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2002 : Milieux Extrêmes d’un monde à l’autre, Terre, Mer et Espace > TR 3 : Éthique et droit, quelle compatibilité ?  >  L’Espace, droit à part ?

L’Espace, droit à part ?

Armel Kerrest, Professeur des Universités CEDEM UBO, membre de la délégation française au Comité des Nations Unies sur l'Espace

Biographie :

KERREST Armel

Compte rendu :

Transcription :

21 novembre 2002 TR3


Discours de Armel Kerrest




Je ferai quelques remarques sur les règles générales du droit de l’espace, puis quelques remarques sur l’évolution qui se fait jour ces dernières années, du fait de l’augmentation considérable de l’activité commerciale.

La mise en place du droit de l’espace date de 1967, période pionnière de l’espace. Dès ce moment-là, un traité a été mis en place, proposé par l’URSS et les États-Unis et accepté par la Communauté internationale dans le cadre du Comité des Nations Unies sur l’utilisation pacifique de l’espace. Le premier point concernait le problème de l’utilisation pacifique de l’espace. Dès le début, l’espace était un lieu important d’activités stratégico-militaires. Des règles ont été adoptées. Autour de la Terre, les États ont le droit d’avoir des activités pacifiques, éventuellement militaires. Pour la Lune et les corps célestes et les orbites qui se trouvent autour, les activités militaires sont interdites. Pour les orbites autour de la Terre, on a seulement interdit les dépôts d’armes de destruction massive, c’est-à-dire nucléaire, bactériologique et chimique.

Le deuxième problème évoqué était important parce qu’il conditionne les autres, c’est le problème de la liberté d’exploration et d’utilisation, ce qui n’était pas évident au départ. Le traité de 1967 fixe donc cette liberté d’exploration et d’utilisation pour les États.

Le troisième problème est lié à cette liberté. Quand on est libre, on est responsable, du moins en principe c’est comme ça que ça devrait être. Très logiquement, quand on a établi le traité de 1967, on a mis en place une responsabilité des États du fait des activités spatiales. En matière spatiale, la responsabilité qui a été fixée dans le traité 1967, précisée par la Convention de 1972, est une responsabilité très forte de tous les États qui participent de près ou de loin à l’activité spatiale. Quand on lance un satellite, tous les États participant à ce lancement sont “ États de lancement ” et sont tous responsables financièrement des dégâts qui pourraient advenir. Ceci permet à la victime d’aller demander l’indemnisation à l’un quelconque de ces États, ce qui permet d’envisager, plus sérieusement qu’en matière pétrolière, une indemnisation. Pour l’instant, fort heureusement, il n’y a eu aucun cas d’indemnisation parce qu’il n’y a eu aucun cas d’accident véritable, en dehors d’un problème pour lequel la convention a été laissée un peu de côté, qui est l’affaire du Cosmos 954. C’est un satellite soviétique qui est tombé sur le Canada. Il avait une particularité qui était de transporter une source d’énergie nucléaire pour fabriquer de l’électricité, ce qui a provoqué la pollution par le plutonium d’une partie du territoire. Le dernier problème que je vais évoquer est le problème de la non-appropriation. Est-ce que les Américains, posant le pied sur la Lune les premiers, pouvaient faire comme Christophe Colomb, revendiquer le territoire de la Lune ? Le traité de 1967 interdisait cette appropriation et il continue à le faire.

Les évolutions actuelles, en particulier des évolutions dues à la privatisation de l’activité spatiale, feront l’objet de mon deuxième point. À l’heure actuelle, les activités des États continuent, avec des problèmes de financement. Ils ne sont pas mécontents que des activités privées puissent prendre place, ne serait-ce que pour pouvoir maintenir certains projets. Ces activités évoluent dans de nombreux domaines : télécommunication (satellites), télédétection (satellites à but commercial). De même, la société Transorbital a un projet d’aller sur la Lune : elle veut d’abord faire des photos du paysage, puis aller y déposer des objets, à but commercial, ce qui commence à poser des problèmes sérieux. Avant-hier, à un colloque à La Haye, j’ai rencontré le responsable du droit de l’espace américain au département d’État (ministère des Affaires étrangères) à qui j’ai demandé s’ils avaient bien autorisé cette société Transorbital. Ils ont autorisé la prise de vues, mais ont aussi autorisé l’alunissage du module sur la Lune. Au vu de mon étonnement, il était un peu gêné et a justifié que cela pouvait éventuellement poser quelques problèmes et qu’il s’était renseigné auprès de la NASA pour savoir s’il y avait des effets sur l’environnement et qu’en fait, ce n’était peut-être pas une très bonne idée mais que, poussé par les besoins de l’industrie spatiale, il n’avait pas osé refuser cette autorisation.

De manière plus générale, la commercialisation pose des problèmes importants parce qu’au fond beaucoup mettent en cause les règles fixées en 1967 qui sont des règles très strictes en matière de responsabilité. Évidemment, cela gêne plus d’un État. L’obligation d’indemnisation est très large. Contrairement à ce qui se passe en mer, il n’y a pas de plafond, il y a une responsabilité sans faute, conjointe, c’est-à-dire qu’elle concerne tous les opérateurs, ce qui est aussi un avantage par rapport à la situation maritime. Tout cela gêne certains qui commencent de plus en plus à secouer le système pour essayer de voir s’il ne va pas s’effondrer.

J’espère que le système ne s’effondrera pas, que les tentatives de “ commercialisation explosive ” ne vont pas conduire à modifier le système. Des activités privées dans l’espace, pourquoi pas, à condition qu’elles soient respectueuses de l’environnement, de la non-appropriation. Je pense que, dans ce cas-là, il faudra maintenir un contrôle et, s’il est maintenu, on pourra avoir des activités qui pourront être honorablement et efficacement poursuivies.






Mis à jour le 31 janvier 2008 à 10:18