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B R È V E S


Le littoral vu par les jeunes
Les webtrotteurs des lycées Vauban et Kerichen sont allés à la rencontre des jeunes des écoles de Ouessant et du Conquet et leur ont posé une question simple : Pour toi, qu'est-ce que le littoral ?

Visionnez les réponses des jeunes :
- Ecole Sainte Anne à Ouessant
- Ecole Saint Joseph au Conquet



2005 : Le littoral et les avancées scientifiques > TR 1 : Un littoral, des approches diversifiées >  Politique de protection et d’aménagement du territoire : vers la création d’une agence foncière en Bretagne ?

Politique de protection et d’aménagement du territoire : vers la création d’une agence foncière en Bretagne ?

Alain Merckelbagh, Expert, a été directeur de l'OFIMER

Biographie :

MERCKELBAGH Alain

Compte rendu :

Voir la vidéo de Alain Merckelbagh


Transcription :

7 octobre 2005 TR1


Discours de Alain Merckelbagh

La politique d’aménagement du littoral en France depuis quarante-cinq ans : « Laisse Béton »


Depuis le début des années soixante le littoral a fait l'objet de grands équipements publics. Progressivement son aménagement a été encadré. Une préoccupation croissante, au niveau international et national, en faveur de la protection de l'environnement s'est développée. Mais, les atermoiements tant de l'Etat, que des collectivités locales, ont retardé les décisions d'aménagement alors que les pressions continuent à s'exercer. L'absence de maîtrise du foncier constitue un handicap majeur. Assurer un développement durable du littoral nécessite l'intervention publique pour le succès de laquelle l'expertise à son mot à dire.


1 - L'ETAT EQUIPE LE LITTORAL: 1960-1980

Durant l'essentiel de cette période, la France connaît une croissance continue et l'aménagement du territoire dispose de budgets conséquents, l'Etat procède à des grands aménagements dans les domaines portuaire, touristique et énergétique.
Dunkerque, Fos, Antifer, sont créés et le Verdon modernisé entre 1964 et 1976. Des zones industrialo portuaires se développent dans leur prolongement.
Le succès d'un port réside dans sa capacité à acheminer rapidement le fret. A cette fin, des ouvrages d'art d'envergure sont réalisés le long du littoral ; ponts de Bordeaux, Saint-Nazaire, Brotonne (1967/1977). D'autres sont construits, à des fins touristiques, pour relier des îles au continent : Oléron (1966), Noirmoutier (1971).
Le formidable essor du tourisme depuis les années cinquante incite les pouvoirs publics à prendre des initiatives pour aménager les espaces d'accueil. Le littoral de deux régions, Languedoc-Roussillon et Aquitaine, presque désert à l'exception de quelques stations, est retenu. L'Etat prend en charge le programme lourd d'investissement et assure également l'unité de conception et d'exécution. La stratégie d'aménagement consiste, sur les 350 Km de côtes concernés, à faire alterner des points forts à densité élevée d'occupation touristique et des secteurs naturels préservés. Des ports de plaisance sont construits principalement dans le cadre du Languedoc-Roussillon. Sur l'ensemble du littoral français, plus de 150 ports de plaisance sont aménagés entre 1964 et 1974.
Dans le domaine de l'énergie, l'usine marémotrice de la Rance est mise en service en 1967. La même année, l'usine de traitement des combustibles nucléaires usés de la Hague devient opérationnelle. Dans les années soixante-dix, influencé par les chocs pétroliers le gouvernement fait le choix de l'indépendance énergétique et arrête l'option nucléaire. Sur le littoral les sites de : Gravelines, Paluel, Flamanville, Penly, Le Blayais et Plogoff sont retenus. Les conflits engendrés par ces choix font que le site de Plogoff est abandonné en Juin 1981.

Les grands aménagements publics sur le littoral au cours des deux décennies soixante et soixante-dix sont sans précédent tant par l'ampleur que par la cadence.


