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1999 : de l’animal à l’homme > TR 5 : Les xénogreffes >  Débat de la table ronde 5

Débat de la table ronde 5

Louis-Marie Houdebine, INRA
Dalil Boubakeur, Recteur de l'Institut Musulman de Paris
Philippe Vannier, AFSSA
Michel Somville, spécialiste des OGM, de bioéthique
lycéens

Compte rendu :

Transcription :


23 octobre 1999 débat TR5


Débat :



Brigitte Bornemann-Blanc :
L’A.P.B.G., l’Association des Professeurs de Biologie et de Géologie, et plus particulièrement Nicole Priol qui est la présidente, nous a mis en contact avec des lycéens et des lycéennes, des collégiens et collégiennes et des universitaires, pour nous aider à vous poser des questions. La nouvelle génération, elle, en aura l’application réelle.

Pauline Bazin :
Lycéenne, une question qu’on a reçu portait sur l’information génétique. Une cellule de porc étant différente d’une cellule humaine, à long terme, une xénogreffe peut-elle entraîner une modification du génome humain ?

- Non. Comment voulez-vous que les gènes qui sont dans une cellule comme ceci, puissent passer dans nos cellules à nous. C’est hautement improbable, n’oublions pas que nous sommes en contact avec des génomes d’autres espèces en permanence, nous mangeons un million de gènes par jour qui ne sont pas les nôtres qui sont digérés par la voie digestive, n’oublions pas non plus que dans notre intestin, nous avons 10 puissance 14 bactéries, alors que notre corps n’est composé que de 10 puissance 13 cellules, or il n’y pas de mélange de génomes et pourtant nos cellules sont en permanence en contact avec ces bactéries, il n’y a pas véritablement d’échanges, de toutes façons si d’aventure, il y avait quelques échanges entre les cellules du porc et quelques cellules de l’individu, il deviendrait encore hautement invraisemblable que ça touche les cellules germinales. Ce ne serait que quelques cellules de l’autre qui seraient touchées, si c’était le cas ça induirait une réponse de rejet, là on peut penser que ça n’est pas un problème. Il a bien d’autres problèmes le pauvre patient.

- Oui et non car formellement, d’un patrimoine génétique de porc vers un patrimoine génétique humain, à priori la réponse que vous donnez, concerne les interactions entre l’un et l’autre.

- Je crois que la question qui était posée était celle du passage d’un gène de porc chez l’homme. Là la réponse est non, c’est tout.

- Mais pour compléter la réponse, il faut quand même dire que les patrimoines génétiques sont sous influence de protéines etc., et que donc à partir du moment où un patrimoine génétique étranger est capable de produire des substances qui elles-mêmes peuvent interagir avec le fonctionnement du patrimoine génétique humain, il y a des interactions. La question n’est pas que génétique pure.

- Ce n’était pas la question posée, mais cette question vous la soulevait. A l’heure actuelle, ceux qui procèdent à des greffes n’imaginent pas qu’ils sont capables de faire des greffes de foie chez l’homme, parce que le foie est un organe si complexe, qui a tant de fonctions, on sait pertinemment, on ne connaît pas si bien le foie de porc dans ses fonctions de détail, on imagine mal qu’il y ait compatibilité métabolique. Ce sera trop compliqué et les interférences seront telles, qu’on fera plus de mal que de bien. Donc, ce sont des organes beaucoup plus simples qui vont être greffés, le coeur, le pancréas, le rein, des cellules de cartilage, des cellules nerveuses, :un organe comme le foie est trop compliqué. Il s’agit d’interférences entre compatibilité de métabolisme.

- Poser la question de la génétique est certes intéressante, mais non suffisante.

- On aurait pu poser la question des cellules germinales. Dans l’antiquité, on a parlé de monstres hybrides.

- Une cellule germinale, c’est celle qui donne un petit bébé, ou un petit veau. Dans le corps humain, il y a le soma, c’est ce qui ne change pas, et il y a le germain, ce sont des petites cellules qui vont poursuivre l’espèce, les spermatozoïdes et les ovules.

Pauline Bazin :
Les lycéens se posaient la question de savoir si on pouvait greffer n’importe quel organe.

