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2009 : L'Heure bleue : Changement climatique, énergies de la mer et biodiversité > Table Ronde 1 – Changement climatique : les enjeux Nord Sud, la sécurité maritime et pêche >  Les glaces fondent : l’Arctique est convoité !

Les glaces fondent : l’Arctique est convoité !

Anne Choquet, enseignante chercheur associée à l’AMURE – UBO.

Biographie :

CHOQUET Anne

Compte rendu :

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Transcription :

15 octobre 2009 Table ronde 1


Discours de Anne Choquet :

(transcription sous réserve de validation)

Brigitte Bornemann : Anne Choquet est spécialiste du droit de l’Arctique et de l’Antarctique. Elle fait sa thèse à l’UBO et devient la grande spécialiste française, européenne et mondiale du droit sur les pôles. Elle travaille de façon extrêmement rapprochée avec la mission de Monsieur Michel Rocard. Nous aurons ensuite la possibilité d’avoir un regard sur un pays, la Mauritanie, qui nous montrera l’impact du changement climatique et comment ce pays est devenu une zone-clé d’observation. Si Laurent Mayet arrive à prendre son avion, je crois que nous aurons la possibilité d’avoir un spécialiste des pôles, membre de la mission de Michel Rocard au Ministère des Affaires étrangères, également membre fondateur du Cercle Polaire. Avec Stanislas Pottier, il a en charge tout le plan de l’administration pour que Monsieur Rocard puisse à la fois avoir les meilleurs spécialistes autour de lui et communiquer très régulièrement avec l’ensemble de ses collègues.

Anne Choquet : Je vais parler de l’Arctique. Je voulais partir de l’idée que pendant longtemps l’Arctique a été protégé par les glaces, mais de manière simpliste, je vais partir de l’idée que les glaces fondent. Donc, de plus en plus, l’Arctique est exposé aux appétits des acteurs économiques et c’est un phénomène qui va certainement s’amplifier dans les années qui suivent au fur et à mesure que la banquise disparaîtra. Je voudrais prendre 3 éléments sur l’Arctique et sur cette idée que les glaces fondent donc qu’on peut envisager de nouvelles activités.
La première idée est d’avoir de nouvelles activités de transport maritime. Vous avez certainement entendu parler des deux passages : le passage du Nord Ouest et celui du Nord Est. Le premier permettrait d’éviter le canal de Panama, le second éviterait le canal de Suez. On envisage donc de plus en plus d’activités dans cette région-là en passant par le Nord au lieu de passer plus au Sud. Il faut savoir que, pour la première fois, en septembre 2009, deux navires commerciaux allemands sont passés par le passage du Nord Est. D’un point de vue économique, c’est intéressant, cela permettrait de gagner du temps donc de l’argent, mais cela a aussi des conséquences sur l’idée que se font les Etats de ce passage. En effet, ils se disputent sur un possible passage dans les eaux arctiques. Je prendrais juste l’exemple du passage du Nord Ouest. Il y a une opposition de plus en plus importante entre le Canada et les Etats-Unis. Les canadiens considèrent que ce passage fait partie historiquement de leurs eaux territoriales et donc qu’ils sont compétents pour réglementer. Cela veut dire que si un navire veut passer par ce chenal, il doit demander l’autorisation au Canada. De leur côté, les Etats-Unis estiment que ce chemin ne passe pas par les eaux canadiennes, mais que c’est un détroit international et, à ce titre, il n’y a pas besoin de demander l’autorisation du Canada. Cela fait des années que les deux pays discutent pour se mettre d’accord. En 1990, un accord stipulait que les brise-glaces demanderaient l’autorisation du Canada. Mais il n’y a pas que des brise-glaces, il y a d’autres bateaux et aussi des sous-marins. Pour le moment, il y a opposition entre deux conceptions : un passage libre et un passage soumis à autorisation. Quoi qu’il en soit, si on arrive à dépasser cette difficulté, il ne faut pas oublier que si de plus en plus de navires empruntent ce chemin, il y aura des conséquences sur l’environnement. Il ne faut pas non plus oublier que le passage sera limité dans le temps au moment où les eaux sont ouvertes. Mais c’est une région fragile, c’est aussi une région dangereuse avec des icebergs. Ces nouvelles activités mettent en exergue la difficulté de protéger l’environnement dans la région.

