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2006 : La biodiversité du littoral > TR 3 : Parcs naturels, aires marines protégées, biosphères ... >  L'outil Parc Naturel Marin

L'outil Parc Naturel Marin

Olivier Laroussinie, Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, adjoint au sous-directeur des espaces naturels et responsable du bureau des parcs nationaux et réserves naturelles.

Biographie :

LAROUSSINIE Olivier

Compte rendu :

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Transcription :

14 octobre 2006 TR3


Discours de Olivier Laroussinie


L’exposé de Philippe Le Niliot nous a clairement montré que si on part de l’hypothèse – qui est mienne – que les aires marines protégées servent à quelque chose, en tout cas dans la gestion du milieu marin, effectivement on a un certain retard dans le domaine. Ce retard, on l’a analysé pour la première fois à l’occasion de la préparation de la stratégie nationale pour la protection de la biodiversité qui a un plan d’action pour la mer, cela faisait donc partie des priorités identifiées. Ce plan d’action a été tourné à la fois vers le patrimoine naturel et vers la protection de la biodiversité dans les différents secteurs d’activité. Il est intéressant de le souligner car on a vraiment une prise en compte de la biodiversité qui n’est pas seulement du point de vue de la protection de la nature mais également d’intégrer les considérations dans chaque domaine d’activités. Bien sûr, mon propos portera plutôt sur la protection de la nature, mais je ne voudrais pas que l’on oublie cet autre aspect particulièrement important.

Du point de vue de la protection du patrimoine naturel, le constat est qu’on a les outils juridiques tout à fait applicables en mer – ils ont été cité par Philippe Le Niliot – et même dans chaque secteur d’activité. Mais il faut reconnaître que les outils pour la protection de la nature manque de succès ces dernières années, entre les projets de parcs nationaux avortés, comme en Corse, sur les Iles Chausey ou sur la côte des Pyrénées-Orientales, ou transformés dans le cas de l’Iroise ; des projets de réserves naturelles qu’on est obligé de limiter à la partie terrestre alors même qu’on avait prévu une partie marine. Il y a donc un problème. En théorie, d’un point de vue juridique, cela s’applique à la mer, mais en pratique, il faut bien reconnaître qu’on a des outils juridiques construits autour d’une approche très marquée par l’existence de collectivités territoriales et donc, d’une représentation de la population par ces collectivités – ce qui n’est pas le cas en mer – et très marquée par la propriété et l’usage du sol – ce n’est pas le cas en mer où on a des usages dans un milieu ouvert. J’ajoute à cette analyse que tout le savoir-faire de l’administration de la protection de la nature (Etat, collectivités …) est très tourné vers le terrestre. Pourquoi la France n’a-t-elle pas de culture maritime ? La réponse, que je partage avec Philippe Le Niliot, est que la France était avant tout un pays agricole et que cette ouverture vers la mer est assez récente. S’il y a une culture maritime chez une partie du peuple français, la grande majorité est agricole. Même si vous prenez la Bretagne, vous avez l’essentiel de la culture maritime française et elle ne s’est tournée qu’assez récemment vers la mer. Ce savoir-faire est terrestre, et dans ce milieu, on a nos techniques, on a des listes d’habitats, on sait les décrire, on a des listes d’espèces protégées assez complètes. Ce n’est pas du tout le cas en mer. Et surtout, on a des pratiques de gouvernance, de logique de discussion avec les acteurs, beaucoup plus développées avec beaucoup plus de pratique que ce n’est le cas pour la mer. J’ajoute dans l’analyse, un manque de connaissances : on n’a pas vraiment d’inventaires complets, on a des objets d’étude mobiles, qu’on n’a pas encore su tout à fait formaliser. Plus qu’en terrestre, on a besoin d’une approche intégrée entre la protection et la gestion des activités. Là où on peut délimiter et réglementer tel aspect à tel endroit en terrestre, cela devient beaucoup plus difficile en mer, milieu ouvert.
La stratégie biodiversité a fait ce constat et a dû créer un outil spécifique et adapté. C’est comme ça qu’est né le parc naturel marin, entre cette réflexion nationale et l’expérience de l’Iroise, de la discussion qui a abouti à un cahier des charges qui, manifestement, n’est pas un parc national. On a fusionné les deux approches pour créer ce nouvel outil juridique. La stratégie biodiversité envisage donc de prendre deux « chevaux de bataille » : la création d’une dizaine de parcs naturels marins d’ici 2012 et la mise en œuvre de Natura 2000. Dans le cas de Natura 2000, on a une approche en mer avec une approche par espèces, habitats remarquables et un objectif de protection très ciblé, contrairement au parc marin qui a une approche plus intégrée.
On est à la veille de la création du premier parc marin, je l’espère, et à la veille de la mise en chantier du deuxième, puisqu’on a une sollicitation très forte dans la région de Cerbère-Banyuls, y compris de collectivités territoriales.

