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1998 : Risques associés aux progrès technologiques > TR 1 : Panorama de quelques risques en matière de santé, de sécurité aliementaire et d'environnement >  Discours de Gérald Ouzounian : Connaissance, prise de conscience et choix

Discours de Gérald Ouzounian : Connaissance, prise de conscience et choix

Direction scientifique de l'ANDRA, docteur es Sciences Physiques

Biographie :

OUZOUNIAN Gérald

Compte rendu :

Transcription :


23 octobre 1998 TR1


Discours de Gérald Ouzounian :


Résumé : Les déchets radioactifs générés par la production électronucléaire, la médecine, la recherche ainsi que nombre d’industries contiennent des radionucléides à vie longue et représentent donc un danger pour l’homme et son environnement, y compris pour les générations futures.


Pour la plupart d’entre eux, ceux contenant des radionucléides à vie relativement moins longue, des solutions industrielles de gestion sont disponibles. Ils sont stockés en toute sécurité sur le Centre de l’Aube, pour une durée initiale de 300 ans correspondant à la durée nécessaire pour que leur radioactivité ait naturellement décru à un niveau extrêmement faible. Le Centre de l’Aube accueille de l’ordre de 20000 m3 de ces déchets chaque année et son fonctionnement est envisagé pour 50 ans.
La problématique des années à venir concerne les déchets relevant d’une gestion de plus longue durée, se comptant typiquement en milliers ou dizaines de milliers d’années. Il s’agit pour ces quelques 3000 m3 de déchets par an de proposer des solutions sûres de gestion à long terme, sans laisser de contrainte aux générations futures, tout en leur permettant un minimum de possibilité de reconsidérer les choix que nous aurons opérés.
La solution largement envisagée pour ces déchets est leur stockage en formation géologique profonde.
Les premières recherches de sites menées en France se sont soldées par des échecs essentiellement dus à un manque de dialogue et de concertation avec le public et les collectivités. Elles furent interrompues en 1990 par un moratoire décrété par le Premier Ministre.
Ce moratoire fut mis à profit pour analyser le processus d’implantation passé, mener les consultations et la réflexion nécessaires pour la mise en place d’un cadre définissant les conditions de la recherche, ses moyens et les droits et obligations de chaque partie. Le débat qui s’est déroulé en toute transparence a permis de faire émerger les responsabilités incombant à chaque acteur, au producteur de déchets, à l’élu local, au pouvoir législatif.
Un nouveau cadre de recherche de solutions de gestion des déchets radioactifs a été défini par la loi du 30 décembre 1991 . Il permet la recherche d’un consensus de société où scientifiques et techniciens partagent la démarche avec les élus et le public, chacun dans le respect des rôles et responsabilités de l’autre ainsi que dans celui de la capacité de jugement des populations face aux problèmes. Il s’agit là d’une réponse à la demande de la société, également reprise par le Commissariat Général du Plan en 1998 : « Les pouvoirs publics doivent faire face à l’émergence de plus en plus fréquente de situations de risque très controversées, mêlant certitudes et incertitudes, hypothèses, calculs économiques, références éthiques, considérations politiques, enjeux financiers et exigences sociales... les nouveaux modes de gestion des risques doivent associer l’ensemble des parties prenantes, dans une approche dynamique, reconnaissant les incertitudes et limites des savoirs » .
Au delà du cadre organisationnel introduit par la loi du 30 décembre 1991, un certain nombre de réponses sont apportées aux interrogations de la société :
Les certitudes passées du technicien font dorénavant place à l’incertain et au doute. Un délai de 15 années de recherches est fixé, au terme duquel un débat sera organisé au Parlement, pour envisager sur la base des résultats acquis les options de gestion des déchets radioactifs.
Par ailleurs le champs des recherches est élargi aux possibilités de réduire le volume de déchets produits et leur toxicité ainsi qu’aux possibilités d’attente de solutions alternatives.
Enfin, pour l’option de stockage en formation géologique profonde, l’étude de différents concepts est requise.
Les responsabilités des élus politiques dans les choix de société sont rappelées notamment en prévoyant le débat Parlementaire de 2006, éclairé par les travaux des scientifiques et techniciens durant les 15 années de recherche.
L’éclairage doit être communiqué de manière claire et décryptée afin de permettre aux décideurs de 2006 de se prononcer. La mise en place d’une Commission Nationale d’Evaluation, avec publication d’un rapport annuel permet le suivi de l’application de la loi.
Les populations locales sont également impliquées dans le processus. Les sites de recherches sont envisagés sur la base du volontariat. Par ailleurs, différentes modalités de consultations sont mises en place à travers les structures démocratiques existantes : collectivités territoriales, instances d’élus, commissions dédiées, enquêtes publiques.
La réponse au souci de transparence est livrée à partir de la publication de rapports ainsi que par la mise en place sur chaque site d’un Comité Local d’Information regroupant les différentes composantes de la société (l’Etat, les élus, les associations, les syndicats, le personnel travaillant sur le projet et le titulaire de l’autorisation à mener les recherches). Parmi les publications, signalons annuellement le rapport de la CNE, le rapport scientifique de l’ANDRA, ou encore l’inventaire national des déchets radioactifs.
