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Organisation des sciences marines en Europe

John Marks, ESF Marine Science Board

Biographie :

MARKS John

Compte rendu :

Voir la vidéo de John Marks


Transcription :

8 novembre 2003 TR3


Discours de John Marks



Je suis actuellement Directeur de l’organisation en Sciences et Vie de la Terre au centre de recherche scientifique NWO aux Pays-Bas, centre qui est l’équivalent du CNRS en France. A partir du 1er janvier prochain, je deviendrai Directeur de la section « Science et Stratégie » de la Fondation Européenne pour la Science (ESF). Le rôle de l’ESF (70 organismes dans 29 pays d’Europe : organismes tels que le CNRS, Ifremer, les académies de sciences européennes) est de rassembler les communautés scientifiques en Europe. En dehors du cadre de l’Union européenne, de nombreuses personnes pensent que le seul moyen de collaborer à l’échelle européenne est de récolter de l’argent de Bruxelles. Ces mêmes personnes se plaignent par la suite de la complexité des procédures. Des sommes d’argent bien plus importantes circulent au niveau national et si nous étions en mesure de joindre nos forces d’un point de vue financier, mais également du point de vue des procédures, nous pourrions investir bien plus dans la recherche en collaboration. Environ 90 % de la recherche européenne sont financés par le biais de sources nationales tandis que seulement 10 % sont financés par la communauté européenne. La ESF compte un certain nombre de comités. Le plus important pour vous aujourd’hui est le Comité pour la Science Marine composé de représentants venant de 23 instituts de 17 pays différents. Ce comité rassemble les principaux acteurs chargés de la direction et du financement de la recherche marine en Europe. Le président actuel du comité est Jean-François Minster, directeur général d’Ifremer. Le but du Comité pour la Science Marine est de discuter de la collaboration, des priorités, des directions à prendre en ce qui concerne les sciences marines en Europe. Cette fonction de forum de discussion a abouti au développement d’une stratégie européenne qui a été elle-même développée de manière interactive en créant des ateliers où se sont rencontrés des scientifiques ou en utilisant un système de consultation via des sites internet. Tout ceci est un vaste domaine rempli de nombreux défis et ressources inconnus. L’une des forces directrices est que pour exploiter ces ressources naturelles de manière durable, il faut absolument tout connaître des effets de cette exploitation. Une autre force directrice importante est que parce que 70 % de notre planète sont constitués de mers et d’océans, cela joue un rôle important du point de vue du climat et des changements climatiques. De plus, ceci représente la dernière frontière pour la science sur notre planète. Bien entendu, on peut parler de l’espace, mais il se trouve que les océans présentent des défis similaires à ceux rencontrés dans l’espace. Ces forces directrices ont amené la communauté scientifique marine à définir sept thèmes importants qui pourraient, dans les années à venir, guider le développement de programmes scientifiques en Europe :
1) La dimension européenne et sociale qui forme une sorte de cadre dans lequel s’inscrit la science.
2) Les ressources marines naturelles sont un domaine important de la recherche qui permet de comprendre les effets d’une éventuelle exploitation mais qui permet également de découvrir de nouvelles ressources.
3) Les zones côtières et les mers bordières qui sont d’une importance capitale car celles-ci sont très proches et regorgent de vie marine dont on connaît peu de chose. Dans tous les cas, nous devons surveiller nos côtes. Plus de 75 % de la population mondiale vivent à environ 60 km de la mer. Cette population est donc très dépendante de la mer en ce qui concerne la nourriture et les transports. Environ de 3 à 5 % du PNB européen dépend d’activités associées aux océans.
4) Les interactions et réactions des climats océaniques représentent des défis importants. Que se passera-t-il si la glace fond et si l’océan Atlantique devient plus doux ? Nous ne savons toujours pas où le carbone sera stocké.
5) Les nouvelles frontières des sciences marines : la vie marine en tant que ressource potentielle de nouveaux produits visant à améliorer notre vie.
6) Tout ceci implique l’utilisation de la technologie afin de faire des mesures, des observations et des analyses. Ce domaine est également très important car les interactions avec l’industrie peuvent être nombreuses.
7) Pour faire tout ceci, des infrastructures de recherche sont nécessaires. Auparavant, il n’y avait que des bateaux ; de nos jours, il y a des satellites, des sondeurs et des engins sous-marins de toutes sortes. La question qui se pose dorénavant concerne la façon d’utiliser cet équipement car si le coût entraîné par celui-ci ne cesse d’augmenter, les fonds initialement destinés à la recherche eux ne vont cesser de diminuer proportionnellement.
Les dimensions européennes et sociales comportent deux aspects. Le premier est la communication qui implique une dimension égoïste car si l’on comprend mieux l’importance des sciences marines, il est fort probable que de l’argent sera versé à ce domaine scientifique en particulier. Il faut ainsi responsabiliser les scientifiques afin qu’ils fassent connaître au grand public leurs découvertes. Si l’on s’intéresse au développement et à la conservation, il faut d’abord sensibiliser le grand public. Pour ce qui est de l’éthique, on ne peut pas faire tout ce que l’on veut avec nos dernières frontières naturelles. Il existe des risques associés à l’exploitation de ces ressources naturelles comme par exemple dans l’aquaculture ou la modification génétique des espèces. Tout ceci peut entraîner des conséquences que l’on ne connaît pas suffisamment bien. De même, les expériences menées peuvent avoir des conséquences. Vous avez peut-être entendu parler du débat qui anime les États-Unis et qui concerne les conséquences éventuelles des expériences sismiques sur les mammifères marins. Il est important de bien connaître les écosystèmes car une fois qu’on les connaît, on peut mesurer à quel point ils sont sensibles aux perturbations de toutes sortes.
