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Le littoral vu par les jeunes
Les webtrotteurs des lycées Vauban et Kerichen sont allés à la rencontre des jeunes des écoles de Ouessant et du Conquet et leur ont posé une question simple : Pour toi, qu'est-ce que le littoral ?

Visionnez les réponses des jeunes :
- Ecole Sainte Anne à Ouessant
- Ecole Saint Joseph au Conquet



2005 : Le littoral et les avancées scientifiques > TR 4 : Politique, droit et gestion du littoral >  L’Union Européenne et la Gestion Intégrée des Zones Côtières

L’Union Européenne et la Gestion Intégrée des Zones Côtières

Christophe Le Visage, Délégué adjoint pour la façade Atlantique, DIREN Bretagne, Projet européen de gestion intégrée du littoral

Biographie :

LE VISAGE Christophe

Compte rendu :

Voir la vidéo de Christophe Le Visage


Transcription :

8 octobre 2005 TR4


Discours de Christophe Le Visage

Après ces présentations scientifiques, je vais vous présenter le contexte européen dans lequel se développe ou commence déjà à se développer, la nouvelle politique française du littoral.
Car la nouvelle stratégie française se développe dans un cadre européen. C’est cette politique qui a été recommandée par les différents rapports qu’on a évoqués ces derniers jours. Il s’agit donc du développement d’une approche de gestion intégrée des zones côtières (GIZC).

La gestion intégrée des zones côtières (GIZC) vue au niveau européen.

En effet, pendant que les scientifiques réfléchissent à la gestion du littoral et travaillent à en améliorer la connaissance et la compréhension, les politiques ont déjà commencé à mettre en œuvre les premiers résultats de ces études.
On a tous bien compris qu’il était urgent de faire quelque chose, et que si on devait attendre que toutes les études, dans un domaine aussi complexe, soient achevées pour commencer, il n’y aurait alors plus rien à protéger ni rien à sauver.
Il est d’autant plus nécessaire de commencer tôt cette approche, d’ailleurs, que l’approche choisie est une véritable révolution copernicienne, puisqu’il s’agit de gestion intégrée.
Je ne détaillerai pas la difficulté du point de vue de l’administration et de la technocratie.
Les différents niveaux de gouvernance comme celui des collectivités publiques, comprendront combien il peut être difficile de mettre en place cette nouvelle gestion. Je vais essayer de retracer très brièvement les actions qui ont été menées au niveau européen, et de vous donner un aperçu de l’avancement des projets. J’essaierai peut-être aussi de montrer comment, en fait, on a déjà commencé à mettre en œuvre en France ces recommandations.

Quel est le contexte ?
L’Europe a commencé à s’intéresser très tôt aux zones côtières et, avant même que ces concepts de gestion intégrée des zones côtières ne soient répandus dans le public, le comité des ministres du Conseil de l’Europe avait émis en 1973 une résolution relative à la protection des zones côtières qui attirait déjà l’attention sur l’importance de ces régions, que ce soit au plan économique ou au plan environnemental.
La machine s’est réellement mise en route avec le sommet qui s’est tenu à Rio en 1992 - que l’on a déjà évoqué plusieurs fois - qui faisait émerger réellement le concept de développement durable et qui identifiait les principaux axes de progrès. On se rappelle que dans la feuille de route, soit dans le programme d’action de l’issue de ce sommet ou Agenda 21, il y avait un chapitre 17 qui était entièrement consacré à la mer et aux zones côtières – et surtout d’ailleurs aux zones côtières. Il plaidait pour une approche de gestion intégrée et il insistait d’ailleurs aussi sur la complexité de la tâche et l’étroite dépendance en ces zones des aspects environnementaux, économiques et sociaux. Ces recommandations de réunions ont été renouvelées en 2002 à Johannesburg. Voilà donc pour le contexte à partir duquel ont commencé réellement les actions auxquelles se rattachent désormais nos travaux.

De 1996 à 1997, l’Union Européenne a lancé un programme d’expérimentation destiné à explorer la démarche de gestion intégrée - en fait à valider cette approche pour une politique européenne. Il a suscité un large débat sur les modalités de sa mise en œuvre. Ce programme a été conduit essentiellement par la DG Environnement (Direction Générale de l’Environnement), avec le soutien des directions de la pêche, de la politique régionale et de la recherche – je ne rappellerai donc pas que beaucoup de gens ici connaissent très bien ce programme d’expérimentation, puisqu’il y avait 35 projets, dont le projet de la rade de Brest.

