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2000 : Vagues de pollution, impacts et prévention > TR 2 : Maux et mots, la communication et la crise : La vague des citoyens >  Discours de Jean-Paul Natali

Discours de Jean-Paul Natali

Cité des Sciences et de l’Industrie

Biographie :

NATALI Jean-Paul

Compte rendu :

Transcription :


20 octobre 2000 TR2


Discours de Jean-Paul Natali :


Je travaille sur les protocoles délibératifs à partir des connaissances que nous avons pu réunir au Centre d’Études du Débat Public de l’Université de Tours (IUT) par nos travaux sur les conférences de consensus danoises, sur les citizen juries nord-américains, sur les ateliers de scénarios européens, etc. J’essaie de comprendre les dynamiques qui sous-tendent ces situations délibératives, d’en étudier les caractéristiques et de les inscrire, si possible, dans des protocoles formels adaptés à la diffusion des savoirs scientifiques. À la Cité des Sciences et de l’Industrie, il m’a été possible de monter des manifestations expérimentales dans ce domaine. L’une d’entre elles a été organisée en partenariat avec 3B conseils et a donné lieu à une intervention dans le cadre des Entretiens Scientifiques de l’an dernier. Ceux qui y ont assisté ont pu suivre la phase de restitution animée par le panel de “ non-spécialistes ”, tous issus de la région. Le groupe a travaillé un bon mois durant sur les problèmes épineux de l’expérimentation animale et sur les conditions d’élevages auxquelles sont soumises certaines espèces.
Parallèlement à tout cela, j’ai installé sur l’Internet un site de discussion qui s’attachait à reproduire un dispositif de médiation permettant d’entrer dans une logique délibérative. Ce site/forum a tourné pendant deux ans et demi. Le thème en était l’acceptation sociale des biotechnologies, mais les discussions se sont vite rassemblées autour de l’utilisation des OGM, sujet qui a alimenté nombre de situations délibératives, comme celle, montée il y a deux ans, par l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques. Le site/forum s’est construit sur une architecture bien particulière. Mais revenons tout d’abord sur les pratiques en oeuvre sur Internet. Dans la mesure où tout le monde peut intervenir dans un “ chat ”, cela crée une sorte de “ folie ” dans la discussion, si elle n’est pas vraiment focalisée sur un sujet bien particulier. Par ailleurs, les thèmes du type des OGM suscitent des réactions parfois violentes de la part de ceux qui militent contre ces techniques et qui n’entendent pas limiter leur action à une simple diffusion de l’information. En effet, il existe des listes de diffusion particulièrement actives sur ce thème et cela rend possible quelques actions qui permettent à des “ trublions ” de venir perturber certains ordres établis. Je citerai en exemple l’immédiateté réactive si extraordinaire qui a rendu possible le fait de suivre, sur l’une de ces listes, des commentaires à chaud sur les discours d’un congrès qui était en train de se dérouler. C’est sur champ très riche et en partie ingérable que j’ai mis en place une structure rassemblant les outils disponibles afin de réintroduire une dimension délibérative dans les débats. Pour cela j’ai associé un forum classique sur lequel tout un chacun pouvait laisser un message et une liste de discussion utilisant les protocoles de mail. La nouveauté résidait dans le fait que les mêmes messages transitaient sur les deux structures permettant ainsi de rassembler l’ensemble des discussions malgré des usages différents sur le net. De plus, les protocoles délibératifs nécessitant des rencontres entre spécialistes et “ non-spécialistes ”, un atelier fonctionnant en temps réel a été utilisé afin de mettre en oeuvre des protocoles d’écriture collective. La liste de diffusion a réuni jusqu’à 350 personnes, créant de cette façon une sorte de petite communauté virtuelle dont un grand nombre de membres intervenaient peu, mais suivaient assidûment les débats.
L’atelier constituait une sorte de “ chat ” qui ne mettaient en “ présence virtuelle ” que quelques personnes choisies pour leur désir de confronter leurs idées à celles d’autres personnes n’ayant pas la même sensibilité. Cet atelier délibératif a fonctionné comme une sorte de petite conférence de consensus. Deux facilitateurs ont joué leur rôle d’informateurs et d’accompagnateurs. Dans ce cadre, ce qui nous a le plus étonnés et ravis, c’est que les débats abandonnaient leurs bouillonnements sans perdre pour autant de l’intérêt. Les gens sont entrés dans le débat en s’adaptant aux processus de dialogues mis en places, apportant leurs propres représentations et mettant en oeuvre leurs propres démarches rhétoriques. Cette infrastructure permettait à ceux qui n’étaient pas participants du débat de pouvoir néanmoins le suivre en se connectant sur le site/forum. Cette structure particulière, utilisant des éléments participant de diverses pratiques, nous semblait modestement aller dans le sens d’une vision prospective en
évitant peu ou prou de tomber dans l’effet “ diligence ” stigmatisé par Jacques Perriault, Responsable du département Recherche et Innovation du CNED (Centre National d'Enseignement à Distance) et président de la Société Française des Sciences de l’Information et de la Communication (SFSIC). En effet, lorsqu’on a construit les premiers trains, on n’a pas manqué de construire les wagons sous la même forme que les diligences en calquant sur un nouveau mode de transport ce que l’on savait faire sur l’ancien. À voir la profusion de transpositions plus ou moins réussies sur Internet, et à écouter les discours médiatiques qui s’extasient sur les trouvailles du net alors que celles-ci se contentent de reproduire ce qui existe parfois plus commodément sur d’autres supports, on peut aisément penser qu’il passera encore de nombreuses diligences sur les réseaux avant de laisser la place à des nouvelles formes plus adaptées. Deux aspects m’intéressent donc plus particulièrement : tout d’abord, comment inventer des formes qui n’étaient pas possibles avant et qui justifient donc leur intrusion sur le net. Et ensuite, comment organiser des situations délibératives afin que le citoyen puisse plus aisément participer à l’espace public lors de protocoles échappant à ce que Serge Halimi appelle les “ débats médiatiquement corrects ”. Sur ce dernier point, il reste encore énormément à faire.





Mis à jour le 28 janvier 2008 à 10:28