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Maîtrise de l'environnement : "une préoccupation de tous les instants pour une société de services pétroliers comme Schlumberger

Hervé Anxionnaz, Schlumberger, membre de l'AFAS, EUROGIF European Oil&Gas Industry Forum

Biographie :

ANXIONNAZ Hervé

Compte rendu :

Voir la vidéo de Hervé Anxionnaz


Transcription :

8 novembre 2003 TR4


Discours de Hervé Anxionnaz



Je vais essayer de vous expliquer comment, au sein d’une société comme Schlumberger, on intègre la dimension environnement. Je suis directeur engineering pour completions, completions signifiant la construction des puits qui est un petit domaine de Schlumberger.
Schlumberger est une société de services qui assiste les compagnies pétrolières dans leur travail de tous les jours pour prospecter et mettre en production les réservoirs pétroliers. Nous intervenons à différents niveaux : la prospection qu’elle soit sismique ou autre, la construction des puits, les mesures dans les puits, la gestion des réservoirs, l’optimisation et le contrôle de ces réservoirs, l’amélioration des performances et, en fin de vie, l’abandon des puits.
Dans les années 50, Henri Doll, le gendre d’un des fondateurs de Schlumberger, a donné la philosophie globale de la société, à savoir que notre rôle, notre mission est d’anticiper sur les besoins des compagnies pétrolières et ce faisant, on ne devrait pas avoir à se faire de souci pour notre futur. Ce que nous avons anticipé depuis de nombreuses années, c’est le fait que les opérateurs pétroliers allaient prendre conscience du rôle de l’environnement et que nous devions développer des services qui intégreraient cette dimension, donc des services qui étaient en mesure de minimaliser, de décroître le risque pour l’environnement et je crois que c’est ce que nous avons fait et c’est ce que je vais essayer de vous démontrer.
Très rapidement et très schématiquement, il faut comprendre que lorsqu’un fore un puits dans le sous-sol, on va détruire un équilibre existant parce qu’on va mettre en relation des couches qui contiennent des fluides à différentes pressions et que celles-ci n’étaient pas en relation au préalable. Elles vont être également mises en relation avec la surface qui, dans certains cas, peut être le fond de la mer. Toute la problématique de la construction des puits est de maintenir, dans un premier temps, et de rétablir cet équilibre. On rétablit cet équilibre par l’intermédiaire des tubages en métal que l’on place à l’intérieur du forage. Un forage ressemble grossièrement à une longue-vue ou à une canne à pêche qui serait déployée dans le sous-sol. Ensuite, on restitue l’isolation en injectant un coulis de ciment à la périphérie par pompage à l’intérieur du tube et on le fait remonter dans l’espace annulaire. Le rôle de ce ciment est de maintenir, de rétablir l’isolation hydraulique, de supporter le poids de la colonne de métal que l’on met et de prévenir la corrosion, donc ce ciment a un rôle extrêmement important parce que c’est lui qui va assurer l’intégrité du puits.
Il y a un certain nombre de contraintes qui sont liées à l’utilisation de ce ciment. La première est que l’on doit le pomper, donc on doit partir d’un laitier qui est pompable et le retarder de telle façon qu’il ne prenne pas dans les tiges, mais uniquement où on veut. On doit faire en sorte également que ce laitier ne se décompose pas en différentes phases, que l’on n’ait pas les solides d’un côté et les liquides de l’autre. Ces différentes opérations sont faites grâce à l’utilisation d’adjuvants qui sont, en général, des produits chimiques. Or, il n’y a pas d’opérations pétrolières qui n’aient pas de risques d’une part et d’autre part, dans les premières phases de la construction du puits, le ciment revient à la surface du sol ou au fond de la mer, donc on a à faire face à un problème relativement grave qui est de faire en sorte que les produits chimiques que nous utilisons aient un effet faible, voire nulle, sur les espèces. En Europe, il y a des pays qui ont été précurseurs dans leur législation, notamment les pays de la Mer du Nord, qui ont montré le chemin et qui ont mis en place une législation très précise en ce qui concerne l’utilisation des produits chimiques. Elle diffère un petit peu si l’on parle de la Norvège ou du Royaume-Uni, mais elles ont toutes en commun le fait de tester trois propriétés. Tout d’abord, de tester la toxicité sur un certain nombre d’espèces qui sont soit le plancton, soit les algues, les poissons et les organismes fouisseurs. De tester également l’action au niveau de la bio-accumulation dans les organismes et finalement de tester leur capacité à se dégrader rapidement sous l’influence des bactéries. Ces critères sont relativement restrictifs. Sans rentrer dans les détails, on doit avoir une dégradation qui soit supérieure à 20 % au bout de 28 jours dans l’eau de mer ; on doit avoir un potentiel de bio-accumulation qui soit quasi nul et on doit avoir une toxicité sur les différentes espèces qui intervienne uniquement pour de fortes concentrations supérieures à 10 mg/l et l’index LC 50 ou EC 50 correspond à la quantité ou à la concentration qu’il faudrait pour tuer 50 % d’une telle population. Puis, il y a un certain nombre de produits qui font partie d’une liste de produits, non nocifs pour l’environnement, à l’état naturel, et qui ne posent pas problème. Au niveau de Schlumberger, très tôt dans le développement de nos produits, nous faisons en sorte de n’utiliser que des composants qui répondent à ces critères, ce que nous avons fait au cours des dernières années.
Auparavant, dans l’ancienne classification en mer du Nord (graphique), les produits étaient classés en cinq classifications : A, B, C, D et E. Les produits A, B sont des produits très nocifs, C produits moyens, D acceptables et E, critère présenté précédemment. Nous avons fait en sorte d’éliminer quasiment tous les produits se trouvant dans ces classifications et de n’avoir qu’une offre de produits chimiques dans la classification E, à savoir ceux qui ne sont pas nocifs et préjudiciables pour l’environnement. Ces critères sont les plus sélectifs existants dans le monde actuellement et ce sont ceux que nous appliquons et que la plupart des opérateurs pétroliers demandent maintenant (Canada, golfe du Mexique, Brésil…).
