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1999 : de l’animal à l’homme > TR 5 : Les xénogreffes >  Discours de Dalil Boubakeur

Discours de Dalil Boubakeur

Recteur de l'Institut Musulman de la Mosquée de Paris, médecin

Biographie :

BOUBAKEUR Dalil

Compte rendu :

Transcription :


23 octobre 1999 TR5


Discours de Dalil Boubakeur :


Quand j’étudiais la biologie, nous avions comme professeur Jean Rostand qui greffait des pattes de grenouille et même avait été couronné pour cela, ça ne posait pas beaucoup de problèmes et on nous expliquait à l’époque que la biologie avait besoin de modèles animaux, que tout avait commencé par la connaissance de la physiologie humaine par les expériences de Claude Bernard, à propos du chien et que c’est ainsi qu’on avait découvert la fonction glycogénique du foie. Depuis les choses ont changé, un beau jour, en 1965 ou 1966, au Cap on a greffé un coeur d’homme chez un autre homme, ça a immédiatement ouvert le problème éthique, faut-il, ne faut-il pas le faire ? Est-ce bien nécessaire, est-ce bien raisonnable ? D’un bout à l’autre de tous les questionnements, à propos des techniques, des greffes et de tout ce qui touche à l’être humain, voilà les deux questions philosophiques, qui peuvent se poser. Si les xénogreffes et les transplantations ont rouvert le débat sur l’éthique qui avait déjà été ouvert à propos des transplantations, c’est ce rapport de l’homme à l’animal et quel est le point de vue spirituel qu’on peut avoir là-dessus. En tout état de cause, l’éthique biomédicale puisqu’on préfère ce terme-là, a posé au cours de ces dix, vingt dernières années, un certain nombre de principes. C’est que cette éthique, doit respecter la vie, et la vie humaine partout où elle se manifeste. Mais la vie on le voit, ne s’arrête pas au modèle humain, le principe de nécessité, dans certains domaines, lorsque le don d’organe posait des problèmes de prélèvement, faut-il, ne faut-il pas, étant donné tous des donneurs potentiels, faut-il l’exprimer, faut-il le refuser par avance, et bien dans certaines religions, comme la mienne, la greffe ou les transferts d’organes ont posé un certain nombre de problèmes. On a prévalu le principe de nécessité, d’utilité supérieure à l’inconvénient, c’est un principe qui court, enfin dans tous ces domaines, c’est le respect de la dignité humaine, qui se pose et cette dignité humaine, suppose effectivement le rôle de l’homme dans la nature, qui est une espèce de continuation de l’oeuvre créatrice, sachant que l’oeuvre du point de vue spirituel, l’oeuvre de Dieu est en même temps Création et en même temps conservation. L’homme est tenu, l’être humain de prolonger si on peut dire, d’améliorer les conditions de cette création, mais aussi d’en assurer la conservation et donc de ne pas en être prédateur inconscient de son environnement. Ce qui serait également pour lui une catastrophe. Tout cela va évidemment dans le sens, de l’amélioration de la santé, et des principes de la médecine que je vous rappelle, qui sont avant tout de prévenir, soulager et guérir. Et aussi ne pas nuire, primum non nocere, ne pas nuire à qui ? Au départ, c’était à l’homme, mais aujourd’hui, avec l’intervention du facteur du comparse animal dans cette thérapeutique-là, ne pas nuire, en ce qui concerne les animaux, c’est considérer des principes de droit de l’animal qui de ce fait se sont développés. Il faut réduire au maximum le nombre des animaux d’expérimentation, raffiner les protocoles d’expérimentation pour réduire toute souffrance inutile ou abusive et enfin remplacer chaque fois que c’est possible l’animal par un autre substratum ou un autre protocole que l’animal, ce qui fait que la législation d’aujourd’hui qui admet non seulement sur le plan spirituel mais encore sur le plan de la loi, que l’animal est un être sensible dont il faut respecter