2- DES OUTILS ET DES REGLES POUR PROTEGER ET VALORISER : 1971-1986


Dès le début des années soixante-dix, sous l'impulsion de la Datar des réflexions portant sur le littoral visent à limiter la compétition pour son occupation et à privilégier une approche globale incluant les activités terrestres et maritimes. La publication du rapport Piquard en



1973 constitue le signal de cette démarche. Elle sera marquée par la création du Conservatoire du littoral, la mise en oeuvre d'une réglementation plus contraignante pour un aménagement équilibré de la bande côtière, jusqu'à sa consécration au travers de la loi "littoral".
Michel Piquard fait un constat et des propositions. Le littoral zone de contact, est une succession de sites contrastés et biologiquement riches. Le littoral zone de croissance, est le lieu d'une intense activité économique traditionnelle (pêche, conchyliculture, marais salants, agriculture), moderne (sidérurgie, pétrochimie...) et d'une forte croissance urbaine. Un touriste sur deux passe ses vacances à la mer. Mais le littoral est aussi une zone d'accueil des pollutions. L'espace bâti progresse. Le déclin des activités agricoles pose le problème de la pérennité de ces espaces. "La course au béton est ouverte, course sélective qui conduit à éliminer les utilisations qui ne peuvent supporter les charges foncières les plus élevées : par exemple le tourisme social". Il faut un aménagement équilibré. Le rapport préconise "l'aménagement en profondeur" car, toutes les fonctions qui demandent un espace sur la ligne de côte n'en ont pas besoin. Enfin le rapport propose des outils nouveaux et des mesures. Parmi ceux-ci:
- Le Conservatoire de l'espace littoral
- La coopération intercommunale pour les plans d'occupation des sols
- L'étude expérimentale des schémas d'aptitude et d'utilisation de la mer (SAUM)
Trente ans après, qu'en est-il ? Une recommandation s'est concrétisée.
Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a été créé par la loi du 10 juillet 1975 en tant qu'établissement public administratif de l'Etat, chargé de mener une politique foncière de préservation des espaces naturels des rivages maritimes et lacustres dans les cantons littoraux et au bord des lacs de plus de 1000 Ha. Le Conservatoire a deux missions distinctes : celle d'agence foncière et celle de propriétaire. Il achète les terrains, essentiellement à l'amiable et pour la gestion de ses sites, il agit en partenariat avec les collectivités locales. En 30 ans d'existence 75 000 ha ont été acquis, 12% des côtes de métropole ont été protégées.
La mission parlementaire confiée au sénateur Louis Le Pensec, en 2001, a permis de dégager les réformes essentielles contenues dans la loi "démocratie et proximité" du 27 février 2002. Celle-ci confirme et précise la mission du Conservatoire et lui donne les bases légales pour remplir pleinement son rôle de propriétaire. Sa mission de protection ne se limite pas à la maîtrise foncière, mais doit garantir que les espaces acquis contribuent à la préservation des écosystèmes et des paysages littoraux remarquables. L'intervention de l'établissement est en outre étendue au domaine public maritime, confortant son action en faveur d'une gestion intégrée des zones côtières.
L'ambition affichée, depuis l'origine, par le Conservatoire du littoral de protéger un tiers du linéaire du littoral "le tiers sauvage" est-elle réaliste à l'horizon 2030 ? Le Conservatoire n'y croit plus, son objectif est maintenant de ne protéger que 22% du linéaire à l'horizon 2050. Les marins savent que lorsqu'on avance l'horizon recule. L'augmentation récente du budget n'est pas à la mesure de l'augmentation accélérée du prix des terrains et des charges de gestion d'un patrimoine qui s'accroît.
Parmi les mesures préconisées par le rapport Piquard, les schémas d'aptitude et d'utilisation de la mer (SAUM) complètent les schémas régionaux d'aménagement du littoral déjà en cours d'élaboration.
En 1971, là où l'occupation du littoral est déjà avancée, des schémas régionaux d'aménagement du littoral sont mis en oeuvre pour conduire à une répartition préalable de l'espace (terre et mer), entre les diverses fonctions prévues. Certains verront le jour en Basse-Normandie, en Bretagne et en Pays de la Loire. Réalisés sous l'égide du ministère de l'équipement, ces schémas, animés par des structures souples font l'objet d'une concertation approfondie, tant avec les organisations professionnelles, que les élus locaux, les administrations et les associations. Des centaines de réunions de travail ont lieu sur le terrain. Ce travail a permis d'identifier, à l'échelle de la région, les espaces littoraux sensibles et les moyens d'intervention des pouvoirs publics pour rendre compatible le développement économique et la protection de l'environnement. Ces schémas qui illustrent la pratique de gestion intégrée des zones côtières (avant la naissance du concept) sont approuvés par le CIAT en 1977. Leur portée plus incitative que normative nécessite que des documents d'urbanisme spécifiques confortent les propositions.