Je vous ai parlé des coulis de ciment qui doivent être pompés. Ceux-ci doivent avoir en fait un certain nombre de propriétés. On doit pouvoir contrôler la densité, la viscosité. Pour contrôler la densité et la viscosité, soit on utilise des produits chimiques, soit on ajoute de l’eau. Les produits chimiques ne sont pas trop appréciés parce qu’on doit faire un certain nombre de tests. L’eau a des effets induits qui sont préjudiciables également pour l’environnement, à savoir que si l’on ajoute de l’eau, on a une gaine de ciment qui a des propriétés mécaniques médiocres ou de moindre qualité et surtout on a une très grande perméabilité, ce qui veut dire que la gaine de ciment, une fois qu’elle est en profondeur, va être exposée à des eaux fortement chargées en ions, à forte pression et à forte température, c'est-à-dire qu’elle ne va pas résister très longtemps et l’on va avoir rapidement des fuites qui vont se former dans la gaine de ciment. Qui dit fuites dit des hydrocarbures qui vont pouvoir tranquillement remonter jusqu’à la surface !
(Expérience de travaux pratiques)
Mélange d’eau pour préparer un coulis de ciment, avec un certain nombre de particules solides et obtention d’une pâte. À cette pâte sont ajoutés d’autres solides. La granulométrie est légèrement inférieure à la précédente. Le mélange devient plus fluide. Une troisième taille de particule encore plus fine est ajoutée. On obtient alors un fluide qui peut être facilement pompé dans le puits et qui contient plus de 50 % de particules solides. Les propriétés mécaniques sont essentiellement liées à la proportion de particules solides mises dans le coulis de ciment. C’est une garantie d’isolation et d’excellentes propriétés mécaniques de la gaine de ciment, donc on peut très bien contourner les problèmes. Il n’y a donc pas que l’approche chimique qui soit souhaitable, on peut obtenir les propriétés que l’on veut en utilisant aussi des propriétés physiques. C’est aussi une façon, à Schlumberger, de gérer ce genre de problème.
Malgré tous nos efforts, il faut savoir qu’il y a un peu près dans le monde entre 40 et 60 % des puits qui fuient. Ça dépend énormément des opérateurs pétroliers, tous ne vous le diront pas mais on le sait, les organismes législateurs le savent et certains commencent à se pencher sur ce problème. Nous avons mis en place des techniques pour détecter la présence de ces fuites qui sont en général des techniques acoustiques. On utilise des capteurs acoustiques passifs qui nous permettent de localiser l’origine de la fuite et une fois qu’elle est localisée, on perfore l’ensemble gaine de ciment et cuvelage en acier et on injecte sous pression des coulis de ciment avec de très fines particules qui vont avoir un pouvoir de pénétration très grand et qui vont permettre de réparer la fuite. Ces techniques commencent à être mises en œuvre dans des pays comme le Canada, le MMS (Mineral Management Services) qui contrôle ce qui se passe d’un point législatif au niveau des puits pétroliers et commence également à se poser le problème pour le golfe du Mexique et c’est une tendance que l’on voit arriver un petit peu partout, c’est pourquoi l’on a commencé à travailler sur ces problématiques. La solution idéale qui commence à se mettre en place actuellement, c’est le positionnement de capteurs permanents dans la gaine de ciment qui sont reliés sur la tête de puits et sur la surface par des fibres optiques. Le but de ces capteurs est de mesurer soit les variations de pression, de pH, de résistivité aux abords des capteurs pour traquer l’évolution des fronts entre les différents liquides et donc le but, c’est d’informer les opérateurs de l’état du puits et de l’état de la gaine de ciment.
On a également travaillé sur le problème des brûleurs. C’est un projet qui a été financé par la Communauté européenne sur lequel nous avons travaillé en partenariat avec l’IFP. Lorsqu’on trouve un réservoir pétrolier, on le met en production. Lorsqu’on met en production un puits pour le tester, en général, on ne sait pas s’il va produire suffisamment, donc on n’a pas l’infrastructure nécessaire pour récolter la production. Historiquement, tout cela était rejeté à la mer. Ensuite, on a commencé à brûler ce qui sortait, un mélange d’huiles, d’eau et de gaz qui ne brûle pas bien, avec beaucoup de retombées à la mer. Donc on a trouvé des techniques pour améliorer la forme des brûleurs et, finalement, on a travaillé sur ce type de brûleur (image) qui décompose la flamme en plusieurs secteurs comme un pétale et on a optimisé, grâce à une modélisation numérique, le mélange carburant/comburant, c'est-à-dire que grâce à la turbulence du flux, on arrive à prendre énormément d’air à l’extérieur et à l’insuffler à l’intérieur de la flamme, ce qui fait que la combustion est presque parfaite. Ces types de brûleurs sont maintenant installés sur la plupart des plates-formes qui se trouvent en mer du Nord et sur de nombreuses plates-formes au large du Brésil. C’est un projet qui est né d’une initiative européenne avec un partenariat et qui se trouve maintenant utilisé un peu partout dans le monde, surtout en mer du Nord.
Le problème de la combustion m’amène à vous parler des initiatives sur lesquelles Schlumberger est en train de s’impliquer. Schlumberger est le partenaire de Exxon Mobil, de Toyota et de General Electric sur un projet qui s’appelle Global-Climate-Energy Project, géré par l’université de Stanford et le but de ce projet est de définir un portefeuille de recherches d’application dans des domaines aussi variés que la capture et le stockage du CO2 mais également l’utilisation d’autres énergies comme la biomasse, l’hydrogène, de retravailler sur le nucléaire et également sur les problèmes de combustion. C’est un projet relativement vaste dont l’objectif est de créer un réseau de recherches mondiales qui sera animé par Stanford.
Nous travaillons également en partenariat avec Chevron et Texaco sur les problèmes de séparation du CO2 puisque avant de le stocker, il faut pouvoir le séparer et le concentrer, donc on travaille sur des membranes sélectives et finalement nous sommes engagés sur des projets sponsorisés par Schlumberger, Total et l’IPG sur les problèmes liés à la géochimie, la création de nouveaux minéraux et sur ce qui se passe lorsqu’on réinjecte du CO2 dans des réservoirs qui contiennent des solutions salines ou pas, mais qui provoquent un certain nombre de réactions, compte tenu de la température et de la pression ambiantes.
J’espère que je vous ai fait prendre conscience que l’industrie pétrolière n’est pas uniquement une industrie pollueuse mais c’est aussi une entreprise qui se veut responsable et qui essaie d’intégrer dans les développements, et cela très tôt au niveau du développement, les contraintes liées à l’environnement. D’autre part, Schlumberger entend être un partenaire de choix dans toutes les initiatives liées au stockage du CO2 et la recherche d’énergies alternatives. C’est un mouvement qui est en train de démarrer. Nous sommes, bien entendu, très demandeurs et très preneurs et nous sommes prêts à mettre notre connaissance du sous-sol et des réservoirs pétroliers, en particulier à la disposition de la communauté scientifique.

