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Le littoral vu par les jeunes
Les webtrotteurs des lycées Vauban et Kerichen sont allés à la rencontre des jeunes des écoles de Ouessant et du Conquet et leur ont posé une question simple : Pour toi, qu'est-ce que le littoral ?

Visionnez les réponses des jeunes :
- Ecole Sainte Anne à Ouessant
- Ecole Saint Joseph au Conquet



2005 : Le littoral et les avancées scientifiques > TR 4 : Politique, droit et gestion du littoral >  Le parc marin Saguenay - Saint-Laurent

Le parc marin Saguenay - Saint-Laurent

Annette Viel, Muséologue, détachée au Muséum National Histoire Naturelle de Paris

Biographie :

VIEL Annette

Compte rendu :

Voir la vidéo de Annette Viel


Transcription :

8 octobre 2005 TR4


Discours de Annette Viel

Merci beaucoup, monsieur Coudurier, de cette très belle introduction. Je vais essayer d’être à la hauteur.
Alors j’imagine que vous êtes tous un peu frustrés, vous n’avez pas réussi à parler. Et bien je partagerai un peu de frustration avec vous, parce que j’avais une présentation PowerPoint que je ne vous ferai pas, parce qu’on a convenu de raconter une histoire. C’est vrai que venant de l’autre côté de l’Atlantique, les québécois aiment bien raconter des histoires ; on est d’abord un peuple de tradition orale. C’est l’histoire du parc marin Saguenay_Saint-Laurent.
En fait il faut remonter en 1962, quand l’UNESCO a demandé au pays de créer des zones de protection marines. Mais, là, on entre dans le problème de la juridiction, et au Québec on est entrés de plein pied dans ce problème de juridiction, parce que le Québec est propriétaire de la terre et le Gouvernement Fédéral des eaux. Nous sommes en pleine montée du nationalisme, du « maître chez nous ». Et donc qu’est-ce qu’on va faire lorsqu’on crée un parc national qui est un bien de la nation, alors que la création d’un bien de la nation entraîne une expropriation des gens qui habitent le territoire ? On exclut les gens et on en fait un parc national avec exclusion de chasse, de pêche, de prédation sous toute forme. Ce qui est intéressant dans le cadre du parc marin, c’est qu’on a pas cédé. Le Québec a dit : « Ah, c’est comme ça ? Très bien ! Je crée mon parc terrestre, Saguenay ». Et c’est pour cela qu’il est jumelé avec les Cévennes. On a même vu grand, on a jumelé avec un parc national français, alors que le statut juridique du Québec n’était pas d’être un parc national. Comme vous voyez, dans nos rencontres, on a des ouvertures qui sont là. On était alors au tout début des années 70 et il faudra attendre la fin des années 80, lorsque la pression internationale deviendra de plus en plus forte. Pourquoi ? Parce que des bélugas qui remontaient le fleuve Saint-Laurent et qui étaient près de 5000 dans les années 60, n’ont tout à coup plus été que 500. Ils échouaient sur les plages et l’autopsie montrait que leur chair était atteinte par des BCP (composition de solvants et de fluides isolants), des cancers et des problèmes qui sont inhérents à toutes les conséquences de la pollution. La Wild World Life Foundation, en collaboration avec l’Union Internationale de Conservation de la Nature, et les groupes environnementalistes liés à cette problématique, ont organisé un symposium à Tadoussac, là où il y a cette fameuse rencontre des eaux douces, qui descendent du Saguenay, des eaux salées qui nous viennent de la mer et également des eaux douces qui nous viennent du Saint-Laurent descendant des grands lacs. Et là il y a un tourbillon absolument fabuleux, une convergence de forces qui fait qu’il y a un plancton en abondance et qu’il y a sept sortes de mammifères marins qui se retrouvent, comme les petits rorquals, les grands rorquals, les baleines bleues, etc… Et la population a aussi été conviée à ce symposium scientifique, à une problématique de tourisme puisqu’en 70 il y avait 2 000 touristes et que déjà dans les années 80 c’était 20 000 et que l’année dernière c’était 400 000 qui venaient voir ces baleines. Donc comment on organisait, si vous voulez, une gestion éclairée de cette ressource ? Et c’est là que ça va être intéressant de suivre le processus, parce qu’il y a un vrai travail qui s’est fait sur le thème de l’harmonisation. Les enjeux politiques, fédéral et provincial, étaient plus du même côté en ce qui concernait leurs ambitions, et il y a eu la création d’un comité de coordination qui mettait ensemble, bien sûr, les gens du gouvernement fédéral, les gens du gouvernement provincial, mais aussi ce que vous appelez les communautés de commune - cinq municipalités régionales de comtés. Là, il y a eu des discussions pour dire comment on créait ce parc. Pourquoi on voulait un parc ? Parce qu’on savait très bien qu’il allait y avoir des lois, qu’il allait y avoir une protection, qu’il allait y avoir une recherche. On a l’obligation, quand on crée un parc, de connaître notre ressource, de faire toutes les recherches autant sur le plan économique, politique et autres. Donc j’accélère - parce que j’avais dit que je prendrai 5 mn et que je vois que je peux vous raconter une histoire très longue - pour vous dire que, finalement, il y a eu une première consultation publique sur les limites du parc. Il y a eu des présentations qui ont été faites de différents groupes, il y a eu des discussions autour de ces limites, et puis une acceptation de concertation de la limite, qui est au milieu du fleuve Saint-Laurent. Vous savez, le béluga ne sait pas que ça coupe en plein milieu du fleuve, il se promène d’un côté et de l’autre… Mais, quand on fait des juridictions et des normes, on est obligé d’appliquer des contraintes. On a accepté, dans le cas du parc marin, d’avoir cette contrainte de limite. Et, de fil en aiguille, les lois ont été changées et je suis très heureuse de dire ça en public, pour la première fois.
J’étais venue en France en 90 en tant que muséologue et, donc, je fréquentais tout ce qui était parcs naturels, parcs régionaux, etc…, et j’avais eu la charte du parc régional de la Brotonne, parce que le parc régional a aussi une façon de faire qui est très intéressante et j’avais donc amené cette charte avec moi. Ceux qui ont travaillé à établir la base du parc marin se sont inspirés d’une législation française qui était le parc régional, pour harmoniser nos pratiques. Alors tout ça parce que j’ai envie de vous dire que c’est important qu’on échange, c’est important qu’on partage, c’est important qu’on se rende compte, mais ceci n’empêche pas qu’il y ait derrière des assises. Par exemple j’ai amené un document pour ceux que ça intéresse : l’étude de la valeur économique. Qu’est-ce que ça veut dire ? Tout le monde dit : « la rentabilité », mais qu’est-ce que ça veut dire, « être rentable à court terme ou à moyen terme ». Ici, le cadre est développé avec l’Organisation Mondiale du Tourisme, avec l’Union Internationale de Conservation de la Nature – les recherches internationales, il faut aussi en profiter. Et, dans ce cadre-là, on étudie aussi la valeur individuelle, la valeur commerciale et aussi la valeur sociétale. On étudie quels sont les avantages individuels, commerciaux et sociaux avec des normes, et on essaie de baliser. Ca ne veut pas dire que c’est final, comme outil. Les outils, ils progressent au fur et à mesure. Et c’est ça qui est intéressant. Les enjeux sont énormes. Travailler à cette mise en valeur est énormément exigeant sur le plan humain, parce qu’il faut qu’on arrive à se comprendre à travers nos codes, à travers nos pratiques, à travers nos manières, et puis qu’on travaille à cette harmonisation quelque part.

