logo entretiens Energies de la mer bandeau entretiens Science et Ethique
M E N U

Année :



Veilles internationales
Informations du 29/03/2024

Energies de la mer
www.energiesdelamer.eu

energiesdelamer.eu vous souhaite un bon week-end de 15 août


2001 : Internet, la substantifique toile : science en jeu et jeu de pouvoirs ? > TR 2 : Conditions techniques, juridiques, culturelles et économiques pour une communication équitable sur le réseau >  Discours de Philippe Quéau : Réglementation des contenus, régulation économique

Discours de Philippe Quéau : Réglementation des contenus, régulation économique

Directeur de la division de la société de l'information à l'UNESCO, Paris

Biographie :

QUEAU Philippe

Compte rendu :

Transcription :

19 octobre 2001 TR2


Discours de Philippe Quéau



Il faut distinguer la réglementation des contenus et la régulation économique sur Internet.
Sur la réglementation des contenus, la loi française entre en conflit avec la loi américaine. Des sites nazis sont autorisés aux États-Unis, parce que le premier amendement garantit la liberté d’expression la plus totale possible. En France, une loi condamne ce type de sites. Qui peut trancher, qui peut dire le bon droit en la matière ? Autre est le problème de la régulation économique. Il s’agit par exemple de la loi anti-trusts qui condamne les monopoles de facto dans le domaine du logiciel (cf. l’affaire Microsoft) ou des infrastructures. Contrairement à ce que l’on dit toujours sur la nature multipolaire d’Internet, il y a aujourd’hui un centre mondial, un “ hub ” de l’Internet à l’échelle globale, par lequel transite le trafic Internet du reste du monde. Ce “ hub ” est aux Etats-Unis. En théorie, on nous dit qu’Internet est complètement décentralisé et multipolaire. En pratique, et à l’échelle mondiale, c’est faux. Récemment, en Europe, le centre effectif de commutation du trafic Internet intra-européen était en Virginie : la plupart des liaisons Internet entre Paris et Londres ou entre Paris et Francfort passaient par les Etats-Unis ; cela coûtait moins cher de faire deux fois la traversée transatlantique, que d’établir des liaisons Internet directes entre les pays européens... C’est seulement récemment que les opérateurs ont commencé à comprendre qu’il fallait installer des dorsales intra-européennes.

Examinons une carte du trafic mondial(1). A la fin de l’année 2000, on évaluait le trafic Internet entre les Etats-Unis et l’Europe à 50 milliards de bits par seconde (50 Giga-bits/sec), et le trafic entre les Etats-Unis et l’Asie à 20 giga-bits par seconde. En revanche, entre l’Europe et l’Asie, le trafic Internet est presque nul. Pour le reste du monde, l’Amérique Latine, l’Afrique, le trafic est aussi considérablement moindre. Donc les Etats-Unis sont désormais devenus le point de passage obligé du trafic Internet mondial. Cela pose un vrai problème de régulation des grandes autoroutes de l’information. Dans le domaine des réseaux prévaut la loi des rendements croissants. Plus les réseaux sont puissants, moins ils coûtent cher, et plus ils attirent du trafic. Cette loi des rendements croissants permet aux plus forts de s’arroger des monopoles. Le danger est très réel. Le seul contrepouvoir est la régulation politique. C’est ainsi que le numéro 1 mondial d’Internet (WorldCom) avait décidé, il y un an, de racheter le n° 3 (Sprint). Cette opération lui aurait assuré la maîtrise de plus des deux tiers de l’infrastructure physique d’Internet dans le monde. Heureusement, Mario Monti (2) et le département fédéral de la justice aux États-Unis ont pu empêcher cette fusion, en application de la loi anti-trust américaine et des dispositions anti-trusts du traité de Rome.


Les problèmes de régulation (économique) sont différents des problèmes de réglementation (relatifs aux contenus). Il faut distinguer ces deux niveaux :
_ se demander quels sont les contenus licites, et selon quelles valeurs, quel droit et quelle justice, à l’échelle mondiale ;
_ et comment réguler économiquement les phénomènes de rendements croissants que l’on observe dans le monde des réseaux ou du logiciels.

Si on veut éviter que les puissants ne le soient toujours plus, il faut une régulation politique intelligente. Qui va décider de cette régulation ? L’ Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les Nations unies, un comité mondial de la concurrence ? Ces questions sont ouvertes.


(1) Voir par exemple http://www.telegeography.com
(2) Mario Monti est le commissaire européen à la concurrence






Mis à jour le 04 février 2008 à 11:16