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B R È V E S


Le littoral vu par les jeunes
Les webtrotteurs des lycées Vauban et Kerichen sont allés à la rencontre des jeunes des écoles de Ouessant et du Conquet et leur ont posé une question simple : Pour toi, qu'est-ce que le littoral ?

Visionnez les réponses des jeunes :
- Ecole Sainte Anne à Ouessant
- Ecole Saint Joseph au Conquet



2005 : Le littoral et les avancées scientifiques > TR 2 : Un territoire sous pression  >  Modélisation des systèmes complexes en réalité virtuelle

Modélisation des systèmes complexes en réalité virtuelle

Jacques Tisseau, Professeur des Universités et Directeur du Centre Européen de Réalité Virtuelle (CERV) à Brest

Biographie :

TISSEAU Jacques

Compte rendu :

Voir la vidéo de Jacques Tisseau


Transcription :

7 octobre 2005 TR2


Discours de Jacques Tisseau

Je ne suis pas du tout spécialiste du littoral : je suis informaticien, physicien d’origine. J’ai entendu parler de beaucoup de choses aujourd’hui qui font que peut-être que ce que j’ai à vous dire aura une résonance dans vos problématiques.

J’ai entendu dire que le littoral, c’était flou et que ça bougeait, et ça, c’est quelque chose qui nous intéresse beaucoup. J’ai entendu parler de modélisation, d’interdiscipline, de multidiscipline complexe, et c’est effectivement le but du Centre Européen de Réalité Virtuelle (CERV) que d’étudier la modélisation des systèmes complexes car la modélisation, et donc la compréhension des systèmes complexes, est un des enjeux du XXIème siècle.
Depuis le XVIIème siècle, on a essayé avec une méthode réductionniste, un peu cartésienne, d’expliquer les phénomènes par un tout petit angle de vue et aujourd’hui, on se rend compte qu’il faut dépasser ces angles de vue limitatifs et qu’il faut mettre tout cela ensemble pour avoir une étude des systèmes complexes. L’informatique est toujours un peu complexe en elle-même. Quelqu’un a déjà pensé à tout cela, il y a 30 ans, en 1975. Il s’agit du directeur scientifique de la Villette qui disait : « On a des microscopes pour étudier l’infiniment petit, on a des télescopes pour étudier l’infiniment éloigné mais on n’a rien pour étudier l’infiniment complexe ». Il a proposé, d’appeler cela : le macroscope. Nous ne sommes pas trop d’accord parce que le microscope, le macro ou le méso, si on va aux échelles intermédiaires, ce n’est pas ça la complexité. La caractéristique de la complexité est qu’elle est justement multi échelle. Alors nous avons proposé de l’appeler le virtuoscope. Pourquoi le virtuoscope ? Parce que nous ne raisonnons que sur des modèles. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Paul Valéry qui le disait déjà il y a 100 ans. Nous ne raisonnons que sur des modèles consciemment ou non bien sûr. Mais en tant que scientifique, on a intérêt à en être conscient. Donc, nous devons étudier ces modèles. Le B-A BA pour étudier un système quelconque, est de le représenter par un modèle et d’étudier ces modèles avec les bons instruments, les bons outils. C’est pour cela que nous allons étudier dans les espaces numériques de nos ordinateurs, dans le virtuel, d’où le nom : l’étude dans le virtuel de ces modèles.

En quelques mots, je ne vais pas vous dire ce qu’est la réalité virtuelle, ce serait trop long, on y passerait trop de temps. Je veux simplement vous donner l’exemple que nous avons traité en venant ici. Je me suis dit : « que vais-je leur présenter ? » Et bien, pourquoi pas la mer finalement ? Puisque nous travaillons avec l’IUEM, l’IFREMER et avec d’autres, pour ne citer que les Brestois, sur la modélisation de la mer qui est un système complexe par elle-même. Pourquoi ? Parce que qu’il y a des tas de systèmes qui sont en jeu quand on veut modéliser la mer.
Je voudrais d’abord vous rappeler quelques indications sur la modélisation. Vous avez un problème physique, l’océanographe est là et doit modéliser la mer sur ordinateur. Il va donc obtenir ce que l’on appelle une simulation numérique.
C’est une simulation numérique de quelque chose qui est en gros de la taille d’une piscine et qui résout numériquement une célèbre équation de Navier-Stokes, simplifiée qui plus est, mais peu importe, et qui donne un exemple d’une simulation de la mer sur l’échelle d’une piscine. Mais la mer n’est pas une piscine, les marins le savent, et on est amené à travailler avec eux pour avoir une idée de ce qu’est la mer.