Je vais contredire mon propos. Je disais que « les réserves naturelles, ça ne marche plus ! ». En fait, elles marchent encore un peu et je vais contredire les chiffres de Philippe Le Niliot « 0,01% des zones sous juridiction française sont protégées ». Ce n’est plus vrai depuis une semaine car nous avons créé la réserve des terres Australes qui comporte une partie marine significative puisqu’elle fait 1,5 millions d’hectare. J’ai donc la joie de vous annoncer que depuis une semaine, nous avons 0,15% des surfaces sous juridiction française en espace protégé. Il reste du travail pour arriver aux 5 ou 10%.

Cette loi du 14 avril 2006, c’est concrètement la base législative de ce projet de créer des parcs naturels marins. Le décret d’application devrait paraître demain, il a été signé hier par le dernier ministre signataire, on est vraiment dans l’actualité. On est poussé par une volonté politique réelle puisque moins de six mois après le vote de la loi, le décret d’application est signé, c’est très rapide.

Le parc marin est un espace délimité en mer. La mer, c’est depuis la limite haute du domaine public maritime jusqu’à la limite des eaux sous juridiction, ce qu’on appelle communément la Zone Economique Exclusive (ZEE). Le parc pose d’emblée un double objectif de protection et de gestion durable des ressources. Pour piloter la gestion de cet espace, on va avoir un conseil de gestion adapté à cet espace qui doit réaliser un plan de gestion et suivre son application. Pour le mettre en oeuvre, il y a plusieurs possibilités. D’abord, par la loi, il y a une possibilité de proposition auprès de l’autorité qui réglemente. Ce n’est pas le conseil de gestion qui réglemente, c’est sa capacité de proposition et donc, l’intelligence qu’il mettra dans ses propositions qui ont force vis-à-vis des autorités qui réglementent. Le conseil de gestion aura des moyens qui lui seront affectés, qui lui permettront d’avoir des équipes pour faire de la surveillance, pour connaître le milieu, pour faire de l’ingénierie de projet, pour appuyer des projets des acteurs de cet espace, bien sûr dans le cadre du plan de gestion. L’idée forte qu’il y a derrière, c’est que l’Etat est seul compétent en mer. Mais l’Etat, c’est déjà trois préfets différents, et il sait qu’il ne peut pas décider tout seul. Ce conseil de gestion est donc l’opportunité d’associer formellement les collectivités et les usagers. Chaque projet de parc naturel marin décide de qui va faire partie de ce conseil. Dans le cas de l’Iroise, il y a un certain nombre de collectivités tout à fait obligatoires, les pêcheurs sont incontournables. Mais ce n’est pas une règle générale, c’est une règle adaptée à l’Iroise. De même, les pondérations dans les représentations n’ont pas vocation à être les mêmes partout.

