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2000 : Vagues de pollution, impacts et prévention > TR 4 : Ecailles et plumes : éthique, droit et pollution >  Discours de Paul Lannoye

Discours de Paul Lannoye

Député Européen, Président du groupe des Verts au Parlement Européen

Biographie :

LANNOYE Paul

Compte rendu :

Téléchargez "Responsabilité environnementale: une urgence politique" texte de P.Lannoye


Transcription :


21 octobre 2000 TR4


Discours de Paul Lannoye :


Les leçons de l’histoire : entre le naufrage de l’Erika et de l’Amoco Cadiz, il y a eu 22 ans. Ces 22 ans ont montré qu’on n'avait pas tiré les leçons de ce qui s’était passé. L’Amoco Cadiz en particulier, en ce qui concerne la responsabilité civile des transporteurs de matières dangereuses et d’hydrocarbures.
Que s’est-il passé avec l’Amoco Cadiz ?
L’accident a eu lieu en 1978. Ce fut un long périple juridique. En 1989, le tribunal de Chicago a pris sa décision sur les indemnités qui seraient allouées par les responsables de l’accident.
Cela a donné un chiffre dérisoire : 645 millions de francs français, ce qui avec le retard de onze ans, signifie en fait une moins value de 34%, donc en valeur réelle de 1978 cela représente 213 millions de francs. Somme absolument dérisoire par rapport à l’ampleur de l’accident, aux dommages, aux personnes et aux activités. Concernant l’environnement, il n’y a rien eu du tout, sauf pour les dommages qui ont une conséquence négative sur une activité économique, comme la pêche. On sait que la destruction de l’environnement est irréversible, et pourtant on n’a rien eu. Est-ce particulier au domaine qui nous concerne ? Non, c’est général, en ce qui concerne les activités économiques qui présentent un risque important pour l’environnement.
Il n’y a aucune législation internationale qui permette d’envisager une compensation financière et qui permette à l’acteur économique en question d’assumer sa responsabilité.
Se pose un problème politique qui, faut-il le dire, n’a absolument pas été réglé. Pas seulement avec les hydrocarbures, on l’a vu avec l’Erika, mais également pour les autres problèmes de risque pour l’environnement.Pour l’Erika, c’est la responsabilité du propriétaire du navire qui est en cause, on a vu que l’écheveau inextricable des responsabilités entraînent automatiquement un retard considérable pour définir le responsable.
Deuxième élément, il n’y a pas de possibilité de se retourner vers d’autres acteurs, affréteurs, propriétaires de la cargaison.Troisième élément, le fonds de garantie, le FIPOL, qui est spécifique mais n’est pas suffisant en ce qui concerne la limite d’indemnisations. Un plafonnement est fixé à 200 millions de dollars, ce qui est dérisoire surtout si on voulait prendre en compte les dégâts causés sur l’environnement. Quelle conclusion ? Il existe un rapport, remis pour le Conseil Européen de Biarritz le 27 septembre dernier, où la Commission évoque largement les insuffisances que je viens de citer, sans en tirer les conséquences.
Je voudrais évoquer deux accidents industriels très graves qui se sont produits depuis 1998. Il y a eu cet énorme accident en Andalousie, qui possède un des joyaux de la biosphère qui est le parc Donana, sous la juridiction de l’UNESCO. Un parc où la diversité est extraordinaire, et qui
a été partiellement endommagé par la rupture d’une digue.
Un barrage de retenue d’un bassin de décantation d’une entreprise multinationale suédoise qui exploite une mine. Il y a eu rupture du barrage,alors que les eaux étaient chargées de déchets toxiques, de métaux lourds et autres polluants.
Cinq millions de mètres cubes se sont déversés sur 4500 hectares de terres, dont une partie à l’intérieur du parc proche d’une rivière. Les dégâts en terme de vies humaines sont nul,en termes de biens ils sont quasi nuls également,mais le principal dégât a été causé à l’environnement.Toute la vie sauvage sur des centaines d’hectares a été anéantie,avec une pollution irréversible qui sera encore mesurable dans des dizaines d’années.On a ici un cas concret où apparaît une lacune importante dans l’indemnisation.Plus récemment,en janvier dernier,des rejets de cyanure provenant d’une mine d’or en Roumanie,ont porté sur des affluents du Danube qui ont été contaminés sur 300 kilomètres. Les taux de cyanure étaient 300 fois plus élevés que ce qui est considéré comme tolérable pour que l’eau soit potable.On considère qu’il faut 3 à 5 ans pour que renaisse la vie.Voilà trois évènements qui se sont déroulés sur le continent européen. Il est clair qu’il faut aborder de front cette problématique de l’environnement.
La Commission Européenne a remis un rapport au Conseil Européen qui se réunissait à Biarritz le 27 septembre : ce document s’appelle le livre blanc, document stratégique qui permet une législation contraignante. Il a fallu huit ans pour obtenir ce livre. Maintenant que ce document est présent, le débat est lancé. Il est en cours au Parlement Européen, et va déboucher sur une législation. Les pressions des milieux industriels sont très grandes pour qu’elle ne soit pas contraignante.
Les Etats membres traînent la patte, car il y a un enjeu considérable. S’il n’y a pas une pression exercée par la société civile, je crains qu’on aboutisse à une législation insuffisante.
Premier problème, celui de la responsabilité avec ou sans faute. La Commission a une bonne option pour les activités intrinsèquement dangereuses, il faut appliquer le principe de la responsabilité sans faute.Il suffit de lister les entreprises et les activités dangereuses. Deuxième point, il faut prouver le lien de causalité,pour gagner du temps il faut que les plaignants se trouvent face à des obstacles insurmontables qui leur demandent dix ans de travail et le recours à des bureaux d’avocats qu’ils ne peuvent pas payer. Il faut alléger la charge de la preuve.
Troisième élément : quels dommages ? Nous avons la chance de disposer d’une législation internationale, européenne où il existe des directives, des normes à la fois pour les matières dangereuses, et pour les activités dangereuses.
Je crois qu’on dispose d’un arsenal législatif qui nous permet de fixer les limites, d’avoir un cadre de départ.
Quatrième élément, la pluralité des responsables. On l’a vu avec l’Erika, quand il y a plusieurs responsables, il faut que le plaignant puisse se retourner contre un acteur et ne pas chercher pendant six mois qui est responsable, car sinon c’est la catastrophe juridique.Il faut quelqu’un,quel qu’il soit.
L’affréteur,le propriétaire de la cargaison,celui qu’on peut cibler pour exiger une compensation.On trouve également le problème de la sécurité financière, il faut un système d’assurances obligatoires afin d’obliger les acteurs économiques à payer une prime à la mesure des risques encourus. Les fonds de compensation sont une bonne formule complémentaire lorsque le responsable n’est pas facile à définir. Il y a déjà une Convention sur la responsabilité du Conseil de l’Europe, qui couvre beaucoup plus que l’Union Européenne, c’est la Convention de l’Ugano qui date de 1993, signée seulement par six Etats membres de l’Union Européenne. Cinq Etats seulement sont prêts à la ratifier, ce qui prouve qu’il y a une très grande lenteur. Les Etats membres, de façon occulte, freinent parce qu’il y a des intérêts, des acteurs économiques qui influencent dans l’ombre. Après ce qui s’est passé, il ne faudrait pas que cette pulsion positive se perde, que les associations et les parlementaires n’oublient pas le dossier et qu’il y ait des mesures européennes qui soient trouvées.





Mis à jour le 28 janvier 2008 à 16:25