Le bilan de ce programme d’expérimentation a été tiré en 1999. Une communication de la commission intitulée : « Gestion intégrée des zones côtières : une stratégie pour l’Europe » a pris acte du fait que cette approche de la gestion intégrée des zones côtières semblait pertinente, et elle proposait aux états-membres un projet de recommandation du Parlement Européen et du Conseil. Elle avait tiré en particulier un certain nombre d’enseignements qui sont importants pour une politique. Par exemple, dans les enseignements de ce programme d’expérimentation on a découvert - ou plutôt vérifié - que même si la gestion intégrée des zones côtières repose in fine sur des initiatives et des actions locales, une coordination est nécessaire au niveau national. Il s’agit d’un point important, car on ne peut pas laisser des projets éclore librement sans avoir quelque part une coordination. Il est nécessaire à tous les niveaux d’identifier et d’associer tous les acteurs-clefs, aussi la coordination verticale entre échelons administratifs qui a été abordée plusieurs fois est essentielle.
Enfin, essentiel pour moi aussi, l’intégration ternaire qui est capitale. On a d’ailleurs assez peu parlé de la mer jusqu’à maintenant, en oubliant souvent que le littoral n’est pas le bord de la terre, mais le bord de la mer – je pense que l’avenir permettra à la mer de prendre sa vraie place dans un vrai programme, dans une vraie politique du littoral.

La communication de la commission a donc proposé un projet de recommandations qui a été adopté le 30 mai 2002 – je vais détailler un peu plus ce point. On peut noter quand même qu’une action en parallèle, en matière environnementale - une action d’importance - avait été décidée, puisque le 6ème programme d’action pour l’environnement qui avait été adopté en 2002 pour 2002-2010 par le Parlement Européen et le Conseil avait mis l’accent aussi sur les zones côtières, et recommandait le développement d’une stratégie européenne thématique sur ce thème.
Je ne vais pas passer très longtemps à détailler la recommandation. N’hésitez d’ailleurs pas à la lire, pour une fois qu’il s’agit d’un document dont on ne peut pas dire qu’il soit vraiment technocratique ; ceux qui ne connaissent pas la gestion intégrée des zones côtières après avoir lu ces six pages en comprendront, je pense, les principes. C’est un document clair et lisible, mais ce n’est pas sa seule originalité. C’est aussi un instrument juridique mou, c’est-à-dire que c’est une recommandation et que les Etats ont le choix de l’appliquer ou de ne pas l’appliquer. On peut constater que c’est quand même une démarche assez rare dans l’approche européenne, où on a plutôt tendance à prescrire. D’autre part cette recommandation est peu directive, puisqu’elle laisse une très large liberté aux Etats-membres pour mettre en œuvre cette approche sur leurs côtes. Cette recommandation

