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2006 : La biodiversité du littoral > TR 3 : Parcs naturels, aires marines protégées, biosphères ... >  Importance de l'éducation dans la préservation de la biosphère, l'exemple du Brésil

Importance de l'éducation dans la préservation de la biosphère, l'exemple du Brésil

Danielle Grynszpan, Responsable du projet « ABC na Educação Científica – A mão na massa » à Rio de Janeiro. Laboratoire d’éducation à l’environnement et à la santé – Département d’immunologie, éducation scientifique – Département d’enseignement ; Institut Oswaldo Cruz, Fiocruz, Rio de Janeiro, Brésil.

Biographie :

GRYNSZPAN Danielle

Compte rendu :

Voir la vidéo de Danielle Grynszpan


Transcription :

14 octobre 2006 TR3


Discours de Danielle Grynszpan


Je suis chercheuse au Brésil et j’ai commencé ma recherche par la génétique pour passer ensuite à l’éducation. Je travaille actuellement à la fois sur les sciences de la vie et les sciences sociales. Sans éducation scientifique, nous n’arriverons pas à préserver une biosphère saine qui est notre objectif.
Rio de Janeiro se situe entre la mer et la montagne, la biodiversité est donc notre quotidien et nous devons encourager la prise de conscience sur la vie dans l’océan, les lagunes et dans la plus grande forêt tropicale au monde en milieu urbain. Le nom « Brésil » vient d’une plante appelée « pau brasil » aujourd’hui quasiment disparue : il nous faudra changer le nom du pays ( !...) ou conserver la forêt tropicale. Il faut donc travailler dans le cadre de l’éducation scientifique, sinon nous ne pouvons pas impliquer les gens dans le débat et dans la conservation de la nature, comme mes collègues l’ont dit avant moi.

Je travaille dans une institution académique, la fondation Fiocruz qui compte 3 000 employés, chercheurs, boursiers et étudiants… Nous y développons de nombreuses recherches sur les sciences de la vie, sur la biomédecine. Le château – bâtiment principal de l´Institut – est aussi notre logo et l’on peut dire que la fondation est considérée comme un symbole de la science au Brésil. Mon institut a une tradition et un esprit pionnier. Ce dernier est lié à l’engagement social et à l’amélioration de la qualité de vie de la population de l’ensemble du pays – car il s’agit d’un institut fédéral.

Nous nous posons des questions actuelles : s’il y a un progrès de la technoscience, pourquoi la qualité de vie ne s’améliore-t-elle pas ? Pourquoi la mortalité ou la morbidité restent-elles inchangées ? Pourquoi les maladies éradiquées ressurgissent-elles ? Pourquoi ne prévient-on pas certaines situations si la science a déjà détecté les causes des problèmes et si la technologie offre déjà des possibilités de résolution, de traitement et de soin ?

Actuellement, nous faisons porter nos efforts sur un projet d’éducation scientifique intitulé « a mão na massa », en partenariat avec la France. L’Académie des Sciences au Brésil nous témoigne largement son appui et nous menons une coopération avec l’Académie des Sciences française pour travailler à l’éducation scientifique, contre l’exclusion et en faveur de la citoyenneté. Nous travaillons pour l’alphabétisation scientifique, visant un processus d’alphabétisation en progrès constant. Il s’agit d’un processus d’investigation et de construction d’un cadre qui favorise le débat, les échanges et la diversité d’idées, dans lequel nous développons la capacité d’intervenir et d’argumenter.

