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2006 : La biodiversité du littoral > TR 3 : Parcs naturels, aires marines protégées, biosphères ... >  Les aires marines protégées

Les aires marines protégées

Philippe Le Niliot, Ingénieur de l'agriculture et de l'environnement, chargé de mission "conservation du milieu marin" à la mission pour la création du parc marin d'Iroise

Biographie :

LE NILIOT Philippe

Compte rendu :

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Transcription :

14 octobre 2006 TR3


Discours de Philippe Le Niliot


Je vais faire une présentation assez rapide du contexte et des réflexions en matière d’aires marines protégées. Ce sont des questions que nous allons survoler dans l’introduction, mais qui seront approfondies par la suite par les intervenants de la table ronde.

Quels sont les enjeux de la protection de l’environnement marin ?
Ils proviennent du fait que 70% de la surface de la biosphère est recouverte par des mers et des océans et que dans le même temps, près de 2/3 de l’humanité habite désormais dans les zones côtières du globe. Cette situation génère des pressions qui affectent l’ensemble des océans et mers du monde, c’est vraiment une constatation qui est faite à cette échelle-là. Cela se traduit par le fait que la proportion des espèces en danger ou épuisées est passée de 10% des stocks mondiaux dans les années 70 à 24% aujourd’hui. C’est une situation qui peut créer des déséquilibres pour tous les services que les océans et les écosystèmes rendent à l’humanité, notamment par la production la production de ressources alimentaires, en eau, en énergie … mais aussi pour la régulation de la qualité de l’environnement, du climat, des maladies… Ce sont des enjeux qui mobilisent l’ensemble des pays du monde puisque c’est à cette échelle que sont constatés les problèmes.
Lors du 5ème congrès mondial sur les parcs organisé à Durban en Afrique du Sud par l’UICN , il a été proposé de protéger 5% des océans de la planète. Les recommandations de l’UICN précisent que ces aires marines protégées devront permettre la protection, la conservation d’espèces et d’habitats devenus rares à l’échelle des océans, l’utilisation prudente des ressources marines et la connaissance et la mise à disposition du patrimoine naturel marin. Et ce, sur tout un ensemble de zones représentatives des océans du monde.

Qu’est-ce que l’UICN entend par « aires marines protégées » ?
Il y a une définition générique qui a vocation à s’appliquer dans le monde entier. Pour l’UICN, les aires marines protégées correspondent à « tout domaine intertidal ou subtidal avec la couche d’eau qui le recouvre, la faune et la flore associées et ses caractéristiques historiques et culturelles, qui a été réservé réglementairement ou par d’autres moyens pour protéger tout ou partie de l’environnement qu’il délimite ».
Il y a six catégories d’aires marines protégées identifiées par l’UICN, très schématiquement, de la plus à la moins protégée :
La réserve naturelle intégrale (catégorie 1), qui ne sert qu’à des fins de surveillance scientifique jusqu’aux aires marines protégées (catégorie 6) dans un contexte de multiusages et dans lequel tous les usages subsistent mais sont gérés en intégrant la protection de l’environnement naturel. Entre les deux, il y a tout un tas de situation, comme le parc national (catégorie 2), le monument naturel (catégorie 3) …
Six catégories d’aires marines protégées constituent un réseau mondial d’aires marines protégées.

Quelles sont les aires marines protégées du monde ?
Beaucoup de ces aires marines protégées dans le monde sont côtières. Il y en a de très importantes, emblématiques, comme les îles Hawaï notamment avec un très grand parc marin, l’archipel des Galapagos, la Patagonie, les îles Heard and Mac Donald sur le plateau des Kerguelen, les îles Macquarie – îles australiennes au bord de l’Océan Antarctique – le parc marin de la grande barrière de corail – le plus ancien, sans doute celui qui a le plus d’expériences en matière de protection de l’environnement corallien – les Terres François-Joseph, le Spitzberg et la côte est du Groenland. Au total, ça représente 1% de la surface des eaux de la planète. Ces sites correspondent à des zones patrimoniales avec des grands spots de biodiversité et des zones qui sont particulièrement intéressantes et précieuses pour l’ensemble des océans du monde.

