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2003 : Les mers , un océan de richesses ? > Conclusion de Jean Francheteau >  Conclusion et synthèse

Conclusion et synthèse

Jean Francheteau, Président du Comité Scientifique et d'Organisation

Compte rendu :

Voir la vidéo de Jean Francheteau


Transcription :

8 novembre 2003 Clôture


Conclusion et synthèse de Jean Francheteau

Pendant ces deux jours, les débats ont été très riches, trop riches sans doute pour être résumés. Je vais apporter quelques points, quelques réflexions en guise de conclusion. Le premier point, c'est que tout le monde a perçu, je pense, qu'il faut voir l'océan comme un objet global où tout est connecté. L'océan est également fragile. C'est un domaine qu'il faut respecter. L'océan est aussi en 2003 largement inconnu. On parlait aux 17e-18e siècles de « terra incognita », je crois qu'on peut parler de « mare incognita », s'agissant surtout de tout ce qui concerne la vie, ou les grands fonds. On connaît bien sûr avec beaucoup plus de détails tout ce qui concerne la surface des océans. L'océan enfin, et cela a été dit pendant ces entretiens, est la dernière frontière à la surface de notre Terre qui permettra encore de faire de grandes découvertes qui seront, j'en suis sûr, nombreuses dans les années futures.
Le deuxième point est celui de l'éthique. Faut-il laisser l'éthique aux philosophes, leur domaine naturel ou faut-il laisser l'éthique uniquement aux politiques ? On a tendance à dire que les problèmes éthiques sont les problèmes des politiques. Je pense que les scientifiques doivent s'emparer également du débat éthique, chacun pour soi, entre eux et pour ceci, les scientifiques, dans l'éthique, ont un rôle important qu'ils ont tendance, je pense, à sous-estimer. Peut-être une manière pour les scientifiques de jouer un rôle dans l'éthique, c'est le rôle de communicant. Il faut qu'ils disent ce qu'ils pensent, sans entrave. Il faut qu'ils communiquent leurs recherches. Il faut qu'ils fassent écho ou qu'ils donnent parole ; le devoir de parole, c'est le thème de Science et Éthique. Il faut qu'ils parlent de leurs inquiétudes, on l'a vu avec les coraux profonds, avec les hydrates, les problèmes de séquestration du CO2.
Le troisième point est que si l'on veut gérer l'environnement pour en exploiter ses ressources, cela nécessite des connaissances. Il faut donc investir massivement dans la matière grise, c'est cela qui manque le plus. Former des spécialistes, ce qui a été dit par John Marks par exemple. Leur permettre de travailler. Faut-il dire, mais c'est une banalité, qu'il faut pouvoir leur fournir du temps à la mer, c'est-à-dire qu'ils puissent embarquer sur des bateaux, tout ne peut pas se faire à partir des satellites même si l'on fait des choses extraordinaires avec ceux-ci. Toute la panoplie doit être utilisée et les navires ne doivent pas rester à quai comme c'est le cas beaucoup trop avec une tendance lourde actuelle à diminuer le temps navire. Il faut permettre à ces meilleurs spécialistes de conduire des recherches innovantes, de pouvoir s'exprimer avec leurs idées, leur donner confiance, leur permettre de proposer des choses nouvelles et favoriser les recherches qu'on appelle en jargon anglo-saxon « bottom-up », mais John Marks nous a rassurés, l'Europe se préoccupait de fournir des moyens et de financer des recherches individuelles.
Le quatrième aspect est l'acquisition de données sur cet océan global qui impose, nécessite au minimum une échelle européenne et souvent même une échelle qui dépasse le cadre de l'Europe. C'est le cas pour l'océanographie dite opérationnelle. Si maintenant on revient à une lecture par discipline mais je vais donner juste quelques exemples dans trois disciplines, en schématisant beaucoup et on peut ne pas être d'accord avec la schématisation que je vais faire. Par exemple, en océanographie physique, il y a de nombreux programmes et de grands programmes internationaux. Les satellites, en particulier, permettent des études synoptiques, des études globales de l'océan. Aujourd'hui, en océanographie physique, l'inquiétude ou le besoin que le citoyen et donc les politiques ressentent sur la connaissance du climat et le problème de régulation du