Le deuxième élément concerne l’exploitation des ressources minérales. Vous avez certainement en mémoire l’image des Russes en 2007 qui plantent un drapeau à 4000 mètres de profondeur sur le pôle Nord. Nous avons tous compris alors que les Russes considèrent que le Pôle Nord leur appartient. La situation est plus compliquée et depuis quelques années, les Etats réfléchissent à l’extension du plateau continental. La convention sur le droit de la mer de 1982 permet aux Etats côtiers d’avoir des droits sur leur plateau continental (Le plateau continental est le prolongement naturel du territoire des Etats sous la mer) notamment pour l’exploitation des ressources sur et dans le plateau. Lorsque le plateau continental s’étend au-delà de 200 milles marins, les Etats ont la possibilité d’étendre leurs droits jusqu’à 350 milles marins. Cependant cette extension du plateau continental, ne pouvait se faire que pendant une certaine période. 2009 est une année déterminante puisque les Etats ayant ratifié la convention sur le droit de la mer jusqu’en 1999, avaient la possibilité jusqu’en mai 2009 d’étendre leur plateau continental. Les Etats entendent bien sûr exercer ce droit d’extension. Cependant, vu la configuration géographique de l’Arctique, si chaque Etat riverain de l’Arctique étend le plateau continental au maximum autorisé, il ne reste presque plus de zones libres, non revendiquées. Les Etats côtiers auraient un droit d’exploitation sur presque tous les espaces. Cela ne voudrait pas dire que d’autres Etats ne pourraient envisager l’exploitation des ressources minérales, mais il faudrait l’autorisation des Etats côtiers.
On ne peut pas envisager l’interdiction des activités liées aux ressources minérales comme on l’a fait pour l’Antarctique. Il faudrait plutôt envisager les conséquences sur l’environnement : si on envisage d’exploiter le pétrole en Arctique, automatiquement cela aura des incidences non seulement au moment de l’exploitation mais également au moment du transport et le risque de marée noire est à prendre en considération.

La troisième activité envisageable est la pêche. Les Etats ont la possibilité d’étendre leur plateau continental, on l’a vu, mais ils ont également la possibilité d’avoir une Zone Economique Exclusive. La ZEE concerne la colonne d’eau, donc essentiellement la pêche. Puisque les glaces fondent, on peut envisager d’aller pêcher dans des régions où on n’allait pas avant d’autant plus que le changement climatique fait évoluer les espèces : des espèces qui étaient plus au Sud vont migrer vers le Nord. Il y a bien sûr des réglementations qui existent comme la Convention sur le droit de la mer et d’autres, mais elles n’ont pas été faites pour l’Arctique. L’Arctique n’entre dans le champ d’application de ces conventions que parce que le champ territorial était universel. On ne peut donc pas être satisfait de la réglementation actuelle que l’on a de l’Arctique. Il y a une multitude de traités, mais on n’a jamais pris de dispositions spécifiquement pour l’Arctique. C’est la raison pour laquelle on entend de plus en plus les Etats et les associations de protection de l’environnement mettre en avant l’idée que ce serait intéressant d’avoir une réglementation propre à l’Arctique. Bien sûr, la difficulté est d’obtenir un accord de tous les Etats riverains Or mettre d’accord les Etats-Unis ou la Russie par exemple sur une limitation, peut-être pas un interdiction, ce n’est pas facile. En revanche, c’est peut-être envisageable à moyen ou à long terme.




Mis à jour le 20 mai 2010 à 09:46