C'est la fonction des schémas d'aptitude et d'utilisation de la mer (SAUM). Véritables plan d'occupation des sols littoraux, ils ont pour rôle d'établir l'affectation des sites, et de préciser les usages compatibles. Elaborés par les services de l'Etat, ils font, eux aussi, l'objet de nombreuses consultations des élus, des acteurs locaux et des administrations. Le document approuvé en conseil d'Etat est opposable aux seules administrations, mais pas aux citoyens. Quelques-uns ont été mis en oeuvre, mais peu ont abouti.
Soustraire des espaces naturels pour les protéger et les mettre à la disposition du public, constitue une étape nécessaire de l'aménagement mais organiser la vocation des sites a du mal à prendre forme. Protéger et valoriser implique une action globale forte et de portée normative.
La loi "littoral", votée à l'unanimité du Parlement le 3 janvier 1986, définit une orientation équilibrée entre aménagement, protection, et mise en valeur. Plusieurs objectifs sont assignés :
- Protéger les équilibres biologiques et écologiques, lutter contre l'érosion, préserver les sites, les paysages et le patrimoine.
- Préserver et développer les activités économiques liées à la proximité de la mer : pêche, cultures marines, activités portuaires, la construction et la réparation navales et le transport maritime.
- Maintenir ou développer, dans la zone littorale, des activités agricoles ou sylvicoles, industrielles, artisanales et touristiques.
Cette loi, applicable à l'ensemble du territoire des communes littorales, votée au moment de la mise en place de la décentralisation, veut concilier l'enjeu national de protection du littoral avec les nouvelles compétences des collectivités territoriales, en particulier en matière d'urbanisme, car désormais le permis de construire est délivré par le maire.
La mise en oeuvre des dispositions de la loi repose en grande partie sur les documents de planification à l'échelle locale, notamment les schémas de mise en valeur de la mer (SMVM) instaurés par la loi du 7 janvier 1983. Ils ont le même objet que les SAUM mais plus de force juridique car ils sont opposables aux tiers. Elaborés par l'Etat, ils sont soumis pour avis aux collectivités territoriales intéressées avant d'être approuvés par décret en Conseil d'Etat. Ils déterminent "les vocations des différents secteurs de l'espace maritime et les principes de compatibilité applicables aux usages correspondants, ainsi que les conséquences qui en résultent pour l'utilisation des divers secteurs de l'espace terrestre qui sont liés à l'espace maritime, fluvial ou terrestre attenants, nécessaires à la préservation du milieu marin et littoral".
Aujourd'hui, la loi "littoral" fait l'objet de critiques, au point que certains parlementaires voudraient la remettre en cause. Les critiques portent sur :
- Le retard pris dans la mise en place des mesures d'application. En effet, l'Etat n'a publié deux décrets importants que 18 ans après la loi.
- L'adaptation des règles aux contraintes géographiques locales suppose la mise en oeuvre des SMVM documents déterminants pour la conchyliculture, la pisciculture marine et les implantations portuaires. Or, pour l'ensemble du littoral, seulement deux SMVM ont fait l'objet d'une approbation : Thau (1996) et Arcachon (2004).
Décrets inexistants ou mal adaptés, instruments de planification défaillants, décisions locales faisant l'objet de nombreux contentieux et donnant lieu à des interprétations distinctes selon les tribunaux, ont donné un sentiment d'insécurité juridique.
La loi a freiné la bétonnisation du littoral grâce à une identification claire des espaces destinés à être protégés, mais "l'exceptionnelle croissance démographique, touristique et plus généralement économique du littoral n'a pas été maîtrisée" (CIADT juillet 2003). La pression foncière et la compétition pour l'usage continuent et leurs conséquences sont préjudiciables : occupations illégales du domaine public maritime, réduction de l'activité agricole, oppositions à l'extension des activités conchylicoles et de pisciculture marine. Faut-il pour autant rejeter la loi comme le souhaitent les partisans du laisser-faire, alors que l'opinion publique est de plus en plus sensible à la protection du littoral ?


