui Monsieur Clément fournit des solutions. Il y a un outil, c’est de les faire payer à eux directement. Ça s’appelle le marché des ETS, le marché des droits à polluer, le marché des quotas. C’est assez compliqué à manier parce que c’est un marché de symbole. C’est un marché dans lequel vous achetez des droits et ce que montre les théories économiques c’est que quand vous avez un marché de droit il faut qu’il y ait un régulateur. Il faut donc qu’il y ait une banque centrale. Je ne vais pas rentrer dans les détails mais il faudrait que quelqu’un régule le marché parce que qu’est-ce qui s’est passé ? On a créé ce marché et tout le monde a fait son travail. Il y a notamment un mec qui a été génial dans cette affaire, c’est Monsieur Mital qui a fait fortune sur ce marché. Il a acheté toutes les sidérurgies pourries de la planète et Dieu sait s’il y en avait dans les pays d’Europe de l’Est. La sidérurgie des plans quinquennaux c’était quelque chose qui crachait du CO2. Les Polonais se sont aperçu qu’il avait fortune grâce à ça et si vous regarder un peu l’actualité, ils veulent demander à Monsieur Mital de rendre gorge un peu. Il en a trouver partout : au fin fond de l’Algérie, personne ne savait qu’il y avait encore des hauts fourneaux. Et c’était extrêmement polluant. Et Mital a fait fortune là-dessus parce qu’il n’y a pas vraiment de régulateur. Effectivement, il a rationalisé la sidérurgie, si vous regardez l’évolution des émissions de gaz à effet de serre de la sidérurgie, elles ont considérablement diminué. Il y a une partie, Jean-Michel Gauthier l’a dit, qui est lié au fait que la crise a affaibli la production d’acier. – A parte : il s’est vendu en 2009, 50 millions d’automobiles et il s’en est produit 90 millions. Donc les automobiles qui restent sont sur les parkings. Les ouvriers de l’automobile sont au chômage partiel sauf chez Toyota. Donc l’année prochaine, il ne va pas beaucoup s’acheter d’acier parce qu’il y a encore 40 millions d’automobiles à écouler. – Mais fondamentalement, Monsieur Mital a fait fortune, mais il a réduit considérablement les émissions de gaz à effet de serre dans toute la sidérurgie polonaise et ukrainienne parce qu’il avait un intérêt objectif à faire ça. Moi, si on me fait payer la taxe carbone, quelque soit mon intérêt et quelque soit ma conscientisation à baisser la quantité de charbon, de gaz à effet de serre que j’ai dans mon appartement, ça ne donne aucun résultat. Vous pouvez dire que ça va m’inciter à être plus prudent. Je peux vivre dans la Roumanie de Ceauşescu, à 10°C. C’est tellement idiot et je vais conclure là-dessus, quand je dis idiot c’est un mot sévère, en plus c’est un ancien 1er ministre que j’aime beaucoup. La phase ultime ça a été de faire de 2 choses. La première chose, ça a été de dire qu’on allait rendre l’argent. On vous prend de l’argent et on vous le rend. Même Rocard a dit que ça allait être une « sacrée usine à gaz », je trouve que l’expression est géniale pour lutter contre les gaz à effet de serre ! Donc vous allez avoir les chèques verts. J’ai été auditionné par la Commission Rocard, je connais bien l’économiste qui y était qui s’appelle Mathilde Lemoine. J’ai dit qu’avec le chèque vert, il faudra qu’on interdise d’acheter du pétrole et des gros 4x4. Rocard était d’accord. Mais vous avez entendu parler de l’effet d’aubaine : avec mon chèque vert, je fais des économies en m’achetant par exemple de la nourriture. Les économies qui restent, je vais pouvoir m’acheter un gros 4x4. Rocard m’a répondu que le chèque vert ne sera pas de cette importance. Mais avec beaucoup de chèques verts, j’arriverai à me faire un 4x4 ! Deuxième élément qui set inquiétant : ce n’est plus une « taxe », c’est une « contribution ». Dans l’histoire des impôts, on nous fait le coût régulièrement. Ca a commencé à la Révolution, ils ont convoqué les Etats généraux en disant « Vous n’allez pas payer des impôts pour réduire les déficits des finances publiques, vous allez, de façon citoyenne, apporter une contribution au redressement et à l’effort national. La première année, c’était une contribution volontaire : la Place des Vosges à Paris s’appelle comme ça parce que c’était le département qui avait le plus apporté à la contribution volontaire. Ça s’appelle toujours des contributions, nous sommes toujours des « contribuables ». Je vous signale qu’en français « contribuable », ça veut dire que spontanément nous apportons notre obole au maintien de l’activité de cet Etat qui nous fait tant de bien.
