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2006 : La biodiversité du littoral > TR1 : La biodiversité des habitats littoraux, histoire et évolution >  Changements environnementaux à l'échelle du Quaternaire

Changements environnementaux à l'échelle du Quaternaire

Pascal Leroy, Docteur en géologie, maître de conférence à l’UBO.

Biographie :

LEROY Pascal

Compte rendu :

Voir la vidéo de Pascal Leroy


Transcription :

13 octobre 2006 TR1


Discours de Pascal Leroy


Dans cette courte intervention, je vais replacer les écosystèmes littoraux dans leur perspective géologique, du moins dans une dimension temporelle à l’échelle de la dizaine de milliers d’années. Je vais vous présenter quelques aspects de l’évolution du littoral et de la plate-forme continentale en relation avec les variations du niveau marin et les variations climatiques pour le massif armoricain et ceci, avec l’échelle du quaternaire récent.

Je suis géologue, enseignant chercheur à l’UBO et vais vous présenter cet aspect scientifique de la terre des écosystèmes littoraux. Cet exposé s’inscrit dans une série de travaux menés en collaboration avec des collègues de l’UBO, d’Ifremer, des universités de Vannes et de Rennes.
Si on prend comme stade de départ le Dernier Maximum Glaciaire pour exprimer cette variation du littoral, on a cette image présentée ici. Il y a 18 000 – 25 000 ans, le littoral était à moins de 120 m par rapport à la position actuelle. La plate-forme continentale du Nord-Ouest de l’Europe était exondée et les îles britanniques étaient sous une calotte glaciaire qui atteignait une épaisseur de 1 000 m.
A partir de 17 000 – 18 000 ans, le climat périglaciaire qui régnait sur le nord de la France a commencé à s’adoucir et le niveau marin à remonter, en réponse à la fonte des glaces. Comme vous le voyez sur cette courbe à valeur globale, cette remontée va d’abord être lente puis beaucoup plus rapide. Les quatre vignettes illustrent cette remontée du niveau marin au Nord-Ouest du Finistère. A -14 000 ans, ce niveau marin était à -100 m, à -11 500 ans à -70 m, à -10 000 ans à -40 m – l’île d’Ouessant acquiert sa position d’insularité et la chaussée de Molène restera rattachée au continent jusqu’à -7 000 ans.
Durant cette remontée du niveau marin, la bande littorale va marquer un recul très rapide puisque les estimations entre 17 000 ans et 10 000 ans montrent qu’elle a reculé avec une vitesse qui atteint 15 voir 20 m par an à certains endroits. Il est intéressant de caractériser l’enregistrement sédimentaire littoral en réponse à ces variations rapides de la mer et du climat. C’est ce qui a motivé toute une série de petites campagnes océanographiques. Je vous présente ici, à travers l’exemple de la Baie de Douarnenez, cette réponse sédimentaire. Vous voyez cette baie avec un plan de position de levées océanographiques faites lors de campagnes de Canadou initiées par Ifremer en collaboration avec l’UBO. On a effectué un maillage très dense pour enregistrer des données de bathymétrie, de sonars, de sismique réflexion. L’interprétation, l’exploitation des données enregistrées ont permis de caractériser cette couverture sédimentaire. Vous voyez ici un exemple de profil de sismique réflexion, c’est une coupe enregistrée au sud du Cap de la Chèvre. On y voit une imbrication d’unités sédimentaires déposées dans une vaste vallée entaillée dans le socle rocheux. Si on soustrait cette couverture sédimentaire des fonds marins, on peut visualiser le substratum rocheux, sous les sédiments, donc invisible depuis la surface. On voit ici que la Baie de Douarnenez est entaillée d’une profonde vallée, appelée la vallée d’Ys, qui draine la totalité de la Baie et donc, par-dessus laquelle se sont déposés les sédiments. Ces sédiments ont ensuite été reconnus à l’aide d’une série de carottages implantés tout le long de la vallée d’Ys et en dehors de cette vallée à travers la Baie.
Pour caractériser ces sédiments, nous avons ouvert ces carottes qui font 4 à 5 m de longueur. Quand on regarde ces carottes, on voit très bien deux ensembles sédimentaires superposés : un ensemble supérieur sableux qui repose sur un ensemble plus fin constitué de silt et d’argile. Si on regarde un peu plus en détail l’ensemble fin, on voit qu’il est composé d’une stratification lenticulaire qui comporte des petits lits sableux dans une matrice fine : ceci évoque une sédimentation d’estuaire et la base des carottes a été datée à 8 370 ans par âge radio carbone.
On a également effectué toute une série d’analyses palynologiques sur ces carottes comme c’est illustré sur cette diapo. Ces analyses ont consisté à compter un certain nombre de marqueurs continentaux – pollens, champignons, débris végétaux – et des marqueurs marins – dinoflagellés, algues microforaminifères – et ceci permet de caractériser le rapport marqueurs continentaux / marqueurs marins. On voit ainsi que l’ensemble sableux supérieur dont je vous ai parlée, présente une affinité marine très forte alors que l’ensemble inférieure présente une affinité continentale donc plus compatible avec un système estuarien. Cette démarche menée sur l’ensemble des prélèvements permet de proposer le schéma d’évolution de la Baie de Douarnenez pour le Dernier Maximum Glaciaire. Il y a 18 000 ans, au maximum de froid, lorsque les niveaux marins étaient à -120 m, la Baie de Douarnenez était complètement vidangée de toute sa couverture sédimentaire, on a alors une vallée qui s’est incisée. Elle existait sans doute déjà mais elle a été ré-entaillée avec quelques dépôts fluviatiles qui ont pu être préservés à la base de ces incisions mais en dehors de ces incisions, la couverture sédimentaire est nulle. A partir de -10 000 ans, la mer a ré envahi cette Baie en empruntant ces incisions, avec une dynamique de marée très forte, ce qui a permis la mise en place de dépôts sous forme de barres de méandres illustrés ici, constitués de matériels coquilliers très certainement. Entre 8 000 et 5-6 000 ans, il y a la mise en place d’une sédimentation estuarienne qui achève le comblement de ces incisions. Enfin, à partir de 5-6 000 ans, le niveau marin est sensiblement celui d’aujourd’hui, on a alors une dynamique de houle qui prend le relais sur une dynamique de marée et des fonds viennent se déposer par dessus les fonds argilo-silteux. Ce schéma simple a été avalisé pour d’autres zones côtières de la Bretagne, avec les différentes missions menées. On a pu montrer que l’ensemble du littoral était caractérisé par toute une série d’incisions profondes, invisibles, sous la couverture actuelle. Ces incisions sont beaucoup plus importantes au sud de la Bretagne. Ces travaux montrent que les substrats meubles actuels sont très récents à l’échelle de la géologie et extrêmement sensibles aux variations du niveau marin.

Je vous remercie.





Mis à jour le 18 janvier 2008 à 15:14