3-LES EFFETS DE LA SENSIBILITE INTERNATIONALE AU LITTORAL

En France, l'attitude du gouvernement a évolué en fonction, de l'opinion publique mais aussi de l'environnement international. Des concepts ont pris corps et des accords ont trouvé leur traduction dans notre législation et réglementation.
La conférence des Nations Unies sur l'environnement humain, organisée à Stockholm en 1972, prône la nécessité d'intégrer l'équité sociale et la prudence écologique dans les modèles de développement économique, tant du Nord que du Sud de la planète. En 1987, la commission mondiale sur l'environnement et le développement définit le concept de développement durable : "un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs"
En 1992, au "Sommet de la Terre" à Rio, 172 Etats adoptent une déclaration qui affirme clairement la triple nature économique, environnementale et sociale du développement durable. Le principe pollueur payeur est affiché. La commission parlementaire française sur le thème du développement durable (rapport avril 2005) confirme les positions prises au niveau international progressivement depuis 30 ans : " Ce qui est durable c'est ce qui est positif à la fois en termes de cohésion sociale, économique et d'environnement : pour qu'une politique assure le développement d'aujourd'hui sans léser les générations futures, elle doit rechercher cette triple dimension".
Le développement durable, progressivement élaboré au niveau international, aujourd'hui inscrit dans la Constitution française constitue un objectif pour l'aménagement du territoire.
Une méthode pour l'aménagement du littoral procède d'une évolution internationale similaire: la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC). Le concept de gestion intégrée des zones côtières a été consacré au "Sommet de la Terre" à Rio en 1992. Il a connu un succès auprès de l'Union Européenne et de nombreux Etats. En décembre 1995 la Commission Européenne a lancé un programme de démonstration sur l'aménagement intégré des zones côtières fondé sur des zones pilotes, parmi lesquelles figure le contrat de baie de la rade de Brest.
Bien qu'il n'y ait pas de définition unique de la GIZC, le doyen Prieur a proposé au Conseil de l'Europe la définition suivante : " On entend par gestion intégrée, l'aménagement et l'utilisation durable des zones côtières prenant en considération le développement économique et social lié à la présence de la mer tout en sauvegardant pour les générations présentes et futures, les équilibres biologiques et écologiques fragiles de la zone côtière et les paysages... La mise en place d'une gestion intégrée des zones côtières exige la création d'instruments institutionnels et normatifs assurant une participation des acteurs et la coordination des objectifs, des politiques et des actions, à la fois sur le plan territorial et décisionnel et impose de traiter les problèmes non pas au coup par coup, mais de façon globale et en tenant compte de l'interaction entre tous les éléments qui composent l'environnement". Le gouvernement français annonce, en Juillet 2001, que la politique du littoral procède d'une "philosophie nouvelle fondée sur le concept d'aménagement intégré des zones côtières". Le Conseil Européen par sa "recommandation du 30 mai 2002 invite les Etats à élaborer leurs propres stratégies nationales de gestion intégrée des zones côtières en se fondant sur les principes du programme de démonstration. La France en février 2004 adopte "un nouveau cadre pour la politique du littoral fondé sur une approche de GIZC qui vise à compléter l'approche incitative et réglementaire pilotée par l'Etat par une approche partenariale et contractuelle associant largement les acteurs concernés et privilégiant les projets locaux intégrés" (CIADT du 14/09/2004). Actuellement, le gouvernement s'apprête à retenir une vingtaine de projets pilotes pour la gestion intégrée des zones côtières.