J’ai terminé hier la lecture d’un livre d’Albert Jacquard où il rêve d’une ville qui deviendrait une école. C’est un rêve que de pouvoir étendre le débat à la grande école de la ville contre l’exclusion, pour la valorisation de la culture de tous les citoyens – y compris des familles illettrées, qui ne sont pas ignorantes. Il faut réduire l’écart. Le problème de la science, c’est qu’elle est enfermée dans des bâtiments, il faut en améliorer la diffusion et faire participer les populations aux débats. Je dis « les » populations parce que nous avons des publics différents. Nous faisons interagir les scientifiques, les maîtres et les secrétariats à l’éducation en région. Le Brésil est un très grand pays, un pays continent, notre défi est donc quantitatif. Il faut faire des alliances intersectorielles pour avoir la possibilité de travailler sur cette quantité énorme. Je suis responsable de l’état de Rio, qui comprend 29 circonscriptions scolaires, et chaque circonscription possède sa propre culture. Il faut donc travailler ensemble la science et la culture. Il faut mettre en place l’expansion du projet d’éducation scientifique tout en assurant sa qualité, c’est pourquoi nous réalisons, à l’institut, des formations de formateurs, auxquelles participent des maîtres et les scientifiques, qui s’y engagent avec les didacticiens des sciences, autour de cinq blocs thématiques :
1/ Concepts, conception de l’enseignement et de ses pratiques
2/ Mise à jour scientifique dans des domaines spécifiques
3/ Production de matériel éducatif
4/ Méthodologie et analyse de la diffusion des connaissances
5/ Créativité et science
Ce dernier point est très important. C’est effectivement grâce à lui que nous pouvons organiser une création collective de matériaux issus d’efforts conjoints de scientifiques et de maîtres. Nous travaillons toujours en fonction du contexte, et nous touchons d’autant plus facilement les gens que nous sommes à l’écoute de leur culture. Nous recyclons le matériel, les déchets, pour en faire des matériaux moins chers et plus accessibles. Un élève a créé un système pour faire comprendre à ses camarades comment fait le poisson pour monter et descendre dans la colonne d’eau, pour mieux comprendre le fonctionnement de la vessie natatoire. C’est très important, car les enfants inventent des possibilités d’expliquer les faits à leurs camarades. L’élève qui a inventé ce système avait failli être exclu de l’école, car il était très turbulent. Or, nous avons constaté qu’il avait beaucoup de talent et sa contribution est aujourd’hui très importante.

Si nous voulons que la science soit près de l’école, comment stimuler la vocation scientifique sans aider les maîtres ? Sans encourager le travail d’investigation dans l’enseignement ? Sans sentir que la science est une aventure ? Comment développer la créativité dans l’investigation sans offrir, à l’école, des espaces de création qui permettent de multiples réponses à une chaîne infinie de questions ? Le plus important n’est pas la réponse, mais les questions que les élèves peuvent poser. Ils engagent ainsi les familles et toute la communauté dans un univers de débat. Les enfants sont le futur. Si le futur peut prendre conscience de l’importance de la planète où il vit, c’est notre futur qui est garanti. Il faut donc promouvoir l’interaction entre les domaines de connaissances, entre les scientifiques et les maîtres et entre les scientifiques et toutes les communautés. Nous devons implanter des centres d’interactions dans toutes les villes, comme vous le faites ici, pour amener les participants à prendre conscience que les solutions novatrices sont interdisciplinaires et même transdisciplinaires : les gens du peuple savent beaucoup de choses, car ils vivent dans la ville et connaissent bien les problèmes, il faut donc les écouter.

Pour que la science fasse partie de la culture, il faut qu’elle devienne universelle et donc que l’enseignement des sciences soit accessible à tout enfant et à toutes les communautés. Pour une science plus humaniste, il faut que l’enseignement des sciences soit lié aux questions éthiques. Le débat sur les produits transgéniques, sur la reproduction… est très important. Pour pouvoir participer au débat, il est nécessaire que les gens aient des connaissances. La science doit être engagée et l’enseignement des sciences contextualisé. À Rio, l’enseignement des sciences à l’école s’est amélioré, mais on fait aussi de l’éducation scientifique partout.

Le campus de l’institut est en partie occupé par la forêt. Cinq communautés (ou « favelas ») occupent la réserve qui abrite la mer et la forêt tropicale. Nous y offrons des cours à ces populations pour les engager dans la conservation de la nature. Elles valorisent ainsi davantage l’endroit dans lequel elles vivent, plutôt que de ne valoriser que les centres commerciaux de la ville.

Il nous faut donc valoriser la diversité biologique, mais aussi la diversité des gens et des cultures. Il faut engager les gens dans les débats, il faut qu’il y ait divergences d’idées pour que les gens prennent conscience et puissent améliorer leur force d’argumentation pour être mieux écoutés par la société. Les enfants enregistrent et les gens qui ne savaient pas lire avant apprennent à écrire et enregistrent ce qu’ils observent dans la forêt.

Nous réalisons donc un travail comme celui de « la main à la pâte » mais, chez nous, à Rio de Janeiro, ce sont « les mains à la pâte » dans un travail d’éducation lié à la diversité socio-environnementale, un projet d’éducation basé sur une éthique qui se répercute sur la qualité de vie de la population.

Pour obtenir une qualité de vie dans une biosphère durable, il faut prendre des décisions éthiques pour promouvoir la santé et une éducation scientifique, c’est pourquoi je suis ici.
Merci.





Mis à jour le 21 janvier 2008 à 11:18