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2009 : L'Heure bleue : Changement climatique, énergies de la mer et biodiversité > Table Ronde 5 – Economie et financement des énergies renouvelables de la mer >  Débat

Débat

Discussion avec la salle
Michel Hignette, Aquarium de la Porte Dorée
Sophie Beauvais, IUEM-UBO
Jean-Michel Gauthier, Deloitte
Jean-Michel Maingain, Federal Finance
Alain Clément, Ecole Centrale de Nantes

Compte rendu :

Regardez la vidéo de l'intervention sur canalc2.tv : cliquez ici.

Transcription :

16 octobre 2009 Table ronde 5


Débat :


Question de la salle : Je voudrais savoir ce qu’est le charbon propre ?

Question de la salle : Je suis Michel Hignette, Directeur de l’Aquarium de la Porte Dorée à Paris. Je suis extrêmement perturbé par l’intervention de Jean-Michel Gauthier. Je considère que dans mes missions, comme celles qu’assume Océanopolis ici, il y a l’information de notre public. J’ai cru naïvement qu’au niveau des énergies renouvelables marines, on devait alerter le public sur ces opportunités. Donc, à l’occasion de la dernière semaine de la mer, je me suis donné du mal pour justement mettre à disposition du public une exposition. Je me demande si j’ai bien fait ou non. Hier, on a entendu qu’il y avait une certaine forme de consensus sur le fait de ne pas dépasser 550 ppm de CO2 dans l’atmosphère parce que cela représente déjà une élévation de 2°C et que c’est le point de bascule. C’est-à-dire qu’il faut diminuer de 50% les émissions de CO2. Vous affirmez que de toutes les manières l’augmentation des émissions de CO2 va être colossale dans les années qui viennent. Vous prenez la base 550 ppm et une augmentation de 3°C ! Y a-t-il besoin de Copenhague ? Est-ce qu’il y a vraiment besoin de communiquer vers le public ou bien est-ce que égoïstement je prends ma retraite et on verra !

Question de la salle : Je suis Sophie Beauvais, je travaille à l’IUEM, je suis coordinatrice d’un programme international, IMBER, sur le rôle des changements globaux sur les océans et l’impact pour l’homme. Je voulais connaître votre opinion sur le coût des changements climatiques. Dans les modèles, quand vous parlez de rentabilité de l’énergie, est-ce que vous intégrez le paramètre du coût des problèmes liés aux changements climatiques comme les migrations de populations, les inondations… Il faudrait peut-être l’intégrer dans la rentabilité parce que les énergies propres vont éviter d’autres coûts.

Jean-Michel Gauthier : Voilà le résumé des conclusions du premier rapport de l’IBCC, donc du GIEC, que j’ai croisées avec des conclusions du rapport Stern et des vues de ma propre équipe chez Deloitte. Vous avez, pour chaque élévation du niveau de concentration de CO2, l’augmentation de température correspondante. Vous avez en dessous l’ensemble des désastres qui peuvent, ou qui vont avec un certain degré de probabilité, nous arriver selon que l’on parvient ou non à stabiliser les émissions de CO2, lesquelles stabiliseront la concentration, laquelle limitera l’augmentation de température. Je réponds également à Monsieur Hignette ; nous ne disons pas qu’avec 450 ppm c’est bon et qu’on va y arriver. 450 ppm dans l’atmosphère cela fait une augmentation de 2°C ! Aujourd’hui, je rappelle que le scénario « Business & Usual », scénario de référence, dit que si nous ne faisons rien, si nous ne mettons pas en place des politiques de réduction drastiques, de développement d’énergies renouvelables, on atteindra près de 1000 ppm en 2100 et 700 ppm en 2050. Cela correspond à une élévation de 7°C en 2100 qui entraîne tous les désastres suivants : impossibilité de cultiver des céréales à des latitudes relativement basses, disparition d’un certain nombre de pays, effondrement de la ligne de côte du fait de la montée des eaux… Quantifions un peu. Le rapport environnemental 2008 de l’OCDE, non publié mais établi selon les règles et les critères de l’OCDE, dit que l’impact de tous les désastres sur la population atteindra 140 millions de personnes en 2070. Sur ces 140 millions, il y aura bien sûr pour l’essentiel des décès, et pour l’autre partie des migrations. On ne parle pas des maladies récurrentes, de l’asthme… On parle de risques majeurs c’est-à-dire migrations de population ou disparitions. Les pays qui seront affectés sont essentiellement ceux qui ont des lignes de côtes relativement basses ou un plateau continental très bas. Pour ceux-là, la montée des eaux sera plus importante. Ce sont le Bengladesh, la Chine, l’Inde, les Etats-Unis avec la Floride, la Californie, les Pays-Bas qui pourraient disparaître. Le gouvernement néerlandais provisionne tous les ans plusieurs milliards d’euros pour financer l’élévation des digues. Dans le milieu dans lequel je travaille, on dit que 140 millions de morts - c’est quand même 4 fois la seconde guerre mondiale – ce n’est rien par rapport à l’augmentation naturelle de la population. C’est vrai, mais il faut voir ça en net, il faut voir les morts, plus les morts du fait du changement climatique moins les naissances. 35 000 milliards de dollars d’actifs sont exposés soit dans le bilan d’opérateur de droit privé, soit dans le bilan des collectivités territoriales de tous ces pays en risque. 35 000 milliards, c’est 3,5 ans de PIB américain. Cela concerne des côtes qui vont disparaître, en Chine notamment, donc des zones portuaires, des zones d’installation industrielle qui vont disparaître. Cela concerne essentiellement la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et plus près de nous les Pays-Bas. Voilà la réponse chiffrée que je peux vous faire. Ce n’est pas insignifiant par rapport au PIB mondial puisque c’est 0,5% du PIB mondial.