4- LE LITTORAL, LIEU DE VACANCE DU POUVOIR


La continuité de l'action publique caractérise l'action du Conservatoire du Littoral depuis 30 ans. Créé par un gouvernement de droite, renforcé par un gouvernement de gauche, il a su par une démarche faite de dialogues et de consensus, d'une bonne connaissance du terrain de ses agents se faire apprécier des collectivités locales et reconnaître du grand public. L'Etat a agi à travers un établissement public, structure qui autorise les souplesses nécessaires à la prise de décision. Si les moyens du Conservatoire demeurent insuffisants son efficacité est indiscutable. Cet exemple, bien qu'important, reste malheureusement isolé.
Les dysfonctionnements de l'action publique sur le littoral sont patents et tiennent à quatre causes qui se combinent :
- L'absence d'évaluation des politiques publiques nuit à l'efficacité des pratiques d'aménagement. Pourquoi le bilan annuel de l'application de la loi "littoral" prévu dans le texte n'a été effectué qu'une seule fois, en 1999 ? Etait-il si urgent de ne rien faire ?
- L'alternance politique, provoque une sorte d'amnésie; la mémoire publique cesse de fonctionner au gré des changements. Pourquoi seulement deux SMVM en 22 ans ?
- L'Etat n'a pas tiré pour lui-même les conséquences de la décentralisation, peut-être parce que le domaine public maritime relève de sa compétence. Mais, la lourdeur du processus de décision centrale et le manque de responsabilité accordée à ses services déconcentrés sont peu adaptés à l'accroissement des pouvoirs des collectivités locales.
- Les communes connaissent une poussée de fièvre liée à la jeunesse d'un pouvoir accru.
Elles ont contribué à l'échec par refus d'intercommunalité et refus d'un cadre contraignant. Or, l'aménagement intégré ne peut s'appréhender sur le terrain qu'à une échelle géographique définie par l'impact spatial des questions économiques, écologiques et sociales rencontrées qui dépasse le cadre de la commune et relève de l'intercommunalité, voire de la région.
La clarification des rôles entre l'Etat et les collectivités locales est nécessaire.
L'Etat stratège, garant de la solidarité nationale et de la protection de l'environnement, doit garder un rôle d'orientation et de mise en cohérence de l'action des collectivités locales. Les communes doivent accepter le cadre qui limite leurs pouvoirs pour garantir l'intérêt général.
A la base de l'édifice décisionnel, se trouvent les citoyens. Ils ont leur mot à dire sur les choix qui engagent leur cadre de vie. A cet égard il convient de mettre à la disposition du public une information fiable et de faciliter la participation du citoyen au débat public plutôt que de vouloir, comme certains élus le souhaitent, retirer aux associations la capacité de se pourvoir en justice contre des décisions d'aménagement.