Quels sont les phénomènes dont on a besoin pour rendre compte de la mer et pour prendre des décisions en mer ?
On travaille effectivement avec l’IUEM et l’IFREMER, mais aussi avec « Mer Agitée », la société de Michel Desjoyeaux.
Les marins disent que, sur la mer, il y a des groupes de vagues, des déferlements et bien sûr, du vent et un certain nombre de choses. Mais il n’y a rien de l’équation de Navier-Stokes pour les marins, bien entendu. Ce que nous voulons faire, c’est rendre compatible le point de vue du physicien, le point de vue de l’informaticien et le point de vue du marin. Nous avons proposé un type de modélisation qu’on appelle la modélisation inactive. Je reviendrai tout à l’heure sur ce mot qui permet effectivement de rendre compte plus facilement, à la fois de ce que connaît le marin, de ce que connaît le physicien et de ce que sait faire l’informaticien.
Vous avez un modèle de mer qui représente plusieurs km2 de mer qui, aujourd’hui, est calculé en temps réel sur des ordinateurs raisonnablement petits, et qui permet de montrer un plan hétérogène avec des déferlements, avec des trains de vagues complètement réalistes pour un marin et qui respectent les lois phénoménologiques de la physique. C’est effectivement le point important.

Cette hypothèse inactive c’est quoi ? La modélisation traduit une pratique et une praxis humaine, il ne faut jamais l’oublier : c’est nous qui modélisons et personne d’autre. Une praxis, c’est une action avec intension. Quand on modélise, on modélise avec un but et ce but il faut l’expliciter. Il faut toujours expliciter l’implicite en sciences car c’est derrière l’implicite qu’est caché ce que l’on croit être soit une erreur soit une incompréhension. Et expliciter l’implicite c’est vraiment ce qu’il va falloir faire. Et notre intension – et là je dis mon intension, je suis seul à parler mais tous les gens du CERV font à peu près la même démarche scientifique – c’est d’autonomiser les modèles numériques en tant qu’entités informatiques.
Ça veut dire qu’on va considérer des modèles, parce qu’un système complexe est multimodèle, multidiscipline. Il est effectivement difficile avec une simple équation mathématique de rendre compte de l’ensemble des systèmes complexes et donc on est nécessairement conduit à faire vivre ensemble des modèles de disciplines différentes. Et ces modèles, on va les rendre autonomes. Cela veut dire que pour chaque modèle, quelque soit son échelle – que ce soit une échelle spatiale importante ou microscopique ou une échelle temporelle importante ou du très court temps – on va faire en sorte qu’il perçoive (je dis bien perçoive comme nous percevons notre environnement) agisse et décide de son environnement numérique.
Et l’homme, là-dedans, est un acteur humain des systèmes complexes. Il va bien falloir que cet homme soit aussi acteur de nos modèles numériques qui tournent sur ordinateur, c’est le B-A BA de la réalité virtuelle, mais je n’en dirais pas plus ici.
Donc, nous allons doter chacun de ces modèles d’une praxis. Cela veut dire que quelque part nous allons fixer un but à chacun de ces modèles et ensuite, chaque modèle, de manière autonome, va vérifier que son but est atteint au fur et à mesure qu’il fonctionne.

Ceci étant, ces entités que sont les modèles, vont interagir entre eux via un milieu, via une structure qu’ils vont façonner eux-mêmes. C’est-à-dire que la structure, le substrat, sur lequel ces phénomènes sont calculés, n’existe pas a priori, ce sont eux qui le structurent pour s’autocalculer.
Pour donner un exemple simple, c’est ce que l’on appelle l’inaction : le couplage structurel entre une entité et son environnement, environnement qui est façonné, structuré par l’entité, et qui, bien sûr, en retour contraint l’entité. Si vous arrivez dans une zone complètement vierge, vous allez construire votre chemin en cheminant. C’est-à-dire qu’au fur et à mesure que vous avancez dans cette zone vierge, le chemin se construit. Et quand vous repassez par là, la fois d’après, vous passez par ce chemin. Vous avez vous-même structuré l’environnement et en contrepartie l’environnement contraint vos déplacements par la suite. C’est ce que nous faisons tous les jours quand nous construisons des villes ou que nous faisons des aménagements sur le littoral. Et bien, au fur et à mesure, nous sommes devenus des urbains, et on serait bien embêté si on nous enlevait toutes les villes, les routes, l’électricité, etc.…Nous avons façonné et structuré notre environnement et, en contrepartie, cet environnement nous structure et nous contraint nous-même dans nos mouvements et même dans nos modes de représentation du monde. Et c’est cette idée que nous voulions mettre dans nos modèles. Les modèles vont structurer leur environnement et vont le construire eux-mêmes. C’est ce que nous allons voir sur la mer.