Avec un domaine maritime de plus de 11 millions de km2, la France est au troisième rang mondial des nations maritimes en surface d’eau sous juridiction française. Le pays possède un patrimoine naturel marin d’exception dans trois océans. La France est donc au tout premier rang de la biodiversité marine.
Il y a de très grands ensembles d’eaux sous souveraineté française, notamment dans le Pacifique, avec la Polynésie, il y a aussi quelques possessions avec Clipperton, Guyane, les Antilles, les îles de l’Océan Indien, les Terres australes et antarctiques françaises et les îles du Pacifique sud, notamment la Nouvelle-Calédonie et Saint-Pierre-et-Miquelon. Paradoxalement les eaux métropolitaines sont plus petites que ces grands ensembles d’Outre-mer. On va s’intéresser plutôt à ces eaux métropolitaines, parce qu’elles sont assez révélatrices de la situation en matière d’aires marines protégées. Les aires marines protégées sont très discrètes, très réduites en taille et concernent essentiellement des eaux très côtières, voire même des zones intertidales pour la plupart, et sont en fait le plus souvent des réserves naturelles. Petite particularité, la plus grande réserve naturelle française et marine est celle des Bouches de Bonifacio au sud de la Corse, qui à elle seule, représente les 2/3 de la surface des aires marines protégées qui existent. Le parc marin d’Iroise à lui tout seul, multiplierait par trois les surfaces d’aires marines protégées en France. On peut quand même rajouter des mesures spécifiques qui sont liées à la gestion des pêches, ce sont les cantonnements de pêche qui peuvent se rapprocher, d’une certaine manière, des aires marines protégées et qui sont instaurés par des communautés de pêcheurs tout au long de la côte. Cela ne rajoute pas un grand chiffre mais c’est toujours des aires marines en plus. On rajoute aussi les eaux françaises concernées par la Directive Habitats, notamment les sites d’intérêts communautaires en mer. Ils représentent environ 400 000 hectares supplémentaires. Si on compare les aires marines protégées aux aires terrestres protégées, qui représentent presque 20% de surface terrestre concernée par un espace protégé. La surface du milieu marin protégé en France correspond à 0.01 % de la surface des eaux sous juridiction française. Il y a véritablement un retard en matière de protection de la mer.
Si on fait le bilan : 23 réserves naturelles en mer, un parc national (Port Cros), des aires marines protégées sui sont à peu près toutes côtières et qui représentent 122 000 hectares dont les 2/3 sont autour la seule île de Corse. 460 000 hectares de mer et de DPM concernés par la Directive Habitats et il y a aussi des projets en Iroise et dans les calanques de Marseille.
Le bilan de la protection de l’environnement marin en France reste modeste, par contre, on voit apparaître un certain nombre de perspectives encourageantes et désormais volontaristes, notamment par la signature des conventions internationales qui comprennent tout un volet de développement d’un réseau d’aires marines protégées et l’élaboration d’une stratégie nationale pour la biodiversité comprenant un volet marin et d’une stratégie appuyée par une nouvelle loi sur les parcs marins.
Quelles sont les conventions internationales qui fixent les règles et les objectifs en matière de protection de la mer ?
Il y en a sept ratifiées par l’Etat français et qui comprennent toutes un volet aires marines protégées important et qui visent toutes à créer un réseau d’aires marines protégées cohérent, c’est-à-dire représentatif de l’ensemble du patrimoine naturel marin des pays engagés. Celle qui nous concerne est la convention OSPAR (Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du nord-est), la CCAMLR (Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique) qui se rattache au système du Traité de l’Antarctique, Barcelone (Convention sur la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen), Carthagène (Convention pour la protection et la mise en valeur du milieu marin de la région des Caraïbes). La France les a quasiment toutes signées.
Une nouvelle loi pour les parcs marins, cela veut dire aussi un projet de créer un réseau d’aires marines protégées. Pour cela, il est apparu nécessaire, de créer de nouveaux outils exclusivement dédié à l’environnement marin puisque jusqu’à présent, on n’utilisait que les outils conçus pour la protection des espaces terrestres qu’on appliquait au milieu marin. Pour prendre en compte les particularités de l’environnement marin, il s’est avéré nécessaire d’avoir des outils adaptés pour compléter l’arsenal des outils de protection de l’environnement qui existent en France et pour répondre aux engagements internationaux de la France.

Quels sont les outils de la protection de l’environnement marin ?
Il y en avait un certain nombre jusqu’à la récente loi et ils étaient principalement réglementaires : les arrêtés de biotopes, les réserves naturelles, les parcs nationaux. Les nouveaux outils listés dans cette nouvelle loi du 14 avril 2006 sont de nature un peu différente, ils sont plus contractuels : Les zones Natura 2000 (en mer), les zones du DPM confiées au Conservatoire du littoral et les parcs naturels marins (exclusivement marins). Le parc naturel marin est l’outil qui servira de fer de lance de la stratégie française pour la biodiversité marine qui vise à créer un réseau cohérent d’aires marines protégées en France.

