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2007 : Les énergies de la mer > TR2 : Retours d'expériences, R&D et innovations : Rôle des collectivitées, les recherches en France >  Simulateur d’hydrolienne

Simulateur d’hydrolienne

Mohamed El Hachemi Benbouzid, Laboratoire d’ingénierie mécanique et électrique UBO et Jean-Frédéric Charpentier, adjoint au Directeur de l’enseignement scientifique de l’Ecole Navale.

Biographies :

CHARPENTIER Jean Frédéric, BENBOUZID Mohamed El Hachemi

Compte rendu :

Voir la vidéo de Mohamed El Hachemi Benbouzid et Jean-Frédéric Charpentier

Téléchargez la présentation

Transcription :

18 octobre 2007 Table ronde 2


Discours de Mohamed El Hachemi Benbouzid et Jean-Frédéric Charpentier

Retours d’expériences, R & D et innovations : Rôle des collectivités, les recherches
en France


Rachel Mulot : On a vu que le milieu est rude et difficile. La technologie est émergente. Comment conçoit-on des outils optimums pour produire le maximum d’énergie ?
Comment évalue-t-on le potentiel d’un site ? Jean-Frédéric Charpentier et Pr Mohamed El Hachemi Benbouzid.

J.F. Charpentier : On travaille essentiellement sur ce que l’on appelle les hydroliennes. Je travaille à l’Ecole Navale de Brest qui dépend de la Marine Nationale et le Pr Benbouzid travaille à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO). Nous avons un certain nombre de projets qui concernent ce que l’on appelle des hydroliennes. Qu’est-ce qu’une hydrolienne ? C’est une machine qui sert à récupérer de l’énergie cinétique1 qui est liée à la vitesse des courants marins et en particulier des courants qui sont liés aux phénomènes de marée. En gros, ce système est constitué d’une turbine que l’on va immerger, qui va entraîner d’une manière ou d’une autre un générateur qui va produire de l’électricité.

Pourquoi s’intéresse-t-on à l’énergie cinétique ?
Tout simplement parce que la France est un pays qui possède un grand nombre de sites à très fort potentiel dans ce domaine. Par exemple, je vais en citer trois qui sont souvent parmi les plus cités. On peut parler du raz de Sein qui est au large de la pointe du Raz, du chenal du Fromveur qui est au large d'Ouessant (ce sont des endroits très proches de Brest) et du raz Blanchard qui est en Normandie. Mais si on regarde par rapport au potentiel dans ce domaine de l’Europe Occidentale, la France en représente environ 40%. On voit que ces sites sont des endroits dans le monde où les courants sont pratiquement les plus forts. Autre avantage de cette ressource, c’est d’être prédictible. Pourquoi ? Parce qu’elle est liée au phénomène de marée qui est un phénomène astronomique lié aux positions relatives des astres, principalement du soleil, de la terre et de la lune. Il est donc tout à fait possible de prévoir la vitesse du courant plusieurs années à l’avance. On est par exemple capable de prévoir dans un an, à la même date et à la même heure, dans le raz de Sein quelle sera la vitesse du courant à tel endroit et quelle puissance une machine positionnée à cet endroit pourra extraire. C’est vraiment très intéressant en particulier pour tout ce qui est gestion du réseau d’énergie. C’est-à-dire que le gestionnaire d’énergie, contrairement à l’éolien terrestre, pourra finalement savoir aux perturbations liées à l’état de la mer prés, de quelle puissance il disposera à un instant donné.

On pourrait se dire : une hydrolienne est une éolienne que l’on a mise sous la mer. On peut se demander si les technologies qui sont liées à l’éolien– M. Alain Clément en a parlé tout à l’heure – et qui sont mûres au niveau de l’éolien, seront directement transposables au monde sous-marin. On a vu qu’il y avait des sites en Normandie, je vais donc faire une réponse de Normand : c’est ni oui, ni non … mais c’est plutôt non. Pourquoi ? Parce que le contexte est tout de même assez différent. Cela a été souligné dans la vidéo que l’on a vue tout à l’heure. En définitive, l’eau est beaucoup plus dense, environ 1 000 fois plus dense que l’air. La densité énergétique du fluide est donc beaucoup plus importante. Cela veut dire que les turbines pour une même puissance seront de taille bien plus petite. Si l’on considère les nacelles qui vont contenir les générateurs qui vont se placer sur l’axe des turbines, dans le contexte éolien, elles seront en général négligeables en termes de taille et en termes de volume devant l’hélice. Mais dans le contexte hydrolien, ce n’est pas forcément le cas. Voilà pour le premier point.