Le cadre fixé par la loi, ainsi que les dispositifs proposés en réponse aux soucis de la société ont permis d’engendrer un ensemble de recherches et de travaux sur le terrain, qui ont conduit en 1996 au dépôt de dossiers en vue de l’autorisation d’installation et d’exploitation de laboratoires souterrains. Il s’est agit là encore d’un jalon lors duquel toutes les instances, comme le public ont pu se prononcer et adresser leurs questions. A l’occasion des enquêtes publiques, l’ANDRA a répondu à plus de 2000 questions, avec le souci constant qu’aucune ne reste en suspens, conformément à sa politique de communication. Aujourd’hui, à l’issue des diverses instructions de ces dossiers, les autorisations permettant la poursuite des investigations sont attendues.
Au-delà du processus opérationnel, la démarche dans laquelle l’ANDRA est engagée de par la loi du 30 décembre 1991 s’inscrit dans la droite ligne de principes développés depuis en matière de démocratie et d’environnement :
La protection durable de l’environnement et de la santé : « Ce n’est plus la seule vigilance face au risque connu, induite par le principe de prévention qui est posée comme norme, mais également le devoir de projection dans un avenir incertain et/ou imprévisible » .
L’attitude de projection devient ainsi une obligation de responsabilité. Pour les applications aux déchets radioactifs, la protection durable de l’environnement signifie non seulement d’étudier les contextes environnementaux présents, mais aussi de prendre en compte les événements aux constantes de temps de dimension cohérente avec la durée de vie des radionucléides à stocker : les évolutions climatiques, les évolutions géologiques.
La précaution et la rŽversibilité : « Cette responsabilité induit une nouvelle gestion du risque, une nouvelle éthique de l’incertain » . Le basculement d’une logique de certitudes à une logique de gestion de nos incertitudes est inscrit dans la loi du 30 décembre 1991, avec 3 clauses de précaution :
un délai de 15 années de recherche avant la tenue d’un débat national,
l’étude des possibilités de réversibilité du stockage, dont le gouvernement a demandé l’approfondissement suite aux instructions et enquêtes publiques des dossiers déposés en 1996,
l’étude de l’entreposage de longue durée en surface.
Il s’agit de proposer des dispositions de gestion à partir d’un jeu de connaissances et d’une maîtrise des incertitudes, tout en projetant les réflexions d’aujourd’hui sur les conditions de demain.
Le principe pollueur-payeur est acté en séparant la responsabilité du producteur de déchets du processus décisionnel sur le devenir des déchets. Ainsi le producteur conserve la responsabilité du risque et finance donc les recherches pour sa maîtrise. Ces recherches sont confiées à l’ANDRA, établissement public placé sous la tutelle des ministères chargés de l’industrie, de la recherche et de l’environnement.
Avec le principe d’information fiable, compréhensible (exprimant ce qu’elle signifie) et vérifiable. Il est mis en œuvre au quotidien dans les actions de communication de l’ANDRA, et revendiqué au niveau décisionnel du Parlement à travers les rapports de la CNE.
La qualité de l’information est à la base du débat démocratique et sa nécessité est reprise sur les différents sujets de société comme par exemple pour l’amiante : « il faut être capable de restituer à ses partenaires, dans une langue sociologique, les évolutions techniques d’un dossier. Sinon..., on se retrouve très rapidement isolé, pris dans des histoires que personne n’écoute » .
La transparence et le dialogue permanent revêtent plusieurs formes, de l’information locale ou nationale, des débats parlementaires ou publics, des Comités Locaux d’Information avec leur capacité à commander des expertises indépendantes, ou encore des enquêtes publiques, le tout en conformité avec la politique affichée de communication de l’ANDRA de ne laisser aucune question sans réponse.
Enfin l’honnêteté financière, sans laquelle le doute pourrait être permis. Elle est satisfaite par la rigueur de gestion au quotidien et par la transparence des comptes. Mais au delà des exigences de la gestion d’entreprise, il y a aussi l’implication des travaux en laboratoires souterrains sur les économies locales et pour laquelle le soutien au développement économique des régions est prévu. Des associations pour le développement économique sont mises en place sur chaque site ; elles sont chargées de gérer les fonds mis à leur disposition par l’ANDRA.
En guise de conclusion, je reprendrai simplement les contraintes techniques à l’intérieur desquelles se déroulent les recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité ou à vie longue :
agir sans reporter la charge sur les générations futures
concilier le confinement et la réversibilité, c’est-à-dire la performance et la flexibilité
assurer pour demain une protection équivalente à celle d’aujourd’hui
produire un système passif ne nécessitant aucun contrôle actif, technique ou institutionnel.
C’est dans ce cadre de contraintes que les ingénieurs de l’ANDRA, avec l’aide des chercheurs de nombreux organismes, assemblent leurs connaissances pour élaborer des propositions qui seront examinées en 2006 pour les choix d’alors.





Mis à jour le 07 février 2008 à 14:50