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1999 : de l’animal à l’homme > TR 5 : Les xénogreffes >  Discours de Michel Somville

Discours de Michel Somville

Chercheur et spécialiste des OGM, de bioéthique, d'écologie politique et de santé, membre du comité bioéthique belge

Biographie :

SOMVILLE Michel

Compte rendu :

Transcription :


23 octobre 1999 TR5


Discours de Michel Somville :


Je crois que dans l’état actuel des choses, le problème des xénogreffes met en lumière le fait que la problématique des dons d’organes pose vraiment des problèmes importants, surtout chez les donneurs. La pénurie d’organes déclarée partout, dans tous les médias est telle que l’on considère évidemment que chaque personne ici est potentiellement donneuse, sans lui demander son consentement, libre et éclairé. Ce consentement est très important, tellement important que le Conseil de l’Europe en a fait une priorité essentielle dans un texte qui traite des droits de l’homme et de la biomédecine et particulièrement dans le domaine du don d’organe. Il est exclu d’intervenir de quelques manières que ce soient sur un être humain si celui-ci n’a pas donné son consentement libre et éclairé. La législation belge, par exemple en la matière, est particulière puisqu’à priori tout le monde est donneur et pour ne pas l’être, vous devez faire une démarche, vers votre municipalité. Le consentement libre et éclairé semble un peu battu en brèche par notre société qui a l’air de laisser passer comme ça au dessus de la tête de tout le monde, que finalement on peut se passer de votre avis. Vous êtes un réservoir potentiel d’organes, vous n’êtes que des organes assemblés certes, vous êtes une banque biologiquement active et on peut à tout moment, en fonction des circonstances, en prélever chez vous, ça pose la propre perception que l’on a de son corps, de sa famille, ce qui ne veut pas dire que l’on n’est pas solidaire éventuellement d’un problème, d’une pénurie d’organes, on devrait pouvoir manifester, d’aucuns le font, qu’on est donneur, on participerait à une solidarité de dons d’organes. Dans l’état actuel des choses, vous êtes tous donneurs, c’est pourquoi il est important d’en débattre et de se faire sa propre leçon. Voilà, c’est pour la pression sur les donneurs. Sur les receveurs, étant donné qu’il y a pénurie, il y a donc un problème d’éligibilité. Qui va recevoir l’organe ? Qui ne va pas le recevoir ? Sachant que la science est capable de passer outre des problèmes de compatibilité immunologique, de compétence immunologique entre organes différents, de manière que l’on peut aller vers des prélèvements d’organes X, par exemple, et les transplanter chez une personne qui n’est pas tout à fait compatible. C’est ce qu’on fait, la rareté est tellement grande, même chez les personnes âgées, mon propos est rapide donc un peu caricatural, au nom d’une science qui est extrêmement spectaculaire, extrêmement mécaniste dans son fonctionnement. La tentation est grande de transformer toute opération de transplantation en opération extraordinaire sans bien montrer aussi que quelque soit l’avancée scientifique aujourd’hui, la personne qui reçoit l’organe est dans un état physiologique immunitaire quasiment nul, fragilisée à l’extrême. Donc où sont finalement les avantages individuels, les avantages sur le plan collectif, d’autant qu’on ne peut exclure, un risque de pandémie de transfert, de virus ou de rétrovirus silencieux dans le monde animal, une fois qu’il se retrouve dans un environnement humain. Humaniser, le virus deviendrait tout à fait actif, transmissible, et donc toucherait l’ensemble de la population humaine. On ne doit pas oublier l’histoire. On a eu le virus “Ebolla” ? On a le H.I.V., le Sida. Je pense que ce sont des éléments qui font que le passage d’une espèce à l’autre, d’un organe aussi humanisé soit-il, aussi modifié génétiquement pour qu’il tende à être le plus proche possible d’un organe humain sachant qu’il ne le sera jamais. Il y a une proposition du Conseil de l’Europe qui date de 1999, qui est de dire dans l’état actuel des choses, étant donné les problèmes éthiques qui se posent par rapport au donneur, par rapport à la société, au bénéfice global qu’elle peut tirer de ce genre de pratiques, il faut aller vers un moratoire, qui soit juridiquement contraignant et mondial. La Grande-Bretagne, les U.S.A., l’Espagne et la France ne souhaitent pas aller dans cette direction. Il y a un motif assez simple qui est évoqué, c’est le fait que le marché économique des dons d’organes du management des organes, est évalué par une société de courtage des U.S.A. à 6 milliards de dollars, ça représente un enjeu économique fondamental. Ce qui est intéressant, c’est de savoir, qui va gagner, la société avec la pluralité d’avis, ses questionnements éthiques, pas toujours simples, ou est-ce que c’est une dimension plus spectaculaire, plus économiste, là c’est vraiment un enjeu. J’ai l’habitude de dire, quand je parle de problème bioéthique, qu’il y a un principe d’insoumission qui doit être la règle. Ce qu’il faudrait commencer à se dire autour de nous, les éthiques ne peuvent se soumettre à des considérations matérialistes. Aussi spectaculaires soient-elles, on ne peut plus dans le siècle qui va venir, au nom de la citoyenneté, au nom du devoir de parole, on ne peut plus faire l’économie d’une réflexion fondamentale éthique, contradictoire. C’en est fini d’être soumis à la raison pure, à la pensée unique économique. On n’est pas que des machines et même si l’enjeu des dons d’organes est de prolonger la vie, l’important c’est peut-être de savoir quelle qualité de vie on va donner. Sincèrement, qu’ils nous disent vraiment, quelle est la qualité de vie des personnes qui sont aujourd’hui transplantées avec des organes plus ou moins compatibles avec leur propre système immunitaire. Il faut mettre ce problème à plat et pas simplement l’évacuer en une phrase, les dons d’organes c’est formidable. on va tout résoudre, on ne résout pas grand chose finalement.




Mis à jour le 06 février 2008 à 14:24