Deuxième point, le conseil de gestion doit donner un avis conforme sur ce qui est le plus grave, c’est-à-dire le cas où des autorisations sont données pour des activités qui, de toute évidence, ont un effet notable sur le milieu parc marin et contredisent en quelque sorte les objectifs fixés.

Dernier élément de la loi, et pas des moindres, c’est la création d’une agence des aires marines protégées. C’est une innovation qui vient du législateur lui-même. Le projet du gouvernement était une agence des parcs naturels marins, agence de moyens, d’intendance, qui mettait à disposition de chaque conseil de gestion les moyens dont il avait besoin. Le législateur a voulu faire une politique plus ambitieuse sur les aires marines protégées et créer une agence qui aura trois fonctions principales.
Premièrement, elle devra appuyer les politiques publiques en matière d’aires marines protégées, c’est-à-dire celles de l’Etat, des collectivités, que ce soient les régions en métropole, les collectivités d’Outre-mer dans le Pacifique, que ce soit pour des projets d’aires marines protégées dans les eaux sous juridiction française ou pour la contribution de la France aux discussions internationales. Philippe Le Niliot vous l’a dit, nous sommes partie prenante à pratiquement toutes les conventions de mer dans le monde et notre représentation est pour l’instant surtout diplomatique, il lui manque le côté technique et une capacité de participation à des projets internationaux.
La deuxième mission est beaucoup plus classique : il y a déjà des aires marines protégées, même si Philippe Le Niliot disait qu’elles ne se voient pas beaucoup sur la carte, et il va y en avoir de plus en plus. Donc l’agence a une fonction d’appui technique aux gestionnaires de ces aires marines protégées.
La troisième fonction, c’est d’être une agence de moyens pour les parcs naturels marins.

Voilà brossés à grands traits la stratégie et l’aspect institutionnel. Philippe Le Niliot a donné une définition des aires marines protégées. Le décret d’application de la loi en donne aussi une. Règle juridique très simple, on a pris celle définie dans le code de l’environnement, dans le même chapitre que ce qui concernait cette agence des aires marines protégées : les réserves naturelles, les parcs nationaux, les sites Natura 2000, les arrêtés de protection de biotopes … La loi a eu la prudence de laisser ouverte la liste pour tout ce qui serait décidé en plus par un arrêté du ministre après, bien sûr, l’avis du conseil d’administration de l’agence qui reconnaîtrait une catégorie d’espace comme étant une catégorie d’aires marines protégées sous la seule condition qu’il y ait un objectif de protection du milieu et que l’on puisse mettre en œuvre cet objectif – par un règlement, un programme de travail ou des contrats. C’est donc une définition très ouverte, cohérente avec celle de l’UICN mais qui allie un peu de contenu technique et concret à l’objectif de protection.

Sylvie Andreu : Vous espérez vous présenter avec un dossier plus complet devant les instances internationales ?

Il reste du travail à faire parce que le cadre, c’est bien, mais il faut du contenu. Un des premiers travaux de l’agence sera de constituer une expertise à partir des connaissances déjà acquises.

Sylvie Andreu : Et de communiquer sur le parc de l’Iroise …

Nous espérons pouvoir valoriser nos expériences sur les plans de la gouvernance et institutionnel. Le discours international, les débats internationaux sont assez dominés par les anglo-saxons et peut-être que les français ont quelque chose à faire valoir en terme de façon de faire des aires marines protégées et de les gérer.

Sylvie Andreu : D’où vient la complexité française ?

Si on regarde les autres, on n’est pas plus complexe. N’importe quel autre pays a le même genre de difficultés et finalement, nous, on est en train de structurer beaucoup plus notre politique en la matière.

Sylvie Andreu : On accélère ce rythme-là ?