5- LA MAÎTRISE FONCIERE CLE DE L'AVENIR


Pendant cette longue période d'atermoiements entre l'Etat et les collectivités locales, source d'inaction, le foncier voit son prix continuer à grimper et sa disponibilité se restreindre. Or, c'est une ressource finie et non renouvelable. Le tourisme, première activité et l'urbanisation exercent une forte tension foncière qui a pour conséquences un risque très élevé de mutation des terres et de ségrégation sociale. Douze pour cent des logements neufs construits en France entre 1990 et 2003 l'ont été dans les communes littorales, or, celles-ci ne représentent que 4% de notre territoire.
. Les surfaces agricoles ont diminué de plus de 20% depuis les années 80, surtout là où les espaces résidentiels ont progressé. A ce rythme, l'agriculture littorale disparaîtra rapidement.
. La pisciculture marine, activité nouvelle nécessairement liée au front de mer peine à s'implanter alors que (contrairement aux idées reçues) les sites potentiels sont nombreux.
La situation foncière est socialement productrice d'une double exclusion : celle des plus défavorisés, celle des autochtones. Trouver un logement, financièrement accessible et proche de son travail, devient impossible pour ceux qui ont un revenu modeste. Comment les jeunes peuvent-ils continuer à vivre dans le canton, berceau de leur famille ? Les communes organisent elles-mêmes, le plus souvent, cette ségrégation sociale, notamment par les obligations réglementaires (surface minimale de terrain) pour attirer les populations aisées. La situation est encore plus critique dans les petites îles où la conquête de l'espace par de nouveaux arrivants engendre des phénomènes de domination et d'implantation d'une culture dont se sentent exclus les anciens habitants.
Depuis les lois de décentralisation la mise en place de stratégies foncières se fait rare, probablement parce que l’échelle des communes est trop restreinte. Il est urgent de mettre en place une politique d'offre foncière économe d'espace, en faveur d'une urbanisation raisonnée, apte à satisfaire des besoins sociaux et à permettre l'implantation prioritaire des activités retenues dans la loi ‘‘littoral’’. Des opérateurs fonciers investis de missions de service public existent. Ainsi les Etablissements fonciers publics d'Etat ou locaux ont vocation à constituer des réserves foncières en vue d'aménagements publics. La réflexion est engagée dans différentes régions : Bretagne, Pays de la Loire et Languedoc-Roussillon.
Une gestion intégrée des zones côtières, s'inscrivant dans la perspective du développement durable ne peut pas se satisfaire d'une désintégration sociale.


6-APPREHENDER LA COMPLEXITE DU LITTORAL

Le littoral espace complexe, instable et fragile, a besoin d'être mieux compris pour être mieux géré. "Mettre en oeuvre un effort de recherche et d'innovation portant sur les particularités et les ressources du littoral", constitue un objectif inscrit dans la loi "littoral". Aux niveaux européen et national des programmes de recherche, des études et des expertises ont fait évoluer la compréhension des phénomènes et des processus propres à l'environnement littoral. La conduite de programmes multidisciplinaires, associant l'université et les grands organismes, est indispensable pour éclairer la décision publique. Encore faut-il que l'expert comme le décideur demeurent dans leur domaine respectif de compétence. Le rôle de l'expert n'est pas de se substituer à la représentation politique, mais de l'éclairer sur les conséquences de ses choix. Le rôle du politique n'est pas de se retrancher derrière un avis scientifique, mais d'engager sa responsabilité par sa décision. Alors que se met en place le conseil national du littoral, la création d'un comité scientifique et technique auprès de celui-ci peut trouver pleinement sa pertinence.

*
Après presque un demi-siècle d'action publique, la pression pour l'occupation du littoral ne s'est pas relâchée. L'expérience et les connaissances acquises devraient être propices à créer les conditions du développement durable du littoral ; encore faut-il le vouloir.
Développer durablement le littoral c'est:
- Reconquérir ou préserver la qualité de son environnement et de ses paysages.
- Acquérir des espaces naturels pour les mettre à la disposition du public.
- Diversifier les activités en privilégiant celles liées à la mer (traditionnelles et nouvelles) et en sauvegardant l'agriculture.
- Garantir la mixité sociale pour que ceux qui travaillent au pays puissent y vivre alors que se propage une exclusion rampante et silencieuse.
Pour y aboutir quatre mesures s'imposent :
- Clarifier les rôles respectifs de l'Etat et des collectivités locales.
- Augmenter les moyens du Conservatoire du littoral.
- Consolider la loi "littoral".
- Créer des agences foncières régionales.





Mis à jour le 21 janvier 2008 à 15:02