C’est un modèle inactif. Vous avez un milieu et au départ dans ce milieu, il n’y a rien. Et pourtant c’est la mer. Nous avons une intension modélisatrice, c’est de mettre en évidence un phénomène ou des phénomènes physiques. Un phénomène va avoir une praxis, c’est-à-dire une action avec une intension sous-entendue. Un modèle, ce n’est pas des intensions, c’est un but modélisateur, mais avoir une praxis, c’est agir sur le milieu en ayant un certain but. C’est le premier point. Mais vous allez voir plusieurs modèles qui vont agir en même temps sur ce milieu. Mais sur quel milieu ? comment est structuré ce milieu ? sur quoi ? c’est quoi la mer pour lui ?
Et bien, chaque modèle va emporter avec lui un petit bout de structure. C’est la structure dont il a besoin pour s’autocalculer localement et à ce moment-là. Et l’ensemble des structures emportées par tous les modèles, ça va être notre mer. Ça va être la mer qui va être structurée par ces phénomènes. Alors que d’habitude, quand on construit un système, le modélisateur structure à l’avance la mer et donc quelque part impose au phénomène quelque chose qui n’est pas explicite. Certes, c’est implicite et quand on décortique le problème, on se rend compte de ce que ça veut dire, de ce qu’a voulu faire le modélisateur. Mais fondamentalement, c’est implicitement un choix qui est fait, qui va orienter les calculs derrière. Ici nous allons simplement dire à chaque modèle : « tu prends, tu structures ton environnement topologique comme tu le souhaites » (comme on lui appris à le faire bien sûr). Mais c’est local, ce n’est pas toute la mer, ce n’est pas tout l’océan. C’est où il est et là où il a besoin d’agir. Ensuite, tous les systèmes vont structurer l’environnement, tous les phénomènes vont structurer l’environnement. Cela veut dire qu’ils vont répondre à la question : « mais qu’est-ce que je veux voir, moi, modèle ? où est-on ? » C’est-à-dire que, pour chaque modèle, il va falloir dire : « toi tu vis à la période 1 seconde, toi tu vis toutes les secondes, toi tu vis toutes les minutes ». Par exemple, sur la mer, on va inventer la notion de groupes de vagues, un modèle de groupes de vagues que connaissent bien les marins. On va dire : « toi tu vas vivre toutes les minutes » parce que c’est raisonnable pour un groupe de vagues de s’autocalculer toutes les minutes. Pour les déferlements, on va dire « toi tu vis toutes les secondes » parce qu’un déferlement va plus vite… Pour chaque type de modèle, on va dire quelle est sa fréquence de vie parce que, là encore, on est sur un ordinateur, il faut calculer les choses avec une certaine fréquence de vie. On va lui demander : « où est-ce que tu veux voir les choses ? et quand ? à quelle fréquence et où tu veux les voir ? et qu’est-ce que tu veux voir ? qu’est-ce que tu veux mesurer, toi-même, modèle, pour t’autocalculer ? » Donc certains modèles vont dire : « Moi je veux la hauteur d’eau, moi je veux la vitesse d’eau, moi je veux la salinité, moi je veux les courants, moi je veux »… bref, tout ce que l’on peut imaginer.
Après cette aesthesis, c’est à dire cette perception active, chaque modèle sait ce qu’il veut voir. Il ne subit pas une arrivée de données issues de capteurs. C’est lui qui les cite : « je veux voir ça, à tel moment », donc cette perception active va le conduire à expérimenter son milieu. C’est-à-dire à mesurer là où il veut, quand il le veut, ce qu’il veut et donc, il va récupérer les valeurs là où il le veut, quand il le veut, ce qu’il veut. Et il va comparer avec ce qu’il avait prévu. Puisqu’il a fait de la prédiction d’après la perception active, c’est-à-dire en avance de phase puis il a été trop actif d’une certaine manière, il va vérifier ce qu’il a mesuré et en conséquence il va se modifier. On appelle ça la poesis chez les biologistes, la modification, la création. Il va se modifier lui-même ou alors il va se rendre compte quelque part de son incompétence, de ses limites, parce que tout modèle a ses limites. Tout modèle est limité dans un cadre structurel théorique parfaitement défini par le modélisateur et donc quand on sort de ces limites, le modèle ne veut plus rien dire. Il doit être capable de s’apercevoir qu’il est hors limite pour décider de ce qui se passe. « Quand une particule d’eau va plus vite que moi alors je crée un nouveau phénomène qui s’appelle un déferlement et je laisse ce phénomène déferlement, moi je ne sais plus gérer cette particule d’eau ». Et c’est le phénomène déferlement qui va faire ce qu’il a à faire : où ? quand ? et quoi ?