Quels sont les objectifs fondamentaux de cet outil spécifique qu’est le parc naturel marin ?
Il y en a trois : la connaissance du milieu marin, la protection de l’espace marin classé et le développement durable des activités dépendantes de la mer.
Pour élaborer une stratégie efficace de protection de la mer, il faut prendre en compte certaines particularités du milieu marin.
La première particularité est d’ordre institutionnel, puisque le milieu marin est géré en sachant que le fond est géré par le préfet du département, la masse d’eau et les ressources qui s’y trouvent sont gérées par le préfet de région et la surface est gérée par le préfet maritime de la région compétente. C’est une situation où à chaque étage du milieu marin, on trouve un acteur de l’Etat, c’est-à-dire que la gestion de la mer est une exclusivité de l’Etat. Les élus ont des responsabilités en mer mais elles sont très réduites, notamment en matière de baignade et d’urbanisme dans une zone extrêmement côtière. C’est une situation relativement efficace quand il s’agit de prendre des décisions à une échelle qui dépasse les échelles administratives des collectivités locales mais qui est plus difficile à utiliser quand il s’agir de réunir et d’intégrer l’ensemble des partenaires et des acteurs présents sur le milieu marin.
C’est donc un espace sur lequel l'Etat est l'acteur majeur (mais pas unique). La prise en compte de l’environnement marin requiert donc une approche qui varie si l'on parle de la surface de l'eau ou de la colonne d'eau et de ce qui s'y trouve. L’eau de mer, la faune, la flore qui y vivent ont le statut de ressources « res communis », elles appartiennent à tout le monde, elles sont communes et personne ne peut s’approprier les ressources du domaine public. Le principe général est cohérent, il privilégie en mer le libre accès à tous. L’interdiction d’accès au domaine public est l’exception.
Une autre particularité institutionnelle est que l’environnement marin est aussi transnational sans frontières physiques et géré par des règles internationales très importantes et dont les états sont signataires. Si on prend par exemple les réglementations en matière de pêche, dès lors qu’on est dans la mer territoriale, on a déjà affaire à un matelas réglementaire auquel la France est obligée de se conformer puisque la pêche maritime est une compétence exclusive de la Commission Européenne. On ne peut pas descendre en deçà de ce que propose la Commission Européenne et évidemment, on peut aller au-delà. On est constamment obligé de s’adapter à l’évolution des règlements européens. Cela veut dire aussi qu’on réfléchit à cette échelle, on réfléchit aussi en matière d’aires marines protégées à l’échelle européenne.

Les particularités environnementales du milieu marin sont que c’est un milieu ouvert impossible à clore ni à isoler. Beaucoup d’espèces ont une phase de leur vie dans la masse d’eau ce qui fait qu’elles se déplacent au gré des masses d’eau et la densité de l’eau de mer permet de transporter sur de grandes distances les nutriments, les larves et les gamètes. Cela veut dire que les espèces marines ne sont que très rarement, voire jamais, inféodées à un espace restreint en taille. Les mesures de protection qui pourraient être instaurées dans une zone très localisée n’auraient que peu d’effets sur la protection effective d’une espèce marine qui est caractérisée par sa mobilité. Si on prend un exemple, révélé par Océanopolis et le laboratoire d’études des mammifères marins, comme les phoques gris qui ont été marqués dans l’archipel de Molène, on s’aperçoit qu’ils vivent plutôt à l’échelle des îles britanniques qu’à celle de l’Iroise. En revanche, les potentialités des sites fréquentés par ces espèces pour se nourrir, se reproduire ou se reposer peuvent faire l’objet de mesures pour être conservées. Cela implique une approche par habitats, sur des surfaces représentatives et relativement étendues.
Dernière particularité du milieu marin, le niveau de connaissance de ces milieux est aussi globalement plus faible comparé à l'environnement terrestre. Même si ce niveau progresse extrêmement vite depuis les quinze dernières années grâce à la technique, l’action en mer et la connaissance des milieux nécessitent plus de moyens techniques, humains, financiers pour arriver au même niveau de connaissances.
J’ai un petit exemple : cette espèce de corail noir qui n’a jamais été observée sur les côtes de France, ni même en Europe, et qui a été découverte l’année dernière par des plongeurs amateurs à Ouessant. Cet exemple montre que la connaissance du milieu marin peut être perfectible et la marge de progression est très importante.
Je vous remercie.

Sylvie Andreu : Au delà des chiffres et pour expliciter ce que vous venez de dire, comment peut-on expliquer l’absence de culture des français en matière de protection de la mer ? Chacun de passer ses vacances au bord de la mer, tout le monde s’y précipite en juillet et août et personnes n’a conscience qu’elle est un bien précieux ?

Philippe Le Niliot :Je pense que nous sommes dans un pays maritime géographiquement et pas encore tout à fait dans un pays maritime culturellement. Les choses de la mer ne sont pas confidentielles mais elles intéressent moins de gens que celles du domaine terrestre. La France reste fondamentalement agraire. Si l’on prend les activités de pêche maritime, la moitié sont en Bretagne. Il y a donc des régions plus maritimes que d’autres et la Bretagne est sans doute la première région maritime de France. En Bretagne, la perception des choses maritimes est plus sensible, plus fine que n’importe où ailleurs. C’est aussi le cas en Méditerranée qui est très maritime. Mais globalement, il y a beaucoup d’espaces terrestres et de montagnes.






Mis à jour le 21 janvier 2008 à 11:09