Dernière et ultime remarque dans tout ça. Je crois que le vrai enjeu dans ce qui se passe c’est 55 milliards d’euros qui entrent et qui sortent immédiatement. Donc les finances publiques sont dans un état pathétique. Puisque Michel Rocard n’est pas là, je peux le dire : et on en rajoute ! parce que le « grand emprunt » c’est quand même la forme ultime de la provocation. Vous avez 2 techniques fiscales : la bonne qui consiste à prendre un impôt sur une très large assiette, l’assiette c’est la base imposable, l’assiette l’impôt sur le revenu c’est le revenu. Depuis le début de la science économique, les mecs ont fait des calculs. Vous avez 2 sortes d’impôts : ce qu’on appelle l’impôt normal avec une très large assiette et un faible taux. Rocard avait été assez bon avec la CSG. L’assiette c’est tout. Le taux était faible au départ, maintenant c’est « tout » et taux élevé ! Et il existe, ce que les économistes appellent les impôts moraux. Les rois de ça s’était sous le Directoire. C’est le régime le plus corrompu qu’on ait connu dans l’histoire de la France. Ils avaient créé des impôts moraux : il y avait un impôt sur les jeux de cartes… Donc petite assiette, taux élevés pour modifier les comportements des gens. Ça ne marche jamais. Ce qui est sûr c’est qu’il va falloir qu’on augmente les impôts. On a parlé tout à l’heure des Etats Unis, je ne suis pas d’accord que ce qui a été dit sur la situation de l’économie américaine qui est dans un état de délabrement avancé. L’économie qui est en train de mieux s’en sortir, d’après tous les indicateurs de l’OCDE…, c’est l’Italie. On a une vision de l’Italie qui est un peu biaisée, on a un indicateur sur l’Italie qui est un peu biaisé. Pourquoi l’économie Italienne s’en sort bien parce qu’il y a ce qu’on appelle « l’Italian Touch » c’est-à-dire la capacité en permanence d’être sur un marché avec une produit qui est inégalable. Les Italiens ne vendent plus des automobiles, il vendent des Fiat 500. C’est la même Fiat qu’il y a 40 ans sauf qu’elle est 2 fois plus chère et c’est la seule voiture qui se vend en ce moment. Ça, ça s’appelle « Italian Touch ». Donc l’économie s’en sort et elle s’en sortira dans l’innovation et la qualité « Italian Touch ». Je pense, pour conclure, que l’avenir de l’économie française – nous sommes en train d’assister à l’effondrement de l’empire anglo-saxon, tous les indicateurs économiques vont dans le même sens – c’est la qualité. Et pour moi, la qualité, c’est Monsieur Clément. Donc de faire en sorte que des chercheurs ait la capacité de mettre en permanence sur le marché les résultats de leur recherches. Ça suppose en particulier, que l’Etat puisse faire vivre leurs laboratoires. Le bilan de tout ça c’est qu’il va falloir qu’on paie des impôts pour que Monsieur Clément puisse travailler et c’est plus simple de vous faire payer des impôts en disant que grâce à la taxe carbone vous sauvez la planète plutôt que de vous faire payer des impôts en vous disant que l’Etat est géré de façon irresponsable donc on a besoin de vous. Donc Monsieur Rocard va vous dire que vous allez sauver la planète.




Mis à jour le 20 mai 2010 à 10:39