Donc nous avons simulé un plan d’eau hétérogène. On a animé des phénomènes marins, je vous ai parlé de groupes de vagues, de déferlement. Il y a, bien sûr, aussi les courants, la bathymétrie, les hauts fonds, etc… En respectant l’aspect phénoménologique et quantitatif de la physique, je ne peux pas vous garantir des choses à la milliseconde près avec un modèle comme celui-là si la période de temps minimale que j’ai mise dans le modèle est de 1 seconde. Ça c’est clair. Et on s’est attaqué à un problème difficile qui n’est pas la mer calme, mais bien les mers jeunes, forcées par le vent, donc en train d’être formées, des états de mer modérés à forts sur des plans d’eau de quelques km2, ce qui, effectivement, ne s’est jamais fait en terme de modélisation quelque soit le type de modélisation qui a été utilisé pour le faire.
On va tenir compte de l’océanographie, des vents, donc de la météo et de l’hydrographie, les hauts fonds et les courants, sur un plan d’eau hétérogène et je n’ai plus qu’à laisser le film se dérouler. Vous avez, dans cette simulation, qui, ici il s’agit d’un film, mais sur nos ordinateurs, se déroule en temps réel, vous avez en ce moment 25 000 entités inactives qui travaillent et que vous voyez là. Le film de la mer, la texture de la mer, a été enlevée pour vous montrer ce qui travaille derrière. Ces 25 000 entités travaillent ensemble. Je ne vous parlerai pas non plus des techniques d’animation derrière, à base d’itérations asynchrones et chaotiques, tout ça est un peu compliqué dans un premier temps. Mais ces 25 000 entités inactives structurent leur environnement. Comment expliquer cela ? Les boules rouges que vous voyez, ce sont des déferlements. C’est la représentation qu’on a choisie pour vous expliquer. Et ils structurent localement l’environnement là où ils sont. Les boules un peu plus petites oranges, ce sont les balises pour les groupes de vagues qui sont des grands losanges qui se déplacent. Et puis en blanc, c’est juste un effet de couleur pour vous montrer, parce qu’on sait le mesurer, l’épaisseur de mousse derrière le front actif d’un déferlement et qui disparaît au fur et à mesure. Donc, on peut vous remontrer les 200 000 balises dynamiques qui sont mises par les 25 000 entités et qui bougent sans arrêt parce que ces 25 000 entités décident à toutes les secondes pour les déferlements, toutes les minutes pour les groupes de vagues de mettre leurs balises ailleurs et donc ils structurent la mer, c’est ça le maillage dynamique de cette simulation.