- Sûrement pas. En tant qu’organe totalement fonctionnel, les deux choses visées sont relativement modestes, ce sont le coeur et le rein. Plus l’organe est complet, plus il est compliqué, plus la compatibilité sera impossible, dés le départ des xénogreffes, on a beaucoup parlé du coeur, parce qu’il y a des déficits clairs, les chirurgiens, quand on les entend parler, c’est d’ailleurs très étonnant, parle d’une pompe assez simple à faire, greffer un coeur, c’est une chose qui paraît vraiment simple, alors qu’un organe c’est tellement vital, l’avenir des xénogreffes, est probablement plus du côté des cellules, on a déjà évoqué les îlots de pancréas, les cellules nerveuses, les cellules de cartilage qui sont déjà en cours d’expérimentation sur des modèles sains et qui marchent pas mal et qui sont beaucoup moins rejetés. Là on a à faire à des choses beaucoup plus simples qu’un organe.

Dr Dalil Boukabeur :
Est-ce que je peux freiner l’enthousiasme sur les greffes, parce que c’est pas si simple. Regardez nos scientifiques, sur le plan moral, nos scientifiques nous disent c’est tout bien, on va changer des pièces de l’être humain, pas du tout, sachez qu’on a parlé du diabète, et les cardiopathies, on va prendre des malades, on va leur enlever ce qui leur appartient, on va leur mettre quelque chose, mais n’oubliez pas qu’on va leur mettre une autre maladie. Celle de la tolérance, et n’oubliez pas que les traitements de la tolérance d’immunosuppression, sont aussi une maladie presqu’aussi grave, que celle dont on les avait soignés donc il y a une compétition entre les avantages et les inconvénients sur le plan moral.

Marjorie Berehouc :
Lycéenne, on voulait savoir quelle autre espèce animale pouvait être envisager pour les greffes, étant donné que certaines religions n’acceptent pas le porc.

- Il n’en a pas été envisagé d’autres sinon un primate qui vient d’Amérique du Sud qui pourrait être intéressant mais qui n’a pas été retenu. On n’envisage pas d’autres, il y a déjà tellement de problèmes.

Dr Dalil Boukabeur :
Dans les pays musulmans, on a envisagé mais complètement à tort, de faire des recherches, en Arabie Séoudite sur les moutons, mais pour des greffes d’organes. Ce sont des xénogreffes au sens strict et pas des xénotransplantations, on va changer des os, des vaisseaux, quelques vagues aspects cellulaires, mais pas d’organes et le mouton paraît une voie sans issue.

- C’est trop éloigné de nous, c’est un ruminant.

Emeline Thomas :
La question qu’on se posait, est-ce que les traitements qu’on va devoir administrer au receveur sont d’une telle importance qu’on peut se poser la question, n’était-il pas en mieux avant la greffe ?

Stéphanie Heurtin : Collégienne
Parviendra-t-on reconstituer un membre entier à quelqu’un ?

- A partir de cellules donc ? Vous parlez d’une reconstitution à partir des éléments, pour une main c’est peut-être un peu compliqué, un morceau de bras, vous imaginez reconstituer l’os, le muscle ?

- Oui, Tout.

- C’est difficile, ce qu’on peut reconstituer à l’heure actuelle, ce sont des organes simples, la peau, voilà un organe qu’on reconstitue très bien. On reconstituera des organes fonctionnels.

Jacques Cledes :
Je voudrais revenir sur l’impact psychologique des transferts du porc à l’homme, je crois que dans toute allogreffe, d’individu à individu de même genre, il y a bien sûr des problèmes psychologiques qui sont certainement importants, ce qu’on ressent certainement est du domaine de la culpabilisation, on vit parce que quelqu’un d’autre est mort. Et peut-être que la personne qui s’est mise à boire, se retrouvait dans le processus d’identification. Pour calmer sa culpabilité, on faisait revivre l’autre dans sa mauvaise habitude. En ce qui concerne le transfert d’un animal à un homme, on est dans un autre domaine qui est dans la transgression de l’espèce, c’est vraiment quelque chose de tout à fait difficile à accepter. Ce n’est pas impossible d’inventer un membre complet, mais c’est d’une telle complexité. On sait fabriquer tout, mais c’est l’assemblage. C’est la construction du foetus avec toutes ces influences génétiques. Sa chronologie, il faudrait dominer parfaitement le problème de l’apoptos, pour le moment c’est impensable.

Brigitte Bornemann-Blanc :
Merci à Nicole Priol qui a permis cet échange entre les élèves et les intervenants, merci aux professeurs qui sont avec nous, Nicole Maillou, Liliane Berthelot, Armelle Amonnot.





Mis à jour le 06 février 2008 à 14:25