le mode de vie, le bien être, l’alimentation et qui est reconnu dans ses sensations de peur, d’angoisse, de stress en laboratoire qu’il faut au maximum éviter. Il y a une évolution de l’approche spiritualisée de cette vie animale, qui tient compte de cette nécessité, bien entendu. Les sévices, les abus, les brutalités, les cruautés, vous le savez, sont réprimés par deux articles. L’un du code pénal, article 511, condamne fermement les abus et l’autre l’article 276 qui s’oppose aux souffrances ou au manquement au bien être et là ça s’appliquera beaucoup plus à l’animal destiné à l’alimentation humaine. Avec toutes ces lois, l’animal est passé du statut de propriété de l’homme à celui d’un ayant droit. Ce n’est plus un objet, mais un être vivant, qui pose aujourd’hui avec les xénogreffes et les xénotransplantations, le problème de son statut par rapport à nous. Nous savons que la vie humaine est un don sacré de Dieu, qu’elle est irremplaçable, tout à fait protéger dans sa dignité, dans le respect de l’être humain et j’insiste sur le fait que la transplantation, il faut garder la notion de don d’organe, donner un organe est un acte, qui doit garder son côté sacré, son côté de charité. Les religions admettent que l’on donne ses organes parce que toutes les religions font de ce don, un acte de charité. Il est dit dans certain verset, quiconque donne une vie humaine...Le don d’organe est un don de charité et méritoire, mais en ce qui concerne l’aspect religieux de l’animal, c’est une création de Dieu, et l’homme doit donc poursuivre sa conservation et cette action créatrice de Dieu. La religion n’est pas opposée au fond à l’utilisation des extraits d’animaux pour le bien-être humain. Dieu a créé dans la nature, des êtres qui ont besoin de viande carnée. Lorsqu’on voit l’évolution de l’homme dans la préhistoire, on se rend compte qu’à partir de l’australopithèque, par exemple, le volume cérébral a énormément augmenté, à partir du moment où l’homme a découvert le feu et est devenu un chasseur et un carnivore, c’est clair, c’est une nécessité biologique, nous sommes créés comme ça. Et Dieu a mis les animaux à notre disposition, dans ce cadre raisonnable de l’évolution de l’espèce humaine, mais dans une évolution raisonnée et non pas délirante. La religion accepte. Le seul problème pour l’Islam et dans le Judaïsme, c’est le cas du porc comme vous l’avez dit tout à l’heure. Le porc dans le lévithique et dans le Coran est une chair interdite, pour des raisons sacrées. C’était dicté dans les textes sacrés, donc nous n’avons pas à chercher les raisons et historiquement, on se rend compte que Hérodote déjà, 5 siècles avant Jésus Christ, avait décrit, cet interdit chez les pharaons. Pour les prêtres pharaoniques, le porc était considéré comme une bête impure. En raison de son impureté apparente, son contact, sa consommation, son sacrifice en holocauste pour les dieux, était interdit. Bien avant Moïse, bien avant l’Islam, les traditions juives et musulmanes ont gardé cet interdit. Qu’en est-il dans le cas des xénogreffes ? On sait que c’est le porc si on peut dire, qui est le plus proche biologiquement de l’homme, pour lui céder le maximum de ses organes, de ses os, de ses cartilages, de ses vaisseaux, de ce point de vue là, les religions admettent, uniquement dans le cas de nécessité extrême et je pèse mes mots. L’illicite devient licite, le cas s’est posé à propos des biovalves de porc dont on sait tout l’intérêt puisqu’ils éliminent ou évitent le traitement anticoagulant, les bio-valves porcines ont été admises dans les cas où vraiment il n’y a rien d’autre à faire et par extension se pose le problème du foie, du pancréas, des cellules et autre organe à prélever sur des animaux interdits et le porc en particulier fait l’objet de cette attitude casuistique.




Mis à jour le 06 février 2008 à 14:24