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1999 : de l’animal à l’homme > TR 1 : Qui mange quoi? >  Débat de la table ronde 1

Débat de la table ronde 1

Adolphe Thomas, Président de l'AFAB
Joseph Pennors, éleveur CFDT
Tristan Corring, NASA INRA
Elisabeth de Fontenay, philosophe
Jean Le Vourc'h, Président du Groupe EVEN

Compte rendu :

Transcription :


22 octobre 1999 débat TR1


Débat :


Femme :
On se doit de souligner le problème de la communication entre les scientifiques, les producteurs et les consommateurs. Chacun reste dans son coin, par exemple la crise de la dioxine, ou autres a révélé une capacité à communiquer. Mais cette communication est-elle si évidente que ça ? D’autre part je voudrais demander si les éleveurs savent ce qu’ils donnent à manger à leurs animaux.

Adolphe Thomas:
La communication existe entre la recherche et les organisations comme l’INRA et l’ITSF. Que les crises aient pu mettre l’accent sur une insuffisance, c’est vrai mais on a à faire à des gens formés issus d’école d’agriculture, niveau BTS et qui savent de quoi ils parlent.

Joseph Pennors :
Les salariés en matière de communication ont un problème. Les salariés ont souvent connaissance de ce qui se passe. Comment soulever un certain nombre d’erreurs, de fautes lourdes, graves, sans voir le problème de licenciement ? Inaugurer dans le monde du travail le droit d’alerte et problème de la sanction. Prendre conscience de ce que l’on dit et ce que l’on écrit est particulièrement lourd de conséquences en Bretagne. Dans l’affaire de la dioxine, il y a un industriel qui a dérapé. mais de là à jeter le doute sur toute une filière, il y a des conséquences graves. L’exemple du lait cru, l’époisse, c’est un problème, mais certaines rumeurs auraient pu provoquer la mort du produit ou la mort de l’entreprise.

Tristan Corring:
Témoigner qu’entre les instituts de recherche et les différents professionnels, la communication existe. En terme de nutrition humaine, la communication n’est pas idéale, le consommateur n’est pas suffisamment informé, le consommateur est soucieux de la qualité de ce qu’il mange, il s’agit d’un processus d’éducation nutritionnelle.

Elisabeth de Fontenay:
Pour vous répondre, j’étais dans la situation d’introduire et de problématiser à la fois sur des questions d’élevage, d’alimentation, d’expérimentation animale et de génie génétique. Il y a une hétérogénéité de questions, vous pouvez bien comprendre que ce qui m’interpellait le plus, en tant que philosophe, c’était les affaires de génie génétique, beaucoup plus que les questions même d’expérimentation animale et beaucoup plus que l’alimentation. Deuxième chose : il faudrait arrêter de dire, nous sommes tous d’origine paysanne de près ou de loin, c’est pas faux, je le ressens aussi, mais qui nous ? Vous avez une façon de parler de la France qui est discutable. Permettez-moi de vous faire une leçon de politique, beaucoup de nos concitoyens sont d’origine étrangère et citadine et non rurale. Plus de 50% des Français ont une grand mère d’origine étrangère et très souvent les gens sont venus de la ville ou sont venus pour des raisons politiques et n’ont pas du tout cette origine rurale. Soit vous l’affirmez comme un fait et c’est faux, je ne veux pas imaginer que vous en fassiez une norme bien que je vous trouve très Bretagno-centré. Je me permets puisque vous avez la gentillesse de m’applaudir, je me permets de dire malheureusement, je n’ai pas les moyens d’avoir un argument plus précis, je dirige avec Alain Finkelkraut une revue qui s’appelle le “Messager Européen” et nous avons il y a à peu près cinq ans, interviewé l’un et l’autre avec Alain Finkelkraut qui n’est pas d’origine paysanne, le Secrétaire Général de la Confédération Paysanne ? Alain Finkelkraut et moi-même qui sommes très proches idéologiquement, philosophiquement, nous nous intéressons profondément à la ruralité et nous aimons la Confédération paysanne et cet homme est un éleveur de porcs, Messieurs Quéméré et Le Vourc’h, j’adorerais être vache chez vous, parce que vous êtes gentils avec les animaux, je ne vous accuse pas du tout de falsification et de mensonges. Je crois que vous parlez de votre pratique, mais enfin je rêve. Le fait qui est un label veau sous la mère, ça veut dire que c’est assez exceptionnel. Il ne faut pas faire passer votre pratique que j’admire, pour toute la pratique de l’élevage. Et si j’étais prétentieuse, je serais venue avec mon livre et je vous aurais fait lecture de trois pages de mon livre que je consacre aux vaches, que j’ai connues dans mon enfance en Normandie, dont je lavais le pie, j’apprenais à traire, les vaches n’ont plus à faire aux taureaux, vous parlez comme si nous n’étions pas en pleine industrie agro-alimentaire, comme si...

- En quoi est-ce répréhensible ?