Armel Kerrest :
Nous parlions ce matin du problème de la recherche. À travers l'excellente présentation que vient de faire Monsieur Anxionnaz, nous avons un exemple, on ne peut plus simple, on ne peut plus évident, de l’utilité de la recherche. On aurait pu faire comme toujours, c'est-à-dire mettre un solvant, un produit chimique qui aurait permis de liquéfier les produits. Monsieur Anxionnaz a montré qu'une étude plus poussée donne une solution qui est beaucoup plus élégante et surtout non polluante, c'est-à-dire qu’on va simplement modifier la granulosité du mélange, on obtiendra grâce à cette modification quelque chose qui sera absolument non polluant. On peut dire qu'au fond, au lieu d'ajouter un produit chimique, on a ajouté de la matière grise. C’est un exemple frappant et extrêmement intéressant de l’utilité de la recherche pour régler et contourner les problèmes.
En qui concerne le problème de la position des entreprises, en particulier pétrolières, le grand public a souvent une opinion inquiète ou défavorable. Je suis tout à fait persuadé que la plupart des entreprises sont bien conscientes du problème. Le problème que nous avons, en tant que juristes, c’est de faire que ces entreprises vertueuses soient favorisées par rapport aux entreprises non vertueuses. C’est là que le cadre juridique est utile. Si on ne met pas un cadre juridique qui soit favorable aux entreprises vertueuses, elles ne pourront pas être vertueuses et la concurrence fera que les entreprises les moins vertueuses obtiendront les marchés.

Hervé Anxionnaz :
L’intégration de ces contraintes a un coût et ce coût doit être d’une certaine façon partagé. On est dans cette problématique où le législateur doit intervenir pour forcer les opérateurs pétroliers à utiliser ces technologies qui sont quelquefois plus chères que d’autres, quelquefois moins chères.






Mis à jour le 30 janvier 2008 à 11:27