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Le littoral vu par les jeunes
Les webtrotteurs des lycées Vauban et Kerichen sont allés à la rencontre des jeunes des écoles de Ouessant et du Conquet et leur ont posé une question simple : Pour toi, qu'est-ce que le littoral ?

Visionnez les réponses des jeunes :
- Ecole Sainte Anne à Ouessant
- Ecole Saint Joseph au Conquet



2005 : Le littoral et les avancées scientifiques > TR 3 : Penser ensemble le littoral de demain >  Limites de la loi Littoral

Limites de la loi Littoral

Yvon Bonnot, Président de l’Association Nationale des Elus du Littoral (ANEL), maire de Perros-Guirec, président de la table ronde.

Biographie :

BONNOT Yvon

Compte rendu :

Voir la vidéo de Yvon Bonnot


Transcription :

8 octobre 2005 TR3


Discours de Yvon Bonnot

Le littoral et une chance pour la France. Malheureusement notre pays a plus souvent pensé terre que mer. Et c’est la raison pour laquelle j’avais présenté, en 1995, 60 propositions dans le rapport pour une politique globale et cohérente du littoral français, que j’avais préparé à la demande du Premier Ministre, Edouard Balladur. Une douzaine de propositions ont été retenues dont celle relative à l’installation du Conseil National du littoral. L’ANEL a peu de représentants et les représentants scientifiques manquent. Je rejoins Louis Le Pensec dans ce domaine et je pense qu’il y a quand même là aussi un besoin de concertation et de coordination.

On a souvent eu tendance à considérer le littoral comme un trait de côte. Or le littoral est une frange épaisse. Il devrait aller jusqu’à la limite des eaux territoriales et jusqu’au bassin de vie des activités liées au littoral. C’est peut être 40, 50, ou seulement 20 kms suivant le lieu. Ce qui est important est de gérer de façon harmonieuse, la terre, la mer et toutes les activités qui sont liées au littoral. Le littoral est soumis à des fortes pressions. Il est menacé car c’est un lieu de forte concentration de population et d’activités humaines. Il convient d’organiser cette course à l’occupation de l’espace. Et la loi « littoral », comme dit Louis Le Pensec, est une bonne loi. Néanmoins, tout le monde reconnaît qu’elle a manqué d’évaluation, puisqu’il était prévu une évaluation tous les ans et qu’aujourd’hui elles sont envisagées que tous les trois ans. Enfin, les décrets prévus par la loi ne sortent pas.

Quand c’est la jurisprudence qui fait force de loi, il peut y avoir des inégalités et des disparités, avec des décisions contradictoires. Je prends, par exemple, la disparité, voire l’inégalité qui règne entre une commune qui est sur le littoral et dont le territoire s’étend sur 10 ou 15 kms de profondeur et où l’ensemble de l’espace communal est sous le coup de la loi « littoral », et une commune voisine, qui est à 100 m du littoral mais qui n’est pas riveraine de la mer et qui aura le droit de faire ce qu’elle veut. Je serais personnellement d’avis d’aller un peu plus loin, et d’appliquer la même loi « littoral » sur tout un espace cohérent, proche de la mer.

Sylvie Andreu : - Vous dites, monsieur Bonnot : « J’irai plus loin dans la protection du littoral, et je serai plus souple à l’intérieur des terres », c‘est ça ?

A l’intérieur des terres, dans la commune du littoral, l’histoire des hameaux sera certainement à revoir. Il y a des contradictions à tout bloquer dans une commune « littoral » alors que le but est tout de même de construire plutôt en arrière-plan et de protéger le littoral. J’ai un autre exemple d’incohérence à vous citer en vous racontant une anecdote à propos d’un constructeur potentiel de ma commune qui voulait construire ou agrandir, à 50 m de son voisin (qui est sur la commune voisine, laquelle n’est pas commune « littoral »). Il m’a dit : « Comment se fait-il que chez vous, on ne peut rien faire alors que, chez votre voisin, on a le droit de tout faire ! ».



SA : - A qui demander cette précision ?

Vous le savez, la Bretagne est assez accidentée. Il y a souvent une mauvaise intégration, vue de la mer. C’est une vue qui s’abîme et je pense qu’on doit tenir compte de cet aspect.