incite - les Etats-membres à développer une approche de gestion intégrée des zones côtières pour la gestion de leurs côtes. Elle détaille donc les différentes possibilités. Un pays peut donc développer une stratégie unique et c’est ce que fait la France, alors que des pays comme la Grande-Bretagne choisissent de développer plusieurs stratégies ; en effet, la responsabilité du littoral, en Grande-Bretagne, est dévolue aux administrations de l’Ecosse, de l’Irlande du Nord ou du Pays de Galles. Il s’agit donc, en fait, d’un instrument très peu contraignant.
D’autre part, consciente de la difficulté de l’exercice et désireuse d’associer les Etats-membres, la Commission Européenne a créé un groupe d’experts qu’elle réunit régulièrement, une ou deux fois par an. Il est alors symptomatique, je pense, de noter que dans ces spécialistes qui sont sensés représenter la gestion intégrée des zones côtières au niveau européen, il y a très peu de spécialistes de la gestion intégrée. Il y a essentiellement des spécialistes de l’environnement et de l’aménagement du territoire. On est donc loin de l’intégration, déjà, dans le groupe d’experts qui vont travailler sur ce sujet. Comme tout groupe d’experts qui se respectent, ce groupe a essaimé et s’est transformé en deux sous-groupes. Pour ceux qui connaissent la directive, il y a un point qui est considéré comme capital - enfin un point essentiel puisque c’est le premier point – et qui est de faire un état des lieux de la situation. Cet inventaire, la France l’a fait peu ou prou dans des myriades de rapports et des myriades de thèses. Un certain nombre d’états n’avaient rien fait qui puisse ressembler à un inventaire de, non seulement un état du littoral, mais également des différents acteurs, des relations et des réglementations qui s’y appliquent. Donc un sous-groupe a travaillé sur ce sujet et a généré des recommandations - des « deadlines » dans le jargon de ce type de groupe de travail.
Le deuxième groupe est plus intéressant, car il était chargé des indicateurs. Il s’agit de gestion, or une gestion nécessite des indicateurs qui permettent de savoir, en particulier, si on se rapproche du but suivi ou s’il ne faut pas modifier les objectifs ou modifier le plan d’action. Ces indicateurs sont destinés à évaluer, d’abord les effets de la politique – est-ce que ça marche, est-ce que le littoral est mieux géré ? Ce premier jeu d’indicateurs est assez classique et je ne le détaillerai pas. Ce sont les indicateurs de développement durable, qui sont destinés à décrire la situation du littoral. On a souhaité pour cela avoir un instrument opérationnel qui se basait sur les informations existantes dans les différents Etats-membres. On y trouve pêle-mêle des indicateurs liés à l’urbanisation, aux activités économiques, à la protection des espaces naturels et aux conflits d’usage. En France, c’est l’observatoire du littoral qui est créé et animé par l’IFEN (Institut Français de l’Environnement) qui produit ces indicateurs. Un deuxième indicateur sur lequel je passerai un petit peu plus de temps est celui de l’indicateur de progrès, qui est beaucoup plus original – et beaucoup plus ambitieux, d’ailleurs - puisqu’il est destiné, non pas à mesurer les effets de la politique, mais à suivre sa mise en œuvre. Le processus de création de mise en œuvre de la gestion intégrée des zones côtières est un processus long. Les échelles de temps se mesurent plutôt des années, peut-être même en dizaines d’années, plutôt qu’en mois ou en années qui comptent pour les politiques ordinaires.
Dans la pratique, le groupe de travail a essayé de distinguer des phases successives dans la mise en œuvre de la gestion intégrée, d’identifier des critères correspondants et de voir si, par hasard, ces informations ne nous permettaient pas de voir si on se rapprochait, oui ou non, d’une gestion plus intégrée. C’est un exercice extrêmement difficile, mais qu’il faudra bien faire un jour ne serait-ce qu’au niveau national, pour savoir si on progresse. On a donc défini 4 phases, 31 critères et 3 niveaux, ce qui est encore une fois très technocratique. Voici un tableau qui devrait rendre mes propos plus clairs. Voilà les 31 critères. Vous voyez approximativement 3 phases. D’abord, en partant de rien pour aller vers une gestion intégrée

on commence par une phase de planification - si on n’est pas capable de planifier, on ne peut pas prévoir. Deuxièmement, on peut considérer qu’il existe un cadre un petit peu plus favorable pour la gestion intégrée des zones côtières. Troisièmement, la gestion intégrée de zones côtières est en place et, quatrièmement, ça marche. Evidemment, dans l’idéal, vous avez six colonnes. Plus exactement, il y a trois colonnes à la fin desquelles se trouve un indicateur qui est « oui » ou « non », ou rouge ou vert, pour le niveau national, le niveau régional et le niveau local. Par exemple, si ceci est une tentative pour appliquer un indicateur à la situation de la France, on constate qu’on est pas si mal avancés que ça, mais que encore beaucoup d’indicateurs sont au rouge. Dans la deuxième colonne, celle de 2005, on peut constater qu’il y a quelques petits indicateurs qui sont passés du rouge au vert. Au total, on en est à peine au stade où il existe un cadre favorable pour la gestion intégrée des zones côtières. Un peu de modestie, donc. Un peu de triomphalisme, aussi, parce que c’est sans doute le moins mauvais tableau qui existe parmi les pays européens actuellement. Si on effectue un zoom sur un aspect ou sur un des indicateurs, tel par exemple le 5ème critère qui correspond à la mise en place d’une planification du littoral - j’ai choisi évidemment un indicateur pour lequel la France avait un résultat positif, on a un critère associé à la mise en place d’une protection réglementaire des espaces naturels pour la planification territoriale. Nous avons ça, effectivement, puisque la loi « littoral » permet d’identifier et de protéger les espaces naturels. Certains états - beaucoup d’états, même - n’en sont pas encore à ce stade. A côté de cette démarche extrêmement ambitieuse qui consiste à faire une recommandation - et aussi timide puisque c’est une simple recommandation et non pas une directive - il y a des efforts difficiles pour se doter d’instruments de mesure et d’indicateurs pour voir si, oui ou non, cette politique entre en jeu.