Un deuxième point a été évoqué lors des précédentes interventions, celui de la difficulté au niveau de la maintenance. On estime que vous allez vous retrouver dans des endroits difficiles d’accès – j’ai évoqué tout à l’heure Sein et Ouessant. On conçoit que ce sont des endroits périlleux, difficiles d’accès, s’il faut en particulier intervenir sous l’eau ou sortir des structures de l’eau. Si on regarde sur une année le nombre d’heures où les conditions météo s’y prêtent et où les vitesses de courants sont faibles, c’est-à-dire les moments d’étal par exemple, on est finalement très limité. Il est donc pratiquement indispensable, je dirai idéal, de concevoir une machine qui ne nécessite pas de maintenance, c’est-à-dire qu’on la mette à l’eau et qu’on n’y touche plus une fois pour toutes.

Voici deux points qui sont vraiment très différents du domaine de l’éolien. Un certain nombre de projets pilote ont été testés de par le monde, en particulier en Angleterre - on en revient toujours aux Anglais qui ont mis beaucoup d’argent pour ces opérations, mais il y a aussi la Norvège et l’Italie. Ces projets reposent en définitive sur des technologies différentes. Si vous regardez le transparent, vous voyez qu’il n’apparaît pas pour l’instant de consensus ni de technologie standard, c’est-à-dire que l’on ne sait pas encore quelle technologie va s’imposer. Cela signifie qu’un effort de recherche conséquent est à faire pour explorer ces concepts et déterminer en fonction du site, en fonction des contraintes, la technologie qui sera la plus intéressante.

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Fig. 1 : Quelques technologies en concurrence pour la récupération de l’énergie des courants marins


C’est dans cette optique que l’on poursuit nos recherches, que ce soit avec l’Université de Bretagne Occidentale avec le Professeur Benbouzid ou à l’Ecole Navale de Brest. Nous avons trois projets de recherche dans ce domaine qui sont supportés par trois thèses, une financée par Brest métropole océane, la communauté urbaine de Brest, une autre financée par la Marine Nationale et une troisième financée par la Région de Bretagne. Je vais les présenter de manière succincte et le Professeur Benbouzid rentrera peut-être un peu plus dans les détails.

Trois projets de recherche supportés par trois thèses
La première concerne la modélisation de chaînes de conversion électromécanique,
c’est-à-dire être capable de modéliser de la ressource avec sa perturbation en passant par la turbine, le générateur et le réseau, donc de modéliser une chaîne de conversion entière de manière à pouvoir tester des concepts, les lois de commande etc..

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Fig. 2 Simulation de la puissance produite par une hydrolienne avec différents types de commande
[@ UBO/IRENAv]



Une deuxième action concerne la conception de prototypes innovants spécifiquement dédiés à ces systèmes. On va travailler par exemple sur ce que l’on appelle dans notre langage des générateurs à entraînement circonférentiel. Classiquement, pour une éolienne on va avoir une hélice qui au bout de son arbre va entraîner une génératrice. Là, le concept est un petit peu différent, c’est-à-dire qu’on se dit qu’on va intégrer le générateur à l’intérieur de la carène qui entoure l’hélice et c’est l’hélice elle-même qui va être le rotor de la machine électrique. Cette deuxième thèse qui a lieu à l’Ecole Navale est financée par la Marine Nationale en collaboration avec l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers de Lille.

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Fig 3 : Concept (éclaté) de turbine à entraînement circonférentiel [@IRENAV,L. Drouen,T. Breteau].

Enfin, au cours des mois prochains devrait commencer une troisième thèse plus centrée sur l’aspect mécanique des choses qui concerne les nouveaux types de convertisseurs mécaniques capables de capturer de l’énergie des courants de marée. Peut-être certains d’entre vous ont-ils fait de la godille au cours d’activités de plaisance. Vous avez des mouvements non conventionnels qui ne sont pas basés sur la rotation, mais sur une oscillation. Un certain nombre de projets sont basés sur des prototypes oscillants, un petit peu comme une queue de cétacé qui va osciller dans le fluide et dont on va récupérer le mouvement de cet hydrofoil, excusez-moi du terme technique, le mouvement de cette pale, si j’ose dire, pour la convertir en énergie. A l’Ecole Navale, on s’intéresse à des combinaisons de ce type de mouvements avec des mouvements de rotation, c’est ce que l’on appelle dans notre jargon des « capteurs d’énergie non stationnaires ».

