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1997 : L’industrie nucléaire civile, les OGM > TR 5 : Ethique et risque >  Discours de Guy Le Fur : Evaluation des risques et principe de précaution

Discours de Guy Le Fur : Evaluation des risques et principe de précaution

Membre du Conseil économique et social, Confédération paysanne

Biographie :

LE FUR Guy

Compte rendu :

Transcription :


18 octobre 1997 TR 5 : Ethique et risque


Discours de Guy Le Fur :


L’évaluation des risques est difficile et doit s'effectuer au cas par cas. On ne peut globaliser chaque transgène à ses particularités.

Je me contenterai de citer quatre risques potentiels.


Ceux liés à la dissémination dans l'environnement


- la prolifération non maîtrisée des O.G.M. qui se trouveraient en, concurrence avec d'autres espèces et qui auraient des conséquences sur la préservation de la biodiversité.
- le transfert du matériel génétique à d'autres espèces ou variétés avec des conséquences sur l'écosystème : repousse des plantes résistantes, contraintes sur la rotation des cultures, nécessité de gérer collectivement l'introduction éventuelle d'O.G.M. sur un territoire.
- le transfert de matériel génétiquement modifié à des micro-organismes qui se reproduiront à leur tour.
Ces transferts peuvent se faire vers des bactéries ou des virus.
- la réaction d'adaptation au milieu.

On peut imaginer le développement de résistances chez des plantes ou des insectes, l'apparition de nocivité pour certains insectes sauvages.


Les risques inhérents au génie génétique


La science n'est pas en mesure de prévoir avec certitude les effets des modifications génétiques réalisées. Pour cette raison, une série de contrôles préalables à l'autorisation de mise en marché doit être effectuée. Elle concerne les substances toxiques directes, allergènes ou autres substances toxiques.

Il n'est pas facile de prévoir les conséquences de l'introduction des plantes transgéniques cultivées sur des millions d'ha. Il nous faut, dans un cadre cohérent et transparent, définir les moyens réglementaires qui garantissent la santé des consommateurs et le respect de l'environnement. Pour établir ce climat de confiance indispensable, je propose cinq types de mesures :

- la Confédération Paysanne demande l'application du principe de précaution qui s'impose comme une exigence absolue bien avant la satisfaction des intérêts d'ordre économique.
Ce principe de précaution doit se traduire dans des mesures réglementaires cohérentes et précises par la mise en place de processus de décisions démocratiques et indépendantes, mais aussi par l'obligation pour l’Union Européenne de définir juridiquement ce qu’est un risque acceptable.
- nous demandons l'organisation de commissions d'autorisations nationales et européennes véritablement transparentes, pluralistes et indépendantes. Il est impensable que des représentants de firmes, notamment agrochimiques, participent à ces commissions.
- nous demandons la mise en place de moyens financiers conséquents propres à garantir l'indépendance intellectuelle de la recherche publique et permettant aux membres des différentes commissions de consacrer le temps nécessaire à l'étude des dossiers d'O.G.M. qui leur sont soumis.
- nous demandons la mise en place d'un comité d'éthique pour la génétique végétale et animale qui décidera en amont des commissions de génie génétique et du génie biomoléculaire de l'opportunité de telle ou telle transgène.
- enfin, nous demandons que, grâce à l'étiquetage et à la traçabilité, les produits agricoles et agro-alimentaires contenant des O.G.M. soient identifiés et qu'ainsi le public soit pleinement informé lorsqu’il les consomme.


Le troisième risque


Le troisième risque que je pressens est de voir les géants de l'agro-chimie mondiale imposer leur choix aux agriculteurs et consommateurs. Aux U.S.A. les investissements de la recherche biotechnologique sont impressionnants. La concentration des entreprises est rapide. L'application des biotechnologies se fait à grande échelle : + de 4 millions d'ha en 1997.

Quelques chiffres : 90 % de la nourriture se fait à partir de 29 plantes. Les firmes ont déjà obtenu l'autorisation de cultiver 23 de celles-ci, les modifiant génétiquement.

Avec d'autres firmes engagées dans les biotechnologies, Monsanto monopolisent l'environnement juridique dans lequel elles évoluent. Un lobbying actif auprès du Parlement Européen a permis l'adoption d'une nouvelle directive autorisant les entreprises à breveter les plantes et les animaux génétiquement modifiés.

L'un des directeurs de chez Monsanto est le candidat le mieux placé pour présider le F.D.A. : organisme du Ministère de la santé américaine chargé des réglementations de l'industrie alimentaire et pharmaceutique.

Avec une rapidité stupéfiante une poignée d'entreprises est en passe de contrôler la conception, la production, le traitement, la commercialisation de la plus essentielle des marchandises : la NOURRITURE . Devant le pouvoir et l'emprise stratégique que cumulent ces entreprises, les grands groupes de l'industrie pétrolière font figurent d'épicier de quartier.

Ces entreprises sont en train de briser les deux derniers remparts restreignant leur activité : la liberté et le choix des consommateurs.

J'invite la communauté scientifique à lever le nez de leur guidon et à observer les conséquences des applications de leur recherche et découverte en n'oubliant pas que si les agriculteurs ne représentent plus que 4,5 % de population française, plus de 50% des actifs de la planète sont encore des paysans ou ruraux ayant une activité agricole.


La nouvelle agriculture


Le quatrième risque que je vois est celui de la nouvelle agriculture qui se dessine. Le paysan syndicaliste que je suis, utilise son devoir de parole.

Aujourd'hui l'agriculture productiviste est à bout de souffle. Bien qu'elle accapare la quasi totalité des aides publiques, les conséquences de ce type d'agriculture sur la qualité des produits, de l'eau et de l'environnement interpellent les paysans et les citoyens. Ceux-ci s'interrogent sur l'opportunité de continuer à soutenir ce type d'agriculture !

L'agriculture paysanne ou l'agriculture durable sont des réponses appropriées pour sortir de cette impasse. Elle concilie l'équilibre du territoire, la valorisation des ressources naturelles des régions avec la reconquête de la qualité de la nourriture et de l'environnement. Bien qu'elle soit le parent pauvre de la recherche, elle suscite de plus en plus d'intérêt. L'expérience accumulée par les paysans peut servir de référence à un développement exponentiel de ce type d'agriculture.

J'ai bien peur que les perspectives de développement à partir des O.G.M. remobilisent la grande majorité des chercheurs et l'ensemble des crédits publics au détriment de l'agriculture durable.

Il est vrai que ces innovations, la possible recombinaison du vivant, la pression des lobbys, la médiatisation de leur application est fascinante pour les chercheurs et l'opinion publique. Celle-ci souhaite être éclairée.

En conclusion nous souhaitons que, vu les accidents sanitaires et environnementaux induits récemment par l'agriculture industrielle, la société française et européenne mette en place un cadre technique et juridique permettant de mieux évaluer les impacts sociaux, économiques et environnementaux des nouvelles technologies proposées. Pour cela il faudra attribuer des financements pour relancer une recherche publique neutre testant les avantages et les risques de chaque O.G.M. ou innovation importante proposée à la commercialisation.

Il faudra également mettre en place des structures de prises de décisions et de contrôles plus transparentes.






Mis à jour le 14 février 2008 à 10:54