- Je ne dis pas que c’est répréhensible mais je dis qu’il y a une mutation, peut-être que la vache est moins heureuse...On ne peut pas se mettre à la place.

Jean Le Vourc'h:
J’ai 52 ans j’ai quelques souvenirs des années 50, et je n’ai pas la nostalgie de ce temps. C’était le bagne. Le bagne ! J’ai fait des kilomètres, des centaines de kilomètres côte à côte avec mon cheval, ça tisse des liens, mais ça fait mal aux jambes ! C’était la misère dans nos campagnes et je ne parle pas du temps d’avant guerre, je ne parle pas de ce qui s’est passé dans les années 30. Pourquoi y-a-t-il moins de paysans aujourd’hui ? Mais parce que la vie était impossible.

- Je suis d’accord avec vous là-dessus, pas de nostalgie passéiste.

- Le problème, nous avons réalisé pour notre fédération, une sorte de micro-trottoir sur la perception par le consommateur de la qualité, de ses désirs et l’on a eu différents personnages. Il y a deux personnes qui nous sont restées particulièrement en mémoire c’est une brave grand mère marseillaise qui malgré son âge avait le souvenir du rationnement de la vie chère et de la mauvaise qualité. “Quand on achetait une douzaine d’oeufs, il y en avait deux qui n’étaient pas bons et c’était cher. ”.Une autre opinion que " les Français ne savent pas, avant on mangeait mieux et on vivait plus longtemps. "

Il y a des évidences qui nous interrogent, je les respecte beaucoup, nos concitoyens ont la nostalgie d’un temps qu’ils n’ont pas connu. C’est ravageur, la nature est hostile. Le problème de l’exploitant, c’est de bien distinguer.

- Est-ce qu’il n’y a pas une autre alternative ?

Elisabeth de Fontenay:
La Confédération paysanne me semble avoir une position parfaitement nette, parfaitement claire.

Jean Le Vourc'h:
La Confédération paysanne n’a pas le monopole de ce genre d’idées. Il importe pour un agriculteur de quelque obédience qu’il soit, qu’il gagne sa croûte. Alors la qualité, elle est diverse. Vous pouvez vous distinguer sur une façon de vendre votre produit. Ceci ne doit pas se faire au détriment de la qualité de vie du paysan. 70 H de travail pour un salaire de misère !

- Préciser que ce n’est pas forcément d’un côté 80 H par semaine dans la boue jusqu’au cou et de l’autre le laboratoire scientifique et la production industrielle...

Jean Le Vourc'h:
Le secteur automobile s’est adapté à la concurrence mondiale, il y a beaucoup moins d’intervenants sous la fabrication de voitures qu’il n’y en avait autrefois. Il s’agit de la même chose pour la nourriture, 80 000 litres de lait par an, c’est 160 000 francs de recettes. La restructuration dans le monde agricole n’est pas terminée, elle procède de cette idée là que par rapport à des coûts, par rapport à des prix qui sont quelque part imposés par le marché lui-même puisque vous avez des concurrents partout dans le monde qui sont meilleurs que vous, soit parce qu’ils font travailler des enfants, parce qu’ils ont des conditions sociales différentes, des conditions salariales différentes, (si on fait abstraction du fait qu’il faut se nourrir au meilleur coût à tout prix), il faut se préparer à l’idée que nous allons importer de plus en plus de denrées alimentaires dont nous n’aurons pas la traçabilité. Savoir comment elles auront été produites. Je voudrais réagir sur des propos qui ont été tenus tout à l’heure, ça mérite quand même d’être contée cette histoire de dioxine, le citoyen belge qui est dans la salle pourra l’affirmer ou le confirmer. Il y a des containers pour le verre, pour le carton, pour le papier et pour l’huile. Mon concitoyen belge est tombé à la renverse quand il a su que ces huiles-là étaient recyclées dans l’alimentation animale. Ces huiles ont donc été traitées, intégrées dans des processus de fabrication d’aliments du bétail. Ce ne sont pas des farines de viande animale. Ce sont des corps gras. On a tout confondu. Ce que je demande à un journaliste, c’est de connaître le sujet qu’il traite et de ne pas par amalgame, par facilité, par compréhension pense-t-il de son public, faire des raccourcis. Il s’agit de matières grasses mises dans l’alimentation animale. Ce genre de phénomène quand ça arrive, ça tombe sur la tête de l’éleveur sans qu’il n’y puisse rien alors on a décidé qu’il fallait mettre sous séquestre tout ce qui avait été fabriqué à partir de la viande, du lait etc...en attendant l’expertise. Mettez vous à la place d’un exportateur néo-Zélandais, il s’empresse d’aller voir nos clients en disant, voyez en Europe, vous avez un problème. Problème belge qui est devenu Français. Il faut fermer les frontières, trois mois après on n’a pas encore rouvert les frontières. On a constaté en tous cas sur les produits laitiers qu’il n’y avait aucun risque de quelque nature que ce soit.







Mis à jour le 05 février 2008 à 14:36