Le Conseil National du littoral sera un lieu de dialogues, de concertation et de propositions. Louis Le Pensec le sait bien, les choses prennent quelquefois des tournures politiques et c’est parfois regrettable parce que cela concerne la protection de l’environnement.
Disons-le, si c’est la droite qui est au pouvoir, la gauche dira : « Ce n’est pas bien », si c’est l’inverse, et si c’est la gauche qui est au pouvoir, la droite contredira ! je trouve que c’est dommage. Je pense que tout ne sera pas réglé au Conseil National du littoral mais je crois que ce lieu de concertation permettra quand même de discuter avec beaucoup de bon sens. Je crois que c’est un peu ce que nous attendons et, ensuite, il y aura aussi un travail en commissions.
Le Conseil National du littoral va se réunir sous la présidence du Premier Ministre – ce n’est pas encore définitif mais je crois que ça va l’être – et il y aura, je crois, environ 80 personnes. On ne débattra pas à 80, mais, en tous cas, on fera en sorte qu’il y ait des groupes de travail qui permettent de réfléchir sur des sujets bien particuliers.
Il y a un autre petit point, qui vous montre le besoin de précision qu’on a quelquefois. C’est vrai que la loi a été votée à l’unanimité, mais il n’empêche que certaines précisions sont indispensables. Je prends un exemple typique : vous parliez tout à l’heure des mesures de protection que nous avons prises depuis plusieurs années dans la commune, avec expérimentation, avec protection et avec mise à la disposition du Conservatoire du littoral des terrains pour assurer la pérennité de la protection.
C’est une chose mais il y a une autre réalité sur le site : environ 800 000 à 1 million de personnes passent chaque année sur le littoral et il faut bien prévoir des toilettes publiques pour tous ces promeneurs sur les sentiers de douaniers ! Nous en avions d’ailleurs discuté avec Dominique Bussereau, qui était ministre à l’époque et qui, en tant que maire du littoral, comprenait la situation. Quand je lui ai dit : « Ce n’est pas possible qu’on ne puisse pas faire des édicules sanitaires » car du fait des dispositions de la loi, aucun édicule ne peut être construit dans cette zone. Je ne vous fais pas un dessin sur la pollution quand il n’y a pas d’édicule sanitaire, et sur les difficultés rencontrées !
Nous nous étions mis d’accord sur la possibilité de construire des édicules sanitaires, du fait des exigences d’hygiène mais il fallait que les constructions futures soient compatibles avec les contraintes esthétiques voulues par la commission des sites consultée ; cela voulait dire qu’il fallait prévoir leur intégration enterrée et en partie entourée de plantations. Et puis, au dernier moment, un haut fonctionnaire de l’administration a cru bon de dire : « Oui, des édicules sanitaires peuvent être construits, mais il faut qu’ils soient démontables. » Or, vous savez très bien que quelque chose de démontable n’a pas du tout la même intégration dans l’environnement que quelque chose de dissimulé. Je lui en ai fait la remarque, et sa réponse a été : « Oui, mais vous savez, monsieur le président de l’ANEL, ‘‘démontable’’ ne veut pas dire ‘‘être démonté’’ » !
C’est pour vous dire qu’il faut quand même qu’on puisse clarifier certains points de manière pragmatique. Je pense que Louis Le Pensec sera d’accord sur des points comme ceux-là. Ce sont des petites choses qui peuvent être vues, justement, au sein de ce conseil.
Je vous citais cet exemple parce que je crois que c’est indispensable qu’il y ait cette réflexion, comme il est indispensable que chaque commune aussi se dote de documents d’urbanisme, qu’il y ait une concertation et que tout soit compatible, c’est à dire que la loi « littoral » soit compatible avec le POS (Plan d’Occupation des Sols) – mais maintenant elle ne l’est plus.
Je crois que c’est une des difficultés qu’on rencontre sur le littoral. Il faudrait également que les communes puissent aller quelquefois un peu plus loin, lorsqu’on a des choses à protéger. Je vois que dans ma ville de Perros Guirec, j’ai fait une ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) depuis longtemps, de façon à protéger l’architecture balnéaire mais aussi à protéger tout ce qui est architecture portuaire, et ça je crois que c’est indispensable aujourd’hui.

SA : et le port est resté au centre de la station, de la ville ?

Oui. Je pense qu’aujourd’hui on critique les aménagements des ports - à juste titre d’ailleurs- qui comportent des enrochements, lesquels ne sont pas très beaux, surtout dans une région comme la notre où on a un marnage important. Ca veut dire que vous avez, à marée basse, 12 m d’enrochement qui choquent. Mais à une époque, quand on a construit des digues et des cales, vous pouvez voir la qualité avec laquelle ces digues et ces cales ont été construites. Tous ces môles ont été construits dans des conditions de travail, de présentation, etc… Amusez-vous à regarder les queues d’aronde qui tiennent les deux côtés, tout ça c’est extraordinaire. On pourrait réfléchir à nouveau à d’autres constructions, c’est-à-dire à une démarche, à une évolution dans la construction. Je crois que ça peut se faire aussi en concertation avec des entreprises de travaux publics, en leur disant : « Voilà ce qu’il faudrait faire pour avoir une meilleure intégration ». Personne, alors, ne critiquerait certaines implantations. Je crois qu’il y a toute une réflexion à mener sur cette question de l’architecture portuaire.