Il faut tenir le rythme pour rester sur cette dynamique politique. C’est vrai que c’est un temps court – Natura 2000 en 2008, dix parcs en 2012 – mais il faut y croire parce que politiquement, on est vraiment poussé, soutenu. D’autres discussions vont suivre. Il se définit en ce moment une politique marine européenne et la France a été un des contributeurs en amont avec le Portugal et l’Espagne. Je pense qu’elle a l’intention de l’être à l’étape suivante, elle se repositionne donc en terme de stratégie nationale dans le domaine maritime de façon beaucoup plus générale. C’est tout aussi important que nos histoires d’aires marines protégées qui doivent simplement y prendre leur place, ce n’est pas une fin en soi. La bonne santé de l’écosystème est absolument indispensable à l’ostréiculture et à la pêche, par exemple, c’est-à-dire aux intérêts socio-économiques en général.

Michel Glémarec : Ayant œuvré dans les années 1960, lorsqu’on entend dire qu’on manque de données, il faut rappeler qu’à l’époque, nous avons travaillé avec un objectif précis de connaissances, à la fois systématiques et biocénotiques, et que toutes ces données existent. Maintenant, si les institutionnels se remettent à faire ces travaux qui nous ont pris beaucoup de temps ! Elles ont un peu vieillies mais quand on parle de la réserve de Cerbère et que Lucien Laubier a fait sa thèse là-dessus en 1965, il ne faut pas dire qu’il n’y a pas de données. Le problème qu’on abordera, c’est bien indépendant des problèmes de la France, qui n’a pas vraiment de politique maritime. Ces types de recherche, c’est-à-dire des recherches de type environnemental, manque complètement en France parce que les modes de financement des institutionnels de recherche sont européens ou mondiaux. Il faut que tout le monde soit Nobélisable et, sur de la recherche environnementale, on n’a aucune chance.

Je crois qu’il faut dire qu’il y a un manque de connaissances, mais il ne faut absolument pas dire qu’il n’y en a pas. Nous avons démarré une démarche de concertation sur la stratégie de création d’aires marines protégées. La première étape que nous avons tenu à faire, c’est une étape de représentation des enjeux, c’est-à-dire prendre toutes les données qui existent et essayer d’en faire des synthèses et des représentations partagées par les gens qui sont autour de la table et à partir desquelles on va discuter de stratégie de création. Effectivement, on trouve beaucoup de données qui existent. Mais il y a des trous. Il y a des données sensationnelles mais pas sur toutes les façades, ce qui est un problème lorsqu’on parle de politique nationale. C’est sûr que lorsqu’on s’intéresse à une façade en particulier, on sera beaucoup plus armé. Si on lance un projet sur Cerbère-Banyuls sans avoir fait cette démarche de stratégie nationale, c’est parce que personne n’a de doute sur l’intérêt de la zone parce que, effectivement, elle est particulièrement bien documentée.
Un des intérêts secondaires mais tout aussi important de cette démarche de reprendre les données, d’en faire des synthèses, c’est d’être mieux à même de poser des questions. En effet, si cette recherche environnementale est un peu laissée pour compte, c’est parce que le gestionnaire – au rang duquel je me mets – ne sait pas poser les questions, il n’est pas moteur. Il ne faut pas attendre que la recherche elle-même produise des données. Il faut l’alimenter par un certain nombre de questions et par de l’argent. De même, on ne peut pas attendre d’avoir toutes les données pour faire la stratégie donc, notre optique est de prendre ce qu’il y a et on fait la stratégie.
Un autre objectif secondaire de cette synthèse est d’identifier les manques et de mettre les moyens pour des inventaires complémentaires. On les justifiera d’autant plus qu’on sait à quoi ils vont servir parce qu’on a déjà fait une synthèse et une analyse de ce qui existe, que plutôt commencer par financer des inventaires et voir ensuite quelle stratégie on fait. On essaie d’avancer en même temps et de mieux justifier les besoins, notamment de moyens pour que la recherche soit vraiment appuyée sur une stratégie politique.





Mis à jour le 21 janvier 2008 à 11:05