Je voudrais conclure par un côté un peu plus difficile sans doute mais important, celui fondamentalement de la modélisation et de notre activité de modélisation. N’oublions encore une fois jamais, que c’est nous qui modélisons et personne d’autre. Classiquement, quand on étudie un phénomène réel, la première chose qui nous arrive, qu’on soit scientifique, artiste, ou tout ce que vous voulez, ce sont nos impressions à nous, propres, sans raisonnement, sans rien. Ce sont les premières impressions face à un phénomène. Il va être difficile et pendant longtemps de combattre ces impressions parce qu’on est tout de suite pris par elles. Ce sont vraiment les nôtres. Ces impressions passent par notre perceptif dans notre imaginaire. C’est un premier modèle. Bien sûr, il n’est pas conscient, on ne sait pas l’expliquer, mais c’est un premier modèle perceptif qu’il faut faire vivre lui aussi, il faut qu’il bouge dans le temps, et c’est flou un modèle, il faut que ça avance dans le temps. La simulation de ce modèle, c’est l’intuition. C’est l’intuition « in peto », vous comprendrez un peu mieux pourquoi je prends ces mots là tout à l’heure. « In peto », c’est dans la poitrine, ce n’est pas lié au raisonnement, c’est ce qui va nous donner les premières impressions sur ce phénomène réel. Si vous êtes scientifique, ces perceptions ne vont pas vous suffire. Vous allez vouloir formaliser les choses. La formalisation, ça veut dire que vous rentrez dans un mode théorique. Ce mode théorique va vous donner un modèle formel souvent mathématique mais pas nécessairement, mais souvent mathématique et la simulation de modèle c’est un raisonnement. Un raisonnement « in abstracto » qui va vous conduire à faire des prédictions. L’intérêt d’un modèle formel, c’est qu’il est capable de nous conduire à des prédictions. Qu’est ce que l’on va en faire ? On va se mettre à expérimenter le phénomène réel dans le but de valider nos prédictions. C’est-à-dire qu’on va imaginer des expériences pour comparer les résultats d’expériences à nos prévisions du modèle formel. C’est ce que l’on appelle l’expérimentation « in vivo ». Volontairement, j’emploie ce terme-là parce qu’on travaille beaucoup avec les biologistes. Je reprends donc cette idée-là, c’est qu’on travaille directement sur le réel quand on fait ces expériences-là. Mais ce n’est pas tout, en fait dans certain cas, on ne sait pas mener à bien des expériences sur le réel. Pourquoi ? Parce que soit c’est très compliqué, soit c’est dangereux, soit ça coûte très cher, soit c’est inaccessible pour les faire directement.
Donc on va imaginer une maquette physique. Si les avions volent aujourd’hui, c’est parce qu’on a fait des maquettes physiques, qu’on a étudiées dans des souffleries. Parce que les avions aussi sont régis a priori en partie par l’équation de Navier-Stokes qu’on ne sait toujours pas résoudre en 2005 alors qu’on la connaît depuis largement plus longtemps que ça. Donc, on va faire des maquettes qu’on va étudier en soufflerie. Ici pour les maquettes on va mener des expérimentations, d’où le mot « in vivo » pour les expérimentations qui vont permettre par des principes de similitudes et d’analogie d’échelle qu’il va falloir définir pour l’aérodynamique (ils ont été très bien définis) d’avoir une idée de ce qui se passe sur le phénomène réel. Et puis, bien sûr, avec l’informatique, on peut faire une numérisation de ce phénomène réel. Cette numérisation, on la fait même quand on est en modèle formel, mais à la grosse différence de ce qui se fait classiquement en simulation numérique, comme je vous l’ai montré tout à l’heure, ce que l’on appelle, nous, des calculs « in silico ». En attendant que les calculs se fassent, nous, on ne fait rien d’autre que boire un café et regarder l’écran pour voir ce qu’il se passe dans la simulation numérique classique. En simulation en réalité virtuelle, l’homme est dans la boucle. L’homme peut agir et participer au système qui est en train de s’exécuter. C’est pour ça qu’on parle de simulation « in virtuo », où on va faire des expérimentations « in virtuo ». Au même titre qu’on parle d’expérimentation « in vivo » ou « in vitro », on va faire des simulations « in virtuo » de nos modèles numériques.
Cette expérimentation va nous donner des idées sur le comportement du système que l’on va comparer au comportement du système réel. Mais nous n’avons pas toujours de phénomène réel à notre disposition. Si vous êtes artistes, vous avez une idée et vous voulez en faire une statue, une peinture ou autre, c’est ce que l’on appelle la création. Si vous en faites une statue, vous allez directement de votre modèle perceptif au modèle analogique ou au modèle numérique. Modèle analogique, c’est la statue, le tableau. Modèle numérique, on sait aujourd’hui faire des statues numériques, on sait aujourd’hui faire des peintures numériques, il n’y a pas de problème là-dessus. Si vous êtes ingénieur, votre modèle, votre idée de base, c’est un modèle formel et vous allez faire de la conception analogique ou de la conception numérique selon que vous allez faire une maquette réelle ou une maquette numérique. Ces maquettes redeviennent vos phénomènes réels que vous allez analyser par le même moule perception, etc… C’est ça notre activité, de modéliser. Et ce qu’apporte aujourd’hui la réalité virtuelle, l’expérimentation et la simulation « in virtuo » c’est de pouvoir être dans le système et non pas de faire ni de la simulation numérique classique ni de faire de la simulation interactive où on choisit la couleur ou quelque chose comme ça ou la chaîne ou ce genre de chose, mais de faire de la simulation participative. L’homme est dans la boucle et vit avec le modèle numérique. Quelque chose lui donne une idée de ce qui peut se faire.
Donc, l’étape suivante de ce que vous avez vu sur la mer, c’est que ça va nous servir, et ça sert déjà en partie puisque c’est analysé et étudié sur le bateau de Michel Desjoyeaux. Ça sert à piloter le bateau de Michel Desjoyeaux avec un barreur virtuel qui tient compte de cette mer virtuelle pour prendre ses décisions quand Michel Desjoyeaux dort sur son bateau. Ça sera utilisé normalement lors de la prochaine « Route du Rhum ».
Je vous remercie.






Mis à jour le 22 janvier 2008 à 10:07