Hubert Coudurier : justement, la question que je voudrais vous poser c’est : vous dites qu’il faut trouver de nouvelles formes de valorisation ou d’appréhension de la valeur économique. On est aujourd’hui dans une espèce de mondialisation libérale à laquelle la France essaie tant bien que mal de résister et d’incarner une alternative. Vous, vous avez la double culture. Vous êtes à la fois dans un environnement anglo-saxon, mais vous parlez très bien le français. Expliquez-nous un peu, sur ce domaine, puisque tout à l’heure nous avions une intervenante irlandaise, si les anglo-saxons font différemment, mieux ou moins bien ?

Ma méthode de travail est anglo-saxonne. La structuration, le processus, la création des parcs nationaux... Regardez en France combien vous en avez. Votre premier parc a été crée en 1961, je crois que c’était La Vannoise. Vous en avez 7, je crois, alors qu’au Canada nous en avons 40 qui sont là. Il y a des raisons à ça, c’est une autre pratique, c’est autre chose. Mais, à travers la création des parcs nationaux qui datent de 1885, il y a cette dimension du public qui est tout de même importante, et il y a cette dimension de confirmation de mise en valeur, il y a une interaction entre les deux. Et je peux vous dire que le premier parc qui a été créé à Banff, c’était aussi dans un souci de tourisme. Or, qu’est-ce que ça veut dire, un tourisme qui va venir dans un parc ? Les études d’impact, on en a parlé, elles sont importantes. L’Irlande en a parlé de ces études d’impact. Qu’est-ce qu’elles signifient, qu’est-ce qu’elles veulent dire ? Par exemple, il vient maintenant 25 000 touristes par an dans les archipels de Mingan, qui n’étaient pas fréquentés. Or, si 10 personnes foulent une plante rare, celle-ci est « foutue ». Qu’est-ce qu’on fait par rapport à ça ? On a, dans la création d’un parc, le devoir d’assurer la pérennité, on parle de développement durable. On y était au XIXème siècle quand on pensait assurer la pérennité des choses, parce que l’objectif du développement durable c’est d’assurer la pérennité des ressources. On est plus nombreux, donc comment on réussit à assurer cette pérennité des ressources ? Je ne sais pas si je réponds directement à votre question. La valeur économique se mesure de différentes manières, par exemple avec les croisiéristes. J’avais une diapositive qui était : « Elle souffle… les dollars aussi ». Parce que les baleines, elles attirent les gens. Et comment on attire les gens, qu’est-ce qu’on leur communique comme message, qu’est-ce que ça signifie ? Asseoir les croisiéristes avec des gens qui planifient les parcs, c’est tout un défi. Et ça s’est fait. Ca s’est fait pour travailler en collaboration, justement, avec le milieu et la ressource. Par exemple, la morue. En Gaspésie, on vivait de la morue. Aujourd’hui il n’y a plus de morue, il y a du touriste. Est-ce que c’est la nouvelle morue ? Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Il faut poser la question aux gens de la place. Ils ont besoin de vivre, les gens. Ils ont besoin d’avoir une économie qui est soutenable, qui nous amène justement à être bien chez soi, dans notre humanité.





Mis à jour le 22 janvier 2008 à 15:07