climat et des événements climatiques d'un climat changeant, est un moteur très puissant pour toute cette recherche en océanographie physique qui peut conduire ces grands programmes. En biologie marine, je pense que les biologistes qui sont dans la salle seront d'accord avec moi pour dire que l'inventaire de la biodiversité reste à faire. Par exemple, dans le cas des micro-organismes dans les sédiments marins, il y a des espèces en très grand nombre qui sont complètement inconnues. Un inventaire peut être fait, il doit être fait. Existe-t-il des collaborations internationales dans le cadre de la biologie marine ? J'ai mis des points d'interrogation, je m'interroge. Existe-t-il des grands programmes de biologie à l'instar des programmes d'océanographie physique ? J'ai également mis des points d'interrogation, c'est peut-être par ignorance parce que ce n'est pas ma discipline. Le moteur principal que je vois pour la biologie marine, actuellement, c'est la biotechnologie, l'intérêt que peuvent avoir le citoyen, les politiques pour développer des nouveaux remèdes ou des nouvelles substances à partir de ces espèces inconnues. Par exemple, dans le cas des recherches sur les faunes hydrothermales, il y a eu des retombées directes dans tout le domaine de la biotechnologie. En géosciences marines, la géologie, la géophysique, la géochimie, il y a un grand programme en cours actuellement qui continue et qui vient de redémarrer au 1er octobre 2003 qui est le grand programme de forages océaniques dans tous les océans du monde. Il ne faudrait pas que la France s'en désintéresse même si on sent dans la communauté scientifique française une certaine lassitude, une certaine tiédeur. C'est un programme qui devient de plus en plus lourd, de plus en plus cher. Il faut que des équipes françaises, des jeunes chercheurs s'investissent à fond dans ce grand programme de forage parce que je pense que c'est le seul grand programme en géosciences marines aujourd'hui. Le moteur des géosciences pour la société est l'intérêt de récupérer des ressources minérales ou des ressources énergétiques. Pendant longtemps, le moteur des géosciences marines a été un moteur fondamental : connaissance de la dynamique du globe, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, en tout cas s'agissant de l'étude des océans. C'est maintenant le devoir ou l'intérêt de récupérer des substances ou des réserves d'énergie : pétrole, gaz, hydrates, etc.
Le dernier point : à qui appartient la mer ? C'était le titre d'ailleurs d'un article d'un ancien PDG d'Ifremer dans une revue de vulgarisation. Je pense que la mer appartient à tous. Il faut absolument préserver la notion de patrimoine commun de l'Humanité qui peut se réduire à une peau de chagrin ou se réduire comme peau de chagrin si on n'y prend garde. Connaître les océans, les exploiter de façon durable, les protéger, je pense que cette trilogie doit rester au cœur de nos réflexions.
Science et Éthique, c'est le concept que Brigitte Bornemann-Blanc et son équipe ont lancé pour ce type d'entretiens et cela a le grand avantage de faire réfléchir les gens : d'habitude, on convoque des scientifiques qui discutent de sciences, on convoque peut-être des philosophes pour parler d'éthique, on convoque rarement des gens qui vont discuter, on rapproche rarement des communautés différentes pour avoir une vision plurielle des phénomènes ou des problèmes. Je crois qu'il faut saluer cette initiative que, tous les ans, de manière régulière et maintenant depuis 7 ans, à Brest, on fasse venir des gens pour discuter de ces problèmes de science et d'éthique sur des thématiques de pointe, des thématiques différentes qui changent annuellement. J'ai cru comprendre que les prochaines années vont être encore consacrées aux océans sur des thématiques complémentaires de cette année. Je voudrais pour terminer dire un grand merci à Océanopolis qui nous a fourni un cadre remarquable pour ces entretiens, un grand merci à Brigitte Bornemann-Blanc qui est l'âme de ce concept de Science et Éthique et à toute son équipe et merci à vous tous qui êtes venus consacrer une partie de votre week-end à réfléchir à ces problèmes de science et éthique.





Mis à jour le 30 janvier 2008 à 11:53