Il est capital de faire toutes ces recherches en collaboration. En Europe, les compétences sont présentes dans de nombreux pays et il est préférable de joindre les efforts de tous afin de se lancer dans des recherches. En partageant les infrastructures, on peut arriver à des résultats bien meilleurs.
De nombreux océans se trouvent dans des espaces où les pays en développement ont leur juridiction. Il faut, non seulement par obligation morale, mais également obligation économique, aider ces pays à exploiter leurs ressources naturelles de façon durable.
Les problèmes actuels ne concernent pas le financement, mais plutôt le nombre de scientifiques qualifiés dans ce domaine. Il faut faire des sciences marines un sujet attrayant afin de pousser la jeune génération à s’y intéresser.
Nous devons nous intéresser à l’industrie de la pêche et l’aquaculture car, comme vous le savez, certaines espèces sont menacées de disparition, non seulement près des côtes, mais également en haute mer où celles-ci sont plus vulnérables, prennent un temps certain pour se développer. Ceci implique que deux branches qui d’habitude ne communiquent pas réellement entre elles, à savoir la communauté chargée de la recherche au niveau de la pêche et la communauté chargée des sciences marines, doivent s’unir. Il faut également surveiller les hydrates de gaz et autres ressources naturelles des océans. Il faut absolument comprendre les conséquences qu’engendrerait l’exploitation de ces ressources. De même, il faut analyser les cycles du vent et des vagues pour se rendre compte des conséquences à grande échelle de l’utilisation de ces ressources renouvelables.
De plus, nous devons prendre en compte les sciences socio-économiques. Quelle valeur les gens attribuent-ils à la mer ? Quelles sont leurs sentiments par rapport à celle-ci ? L’un des buts principaux du Comité pour la Science Marine est d’attirer des sociologues et des spécialistes de l’économie compétents afin qu’ils travaillent au sein de la communauté scientifique marine traditionnelle.
Comment passer des recommandations à l’action ? Le niveau principal est le niveau national car le plus gros de l’argent est pour les sources nationales. Nous devons ainsi réfléchir aux moyens et aux possibilités de rapprochement des communautés scientifiques nationales. Le développement de programmes en collaboration permettrait d’établir des discussions quant à l’échange et l’utilisation des infrastructures de recherche des uns et des autres. Ceci a déjà été fait par les pays importants pour les gros bateaux tandis que les petits bateaux ne sont pas utilisés de manière efficace.
L’Union européenne a déjà fait un travail colossal en renforçant la coopération. Les sciences marines traitent de problèmes qui touchent la terre entière et nous devons être conscients que l’Europe doit être intégrée à l’activité de la recherche au niveau mondial. Par exemple, le CLIVAR est un programme mondial qui rassemble toute la communauté scientifique afin d’identifier les questions prioritaires. Ceci a permis d’établir un programme de recherche attesté par les scientifiques du monde entier. L’étape suivante fut d’étudier la meilleure manière de mettre en place ce programme notamment d’un point de vue financier. Une campagne a été lancée par la suite et a abouti à un accord passé entre les principaux organismes de financement de la recherche.
La ESF est une organisation non-gouvernementale qui rassemble des organismes tels que le CNRS, l’Ifremer et la NWO. Elle se compose de 29 Pays membres et 70 organismes qui essaient de rassembler les diverses activités de recherche nationale.
Dans quelle direction va la science ? Comment utiliser les compétences dont dispose l’Europe ? Des ateliers préparatoires sont un moyen de rassembler rapidement les scientifiques les plus compétents afin de développer des programmes de recherche en collaboration. Ceci peut éventuellement être par la suite soumis à un financement national.
Le COST a été créé sur l’initiative de l’Union européenne qui l’a ensuite transmis à l’ESF. Il s’agit d’un programme constitué d’un certain nombre de réseaux et qui se charge de soutenir financièrement les chercheurs afin qu’ils échangent leurs résultats. Les programmes scientifiques de l’ESF rassemblent les activités importantes de recherche nationale dans certains domaines et apportent l’argent nécessaire à ce rapprochement. Enfin, l’ESF a contribué au développement d’un nouvel instrument appelé EUROCORES : le réseau européen de coopération pour la recherche. Ce programme permet aux scientifiques de certains pays européens de se rassembler et décider de se pencher sur un problème en particulier. Euromargins, par exemple, est un programme qui étudie les marges océaniques. Les projets ont été présentés à une commission scientifique, ont été révisés au niveau européen, puis le projet le plus prioritaire a été soumis aux organismes de financement. L’ESF organise la phase de révision et apporte l’argent nécessaire à l’établissement des réseaux.
Nous devons faciliter la coopération européenne plutôt que de la compliquer. Aujourd’hui, nous avons tous nos propres procédures de proposition, de révision, nos propres délais et il est devenu difficile de travailler avec un collègue d’un pays étranger. Ce n’est pas la meilleure façon de promouvoir la coopération européenne. La simple notion d’Europe devrait suffire à faire comprendre qu’il faut joindre nos forces pour travailler ensemble de manière efficace. Dans ce sens, l’ESF a développé un concept appelé Marinera, l’espace de recherche marine européenne, dont le but est de promouvoir le travail en coopération. Nous devons établir de nouvelles stratégies pour mettre en place des programmes en coopération.

Contacts ESF :
Président : Professeur Jean-François Minster
Secrétaire : Docteur Niamh Connolly (Strasbourg)
Site de l’ESF : www.esf.org/marineboard





Mis à jour le 30 janvier 2008 à 10:31