Les actions de l’Europe sont multiples en ce qui concerne le littoral. On va évoquer tout à l’heure celles qui concernent la recherche. J’évoque quelque uns des programmes qui sont directement liés, ou sur lesquels un lien a déjà été fait directement avec la gestion intégrée des zones côtières. C’est le cas du programme Eurosion dont je donne ici, parce que c’est intéressant, un tableau montrant les principaux résultats. Eurosion, est un programme qui visait à étudier les risques liés à l’érosion côtière en Europe.

image Science et Ethique

Et le bilan final est, région par région, un indicateur qui peut prendre quatre valeurs, du vert au rouge, indiquant la sensibilité des côtes à l’érosion. Vous voyez que la France est entièrement orange ou rouge – ce qui justifierait, si on en avait besoin, une politique du littoral. Par ailleurs, il y a le programme GMES (Global Monitoring of Environment and Security), qui est un programme d’observation dont la contribution potentielle pour l’acquisition d’informations de l’environnement sur le littoral est très intéressante. La Commission européenne a donc fait le lien entre ce programme, ou certaines actions de ce programme, et l’action de gestion intégrée des zones côtières. Vous voyez donc qu’il y a déjà un pas vers la mise en œuvre, ou bien le développement au niveau européen, d’un certain nombre d’outils. On sait que la gestion intégrée des zones côtières est un gros concept qui nécessite des outils. Et ces outils, on n’en dispose pas.
Enfin la Commission mène de front la mise en œuvre de la recommandation, avec la réalisation par l’Agence Européenne de l’Environnement d’un état des côtes dont la publication est prévue en 2006. On aura enfin une vision du littoral européen dans tous ses états, ce qui nous permettra d’avoir la situation de référence d’où nous partirons pour évaluer si la gestion intégrée des zones côtières a, oui ou non, fait progresser les choses.
Où en sont les états européens ou les autres états-membres ? Pas loin. Un petit sondage a été fait par la Commission en fin 2004 sur l’avancement de la mise en œuvre de cette recommandation. On constate que seuls 7 pays sur 20 avaient décidé de mettre en œuvre la recommandation, les autres hésitaient encore ou bien n’ont même pas répondu à la question. Ce n’est donc pas encore très évident. La France, dont les côtes représentent 5,4 % des côtes des 20 états-membres pris en compte, est dans les 7 qui ont décidé de développer une stratégie de gestion intégrée des zones côtières.

Les actions de la France
L’étape suivante sera évidement la production par les Etats d’un rapport sur la mise en œuvre de la recommandation, dans laquelle la France pourra, en particulier, indiquer – même s’il n’y a pas une grande visibilité – toutes les actions qui ont été menées ces derniers temps pour développer une politique dans le sens de la gestion intégrée des zones côtières. Par exemple la création du Conseil National du littoral était l’une de ces actions. L’appel à projet de la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) et du Secrétariat Général de la Mer pour des projets de gestion intégrée des zones côtières sont aussi des premières actions pour identifier des instruments qui permettent au niveau local et au niveau régional d’avoir une vision un peu plus stratégique du littoral et donc de savoir où l’on va. Un certain nombre d’instruments de ce genre seront repris dans ce rapport à paraître – ou en tout cas à rédiger – pour 2006.
La suite des actions au niveau européen sera clairement l’intégration dans le cadre plus général de la politique maritime européenne. Le Livre Vert est en court d’étude, dans lequel une « task force » a été constituée à la DG pêche, auprès du commissaire chargé de la pêche et des affaires maritimes. Ce Livre Vert comprendra très clairement un volet consacré aux zones côtières dans lequel, évidemment, la gestion intégrée des zones côtières sera mise en avant comme l’instrument de base pour une gestion équilibrée du littoral. Il est très vraisemblable, d’ailleurs, que ce Livre Vert conclura à une nécessité de gestion intégrée de la mer – mais, là, je vais un peu loin. Par contre, la question qui se pose est l’évolution interne du contexte juridique. Très clairement la Commission, l’Europe, se demande en ce moment quelle suite donner à ce projet. Une recommandation, certes, c’est bien, mais faut-il transformer ça en directive ? Comment faire ? On a bien le dogme que l’intégration ne se décrète pas, mais ne faudra-t-il pas, un jour, en arriver à un instrument juridique plus contraignant ? La question est posée.





Mis à jour le 22 janvier 2008 à 14:23