Les maires sont quelquefois accusés et ils le vivent mal. Je prends un exemple : dans un camping délimité, les autorisations sont données directement par la préfecture, sans que le maire soit consulté. Moi, j’ai un camping chez moi et, quand il est complet l’été, c’est entre 3 500 et 4 000 personnes qui y résident.
Et puis les tentes, les caravanes, comme partout, ont été remplacées par des mobile homes. C’est une évolution normale mais, quand c’est pas bien pensé mais cela aboutit parfois à une véritable cabanisation du littoral quand ci et là, on s’est contenté de planter un mobile home, sans intégration dans l’environnement.
Avant-hier j’étais au ministère, où j’ai rencontré monsieur Ferrand, le conseiller technique de monsieur Perben, sur ces questions d’urbanisme et je lui ai dit qu’il fallait absolument réfléchir sur ce problème et qu’on ne pouvait pas considérer qu’un emplacement de tentes devait être remplacé par un emplacement de mobile homes. Il faut un minimum de surface, il faut un plan d’intégration dans l’environnement, et je crois donc que c’est indispensable que nous ayons donc un lieu de concertation où l’on pourra faire quelques propositions.
Et je peux vous assurer que beaucoup de directeurs de campings le demandent aussi !
Je souligne que n’ai rien contre le camping, au contraire, puisque j’ai présidé le comité régional du tourisme pendant 18 ans et que c’est une forme de vacances que je ne peux ignorer. C’est une évolution normale, mais il faut aussi demander une intégration dans l’environnement de ces campings, et je crois que les gens ne comprendraient pas qu’on leur impose des normes de construction et qu’on soit laxiste envers les terrains de camping… Dans ma ville, compte tenu de la ZPPAUP, on doit demander l’avis de l’architecte des bâtiments de France pour installer un « velux » sur le toit et il va vous dire : « Non, il faut le ramener de 20 cm plus petit »… et, à moins de 100 m du littoral, il pourrait y avoir un camping où on aurait le droit de tout faire, où tout se ferait dans l’anarchie ?

Non, il va falloir que nous ayons des règles. Je sais qu’il y a des lobbies très forts : de constructeurs de mobile homes, de directeurs de camping, et même les banquiers qui sont derrière... Je n’ai rien contre tous ces gens-là, mais il faut que chacun ait sa place, et on ne peut pas continuer à reprocher aux élus de n’avoir aucune maîtrise si on ne leur donne pas les moyens, au moins, d’être consultés. Le résultat, voilà ce que je fais quand il y a des demandes de permis de construire à la limite de la légalité pour l’agrandissement d’une terrasse, d’une terrasse couverte, de sanitaires, je réponds aux pétitionnaires « ok, je prends mon crayon rouge et quand vous m’aurez supprimé tous ces mobile homes qui sont là, sur le bord du littoral, en limite des terrains du Conservatoire du littoral…on verra » Ce n’est pas supportable, ils sont en limite de littoral mais il n’y a aucune règle d’urbanisme. Je crois que c’est l’un des points importants.
Je reconnais que le fait d’être au conseil d’administration du Conservatoire facilite les choses.

Le dernier point sur ce sujet, c’est que beaucoup de responsables de camping demandent à mettre en zone U leur terrain et, là, c’est catastrophique
Je le dis à mes collègues élus : « prudence », parce que ça devient des lotissements déguisés, avec des ventes de terrain par la suite et c’est définitif.
Ca s’est fait, dans certains coins. C’est déjà en cours dans beaucoup de secteurs. A partir du moment où vous avez une zone U, vous rentrez dans un système où vous ne pouvez plus leur refuser, puisqu’ils sont en zone U - je crois que ça fera l’objet d’un débat tout à l’heure. Le préfet consulte tous les services, ses services la concurrence et les prix puis il dit : « je n’ai rien à dire »…
Les services d’urbanisme disent : « On n’a rien à dire », le service de l’environnement dit également : « Je n’ai rien à dire » et tout ça, parce qu’il y a eu une autorisation donnée pour un camping. Mais il faudra aller au-delà de ça. On ne peut pas se contenter des autorisations, il faut aujourd’hui demander une intégration dans l’environnement compte tenu de cette évolution.
Je le répète, on ne peut pas, à partir du moment où les choses évoluent, ignorer cette évolution. Et ne pas ignorer cette évolution, c’est aussi faire des règles beaucoup plus précises et définies.




Mis à jour le 22 janvier 2008 à 10:29