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2000 : Vagues de pollution, impacts et prévention > TR 2 : Maux et mots, la communication et la crise : La vague des citoyens >  Discours de Christophe Marques et Yann Rabuteau

Discours de Christophe Marques et Yann Rabuteau

Christophe Marques,Docteur en droit au Centre de Droit et d'Economie de la Mer à Brest
Yann Rabuteau, Docteur en droit au Centre de Droit et d'Economie de la Mer à Brest

Biographies :

MARQUES Christophe , RABUTEAU Yann

Compte rendu :

Transcription :


20 octobre 2000 TR2


Discours de Christophe Marques et Yann Rabuteau :


La communication juridique en temps de crise Rappel de nos activités sur Internet suite à la pollution du pétrolier Erika :
Dès le 15 décembre 2000, le Centre de Droit et d’Economie de la Mer mettait en place sur l’initiative de Didier Le Morvan, Christophe Marques et Yann Rabuteau, une cellule de crise capable de renseigner et documenter toute personne désirant des informations sur le cadre juridique applicable au naufrage et à la pollution de l’Erika. A ce titre cette cellule fut sollicitée par le CEDRE pour maintenir une permanence téléphonique afin de prendre en charge toutes les sollicitations à caractère juridique dont cette structure fit l’objet durant le mois de janvier 2000. Suite à cette première expérience de communication dans l’urgence à destination des médias, du grand public et des opérationnels, nous avons été contactés par la société Cyberouest afin d’animer un forum de discussion juridique sur le site Internet “ Mareenoire.org ”.
C’est notamment dans ce cadre que nous avons complété et approfondi notre expérience de communication juridique en temps de crise sur le support très utilisé et novateur qu’est le Web.
De cette expérience, et plus largement de notre travail de communication dans la crise de l’Erika, nous pouvons retirer un certain nombre de constats et d’enseignements qui font l’objet de cette contribution.
Tout d’abord, pour le juriste quelle que soit sa spécialité et en dehors de tout contexte particulier, Internet est un outil de travail à vocation documentaire permettant d’accéder plus facilement à des références bibliographiques, des données textuelles et jurisprudentielles. D’un point de vue technique le support informatique, et les possibilités offertes par Internet, facilite considérablement le traitement des données récupérées et leur éventuelle communication.
A l’occasion de notre travail sur le forum du site “ Mareenoire.org ”, tous ces avantages nous ont été précieux pour communiquer au public des informations et des données juridiques adaptées à la demande, réelle, de tout savoir et tout comprendre.
Le premier constat que l’on se doit d’établir, est qu’Internet est bien un outil adapté en temps de crise. Quand l’urgence d’une situation recommande une réaction rapide et adaptée, le recours à Internet pour fournir de l’information est une évidence. La facilité et la rapidité d’accès aux données juridiques recherchées dans le contexte très particulier d’une pollution majeure, est une qualité que seul le Web peut offrir.
Dans le forum auquel nous avons participé, nous avions deux missions principales : fournir de l’information sur le droit applicable, et répondre aux questions posées par les internautes.
Seul Internet nous a offert une telle possibilité de communication adaptée à nos interlocuteurs et souple dans la portée de nos réponses.
Dès les premiers jours de notre mission, le besoin de données sur l’état technique et structurel du navire, dont l’intégrité matérielle a été mise en cause, s’est fait rapidement ressentir. Grâce aux spécificités du Web (liens hypertextes) nous avons pu renvoyer les internautes sur le site du Ministère des Transports qui hébergeait le rapport du Bureau d’EnquÍte Accident Mer, relatif aux causes du naufrage de l’Erika. Les questions se sont ensuite naturellement étendues au droit applicable à la pratique des pavillons de complaisance. Les internautes étaient sensibles aux explications concernant les causes de cette pratique. Les droit applicable à la sécurité maritime a pu également être évoqué, et sa technicité n’a pas manqué de surprendre nos interlocuteurs.
Par la suite, et face à l’étendue catastrophique des dégâts et au montant probable des dommages, les interrogations se sont tournées vers la question des indemnisations. Ce fut un thème particulièrement animé où le besoin de savoir et comprendre s’est imposé plus qu’ailleurs. Il nous a fallu adopter ici une approche très didactique au risque de voir les participants se perdre dans la complexité réelle du système en vigueur. Encore une fois, le support Internet nous a été utile en nous permettant de mettre en ligne une page consultable par tous les internautes, et présentant les grands traits du régime d’indemnisation applicable, suite à quoi les questions se firent d’ailleurs plus précises.
Des domaines plus polémiques ont ensuite été abordés comme par exemple celui de la responsabilité de l’affréteur Total. Les internautes intéressés ne comprenaient pas pourquoi le droit maritime protège ainsi l’affréteur en se concentrant sur le propriétaire du navire. Les critiques étaient alors très virulentes sur ce sujet pour conclure, parfois, que l’on pouvait polluer en toute impunité. Dans ce domaine, tout comme à propos d’une responsabilité morale souvent évoquée, le décalage entre le droit applicable et le point de vue de la société civile était flagrant.
Les débats ont souvent été constructifs lorsque la question de l’abrogation du Protocole de 1992 à la Convention de 1969 sur la responsabilité civile, et de 1971 portant création du Fipol, a été abordée. Là encore, et suite à nos explications, le besoin de comprendre pourquoi un tel système existe s’est fait nettement sentir dans les échanges.
De manière générale, il nous est apparu à travers nos interventions sur ce forum, que la voie citoyenne, ou la société civile, était animée non seulement du souci de savoir mais également de comprendre. Face à une telle demande légitime et responsable, le devoir de parole s’impose aussi aux juristes dans un domaine où le droit à une importance prépondérante.
C’est en effet grâce au droit que les victimes seront indemnisées, que les navires doivent répondre à des règles de sécurité ou encore que l’Etat côtier organise la lutte contre une pollution. Mais c’est également à cause du droit et de ses limites, surtout internationales, que des abus sont possibles.
Quoiqu’il en soit, le recours à Internet comme support de recherche et d’accès à l’information pour la société civile nous paraît être un réflexe sain et une possibilité sans égale. Si Internet est un fantastique outil de recherche, c’est également un espace d’échange au service de la communauté juridique et du public, qui doit pouvoir y trouver des réponses à ses préoccupations.
Cependant, il faut bien admettre que cette possibilité est encore trop réduite dans le domaine des pollutions accidentelles majeures, où l’offre de sites susceptibles de fournir une information juridique adaptée au grand public est beaucoup trop limitée. Les sites à contenu juridique sont
destinés à être utilisés par des juristes et sont conçus pour cela, le public qui y cherche une donnée risque fort de ne pas trouver ce qu’il cherche ou de ne pas saisir la portée d’un texte si celui si ne s’accompagne pas d’un minimum d’explications. Délivrer de l’information juridique sans approche pédagogique nous paraît assez risqué car potentiellement porteur d’incompréhensions d’un système déjà complexe.
Enfin, le domaine spécifique des pollutions et du droit qui y est applicable n’est que très peu présent sur la toile mondiale ; le besoin existe pourtant et mériterait d’être comblé dans de bonnes conditions d’accessibilités, et cela au bénéfice de tous, acteurs, victimes, médias et public.




Mis à jour le 28 janvier 2008 à 10:36