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2003 : Les mers , un océan de richesses ? > TR 1 : Les technologies au service de l'exploration scientifique des océans >  Les technologies au service de l'exploration scientifique des océans

Les technologies au service de l'exploration scientifique des océans

Jean Francheteau, Président du Comité Scientifique et d'Organisation, directeur de l'Ecole Doctorale des Sciences de la Mer (IUEM-UBO)

Biographie :

FRANCHETEAU Jean

Compte rendu :

Voir la vidéo de Jean Francheteau


Transcription :

7 novembre 2003 TR1


Discours de Jean Francheteau



Je suis très heureux de pouvoir présider ces entretiens Science et Éthique. Le concept est assez original parce qu’en général on confronte rarement les mots science et éthique. Dans le monde scientifique, on ne se préoccupe pas tout le temps, relativement peu, il faut le dire, des problèmes éthiques. C’est donc un peu un défi de voir dans notre discipline, dans notre champ disciplinaire qu’est l’océan, dans ce vaste domaine qui doit être étudié par toutes les disciplines scientifiques : comment rentre l’éthique dans ce problème ?

Le fil conducteur de ces 7èmes entretiens repose sur la trilogie : connaître, exploiter, protéger.

Connaître :
les scientifiques en principe c’est leur métier, ils s’y attèlent. Cela ne leur pose pas de problème particulier, sauf peut-être parfois de moyens. Il faut les encourager, encourager la dotation de moyens supplémentaires. On vient de rappeler qu’aux États-Unis, il y a une tentative de relancer un grand effort de connaissances à grand renfort de dollars.

Exploiter :
en général, les scientifiques se sentent peu concernés par ce problème. Ils laissent ce champ d’exploitation aux industries, aux industriels, même si dans des organismes de recherche océanographique comme le Cnexo d’antan, l’Ifremer d’aujourd’hui, il y a clairement le mot exploitation dans le nom de l’organisme.

Protéger : qui doit protéger ? La réponse évidente est que les États, le politique doivent protéger les océans. Les politiques le font-ils ? C’est un point d’interrogation. Le 10 décembre 1982, il y a eu la signature d’une convention des Nations-unies sur le droit de la mer, la convention de Montego Bay (Jamaïque), finalement mise en vigueur en 1994 qui a réuni 130 signatures sur la création de règles des droits de la mer pour protéger les espaces océaniques. Il y a eu la proposition que les océans constituent un Patrimoine Commun de l’Humanité (PCH). Les États-Unis n’ont toujours pas signé ce protocole de Montego Bay, comme ils n’ont d’ailleurs toujours pas signé le protocole de Kyoto, ce qui n’a pas empêché, en 1983, l’année suivante, par une proclamation présidentielle, que les États-Unis décrètent qu’ils créaient une zone économique exclusive (ZEE) de 200 milles marins (environ 370 km) au large de leurs côtes. Ceci parce qu’il y avait des recherches qui avaient été conduites sur les marges continentales, en particulier par le Bureau géologique américain (USGS), qui montraient la potentialité d’avoir de vastes réserves minérales sur toute la marge Est des États-Unis. Ces 200 milles ont été décrétés unilatéralement par cette proclamation présidentielle n° 5030 du 10 mars 1983. Aujourd’hui, il y a toute une discussion pour savoir si on doit étendre les 200 milles à 350 milles. Une zone économique exclusive est une zone où l’État riverain peut interdire toutes recherches, qu’elles soient fondamentales ou appliquées, c’est une extension de son territoire. Demain, il est possible qu’un État, comme les États-Unis, décide de manière unilatérale, par une nouvelle proclamation, que dorénavant la zone économique exclusive soit par exemple étendue à 500 milles. Qui pourra l’empêcher ? Tous les États riverains, proches des océans, évidemment suivront et donc qu’en sera-t-il de cette notion de patrimoine commun de l’Humanité que devraient être les océans ! On doit en effet raisonner en terme d’océan global : il n’y a qu’un seul océan, comme on devrait raisonner au niveau d’une atmosphère unique et ne pas laisser un pays ou un autre polluer cette atmosphère, pour les océans c’est pareil. Ce patrimoine commun de l’Humanité court le grand risque de devenir peau de chagrin. Pour ceux qui ont connu la recherche océanographique d’il y a 30 ans, voire 50 ans, il y avait une liberté totale de recherche dans les océans, au-delà des eaux territoriales qui étaient limitées à seulement 12 milles et, aujourd’hui, il y a de plus en plus de restrictions à la recherche, même désintéressée. Il y a également le danger que des États riverains, peu scrupuleux, exploitent, avec des risques écologiques importants, leurs zones économiques exclusives. Ceci doit donc nous alerter et nous faire réfléchir et je pense que c’est aux citoyens de tous les pays du monde, à commencer par les scientifiques qui devraient peut-être prendre davantage conscience de ces problèmes, de faire pression sur leurs États, les forcer à mettre en vigueur des règles, forcer les industriels à réaliser des études d’impact extrêmement bien définies. Bien sûr, vous allez me dire : « Tout ceci, ce sont des vœux pieux, le fait-on pour d’autres problèmes d’exploitation des ressources à terre, quels sont les mécanismes qui permettront de réguler l’exploitation ou la connaissance ou le travail dans ces espaces exclusifs ? ». Je pense que c’est notre responsabilité d’en être conscients et de faire partager cette conscience à d’autres et peut-être, qu’à nouveau, on doit se retourner vers l’Europe pour qu’elle édicte au moins un certain nombre de règles pour que dans les zones économiques exclusives européennes, on puisse avoir des études d’impact sérieuses avec des financements suffisamment importants pour être sûrs qu’on ne va pas détruire des écosystèmes fragiles comme les coraux profonds, qu’on ne va pas exploiter de manière sauvage les hydrates de gaz puisque leur exploitation non raisonnée pourrait aboutir à des catastrophes écologiques de grande ampleur.

Nous avons la chance, pendant ces deux jours, d’avoir un panel de scientifiques qui ont tous apporté énormément dans leur domaine et qui vont permettre par un dialogue avec la salle de peut-être faire davantage avancer cette conscience que l’océan est un océan global qu’il faut savoir respecter, sans empêcher l’effort d’exploration et sans devoir empêcher également l’effort d’exploitation, mais à la condition que ce soit une exploitation raisonnée.




Mis à jour le 29 janvier 2008 à 10:15