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Fig. 4 Un exemple de système à cinématique « non stationnaire » : le système « Lipp »[@IRENav]

Voici les trois axes de recherche que nous développons à Brest. On voit bien qu’il est nécessaire de développer des recherches en amont de manière à accompagner des projets industriels et cela passe bien sûr par des financements publics. Vous avez vu que nous en avons déjà quelques-uns puisque grâce à BMO, à la Région Bretagne et à la Marine Nationale, on a pu lancer ces thèses, mais je pense qu’il faut aller plus loin. On est actuellement en cours de montage de dossiers pour demander des subventions à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), mais cela nécessite des financements assez importants. Je pense que c’est une condition sine qua non pour accompagner des projets industriels comme peuvent l’être des projets EDF, mais aussi de plus petits projets comme HydroHelix à un échelon plus local. Je vais passer la parole au Professeur Mohamed El Hachemi Benbouzid qui va rentrer un peu plus dans le détail.

M. Benbouzid : Je ne vais pas rentrer dans le détail technique des thèses, je vais plutôt parler des deux thèses qui sont actuellement en cours. La première thèse a pour principal objectif la réalisation d’un outil de simulation physique. Vous avez déjà pu constater à travers les discussions qu’une hydrolienne en mer met en jeu un certain nombre de disciplines techniques. Cela met en jeu de l’hydrodynamique, c’est-à-dire le déplacement de l’eau, de l’électricité et de la mécanique et l’objectif de ces travaux est la réalisation d’un outil qui servira par la suite. Le principal objectif de cet outil est de permettre de comparer, entre autres, un certain nombre de technologies. L’objectif final est de déterminer la technologie la plus intéressante dans le cadre de la récupération d’énergie des courants marins. Cet outil multi physique va se décomposer en un certain nombre de parties : on modélise la ressource qui est l’eau, ensuite on modélise le capteur. Pour le moment on est parti sur une technologie qui est la plus répandue, tout simplement celle d’une éolienne qui est supposée être immergée en mer (c’est la technologie anglaise). On va donc essayer de mettre au point un outil qui simule le mouvement de l’eau, le mouvement de la pale qui est un mouvement mécanique et ensuite, la génération d’électricité, donc la conversion électromécanique et l’électricité. Puis on s’intéresse aussi - même si ce n’est pas un problème d’actualité - à la connexion réseau.
Il faut signaler que les travaux de cette thèse sont financés par BMO et qu’ils se font en collaboration avec l’Ecole Navale puisque l’on accueille chaque année les meilleurs élèves de l’Ecole Navale, les PFE dans le cadre de leur Projet de Fin d’Etudes. Vous pouvez constater sur le slide que pour valider cet outil, on a fait un choix de site. Le site que l’on a choisi est celui qui se prête le plus à ce type d’hydrolienne, le raz de Sein. Ce site particulier répond à un certain nombre de critères, entre autres, la profondeur, la vitesse des courants, etc. Le problème, c’est qu’il fallait valider cet outil de simulation.
Pour le moment, la maquette HydroHelix n’étant pas encore mise à l’eau, on s’est basé sur l’hydrolienne expérimentale qui existe chez les Anglais, celle qui existe à l’Université de Southampton. On a pu récupérer un certain nombre de données expérimentales, ce qui nous a permis de valider en premier ressort notre outil de simulation, donc modélisation de la ressource plus le capteur. Les travaux se poursuivent actuellement sur la connexion de la génératrice et on espère après cette première validation avec Hydrohelix qui sera mise à l’eau avec les données qu’on va récupérer de la batterie de capteurs, pouvoir valider cet outil de simulation. C’était pour la première thèse.

En ce qui concerne la deuxième thèse, c’est plutôt le développement de concepts innovateurs. Ce n’est plus ce type d’hydrolienne, mais ce sont des hydroliennes qui se basent un peu sur le concept de la propulsion inversée. Au lieu de propulser un navire, on essaie de générer de l’électricité à partir de ces systèmes. Je profite de l’occasion pour remercier Brest métropole océane pour le financement de cette thèse. Je remercie également BMO, le Conseil Général du Finistère puisque l’on vient d’avoir très récemment la notification d’un financement qui nous permettra la réalisation d’un banc expérimental. Malheureusement, on ne va pas pouvoir se permettre de réaliser l’hydrolienne, mais on va pouvoir mettre au point un ban expérimental qui permettra d’émuler le fonctionnement de l’hydrolienne, ce qui nous permettra très rapidement de valider expérimentalement ce que l’on est en train de développer. Merci.





Mis à jour le 07 janvier 2008 à 11:01