Sophie Beauvais : Quand vous estimez la rentabilité d’une énergie par rapport à une autre, est-ce que c’est important de prendre tout cela en compte en se disant qu’on va investir dans les énergies renouvelables parce qu’au final dans 50 ans, on va économiser des milliards de dollars. Est-ce que c’est pris en compte ? ou est-ce que c’est naïf et ce n’est pas du tout pris en compte ?

Jean-Michel Gauthier : La réponse c’est que ce n’est pas du tout pris en compte pour le moment, mais ça l’est de plus en plus. EDF notamment a monté un intéressant modèle financier. Ce modèle est très controversé, il a été monté dans le cadre d’une centrale en Pologne. EDF a financé cette centrale et mesuré l’économie du projet en tenant compte de toutes les externalités : émissions, décès prématurés, mais aussi création d’un bassin d’emplois, domiciliation de personnes grâce à ce bassin d’emplois… Il a pris tout en compte. C’est très intéressant, mais je pense que le modèle est inutilisable parce qu’il y a tellement d’hypothèses sous-jacentes que ce n’est pas manipulable.

Jean-Michel Maingain : Pour répondre à cette question, il y a peut-être un autre chemin à suivre. On ne parle que de l’énergie, mais on ne produit pas d’énergie pour l’énergie, on produit de l’énergie pour l’utiliser et c’est peut-être en aval que la solution peut se greffer. On parlait de changement de comportement à travers la taxe carbone, c’est un débat philosophique. Pour modifier le marché le plus connu par exemple celui de l’automobile ou celui de l’ensemble des biens de consommation qui ont des taux de recyclabilité de plus en plus importants, il pourrait y avoir un changement de normes internationales. Cela, in fine, augmentera le prix de certaines activités polluantes aujourd’hui au bénéfice d’activités moins polluantes, avec des changements de technologies dans la transformation des énergies ou des matières premières pour la production de bien de consommation. Cela modifiera en quelque sorte le marché de l’énergie globale dans son ensemble. Je crois beaucoup plus à ça qu’à la loi du marché de l’énergie tel qu’on vous l’a présenté. La loi du marché, c’est la loi du marché et on ne peut rien n’y faire. Quand j’évoquais tout à l’heure les ISR, dans les investissements financiers que nous faisons, nous intégrons déjà ce genre de paramètres dans de nombreux secteurs d’activités. Le marché de l’énergie n’est pas isolé, il faut raisonner dans la globalité des secteurs d’activité à mon sens.

Alain Clément : Je voulais juste réagir à la dernière remarque de Monsieur Gauthier pour faire le constat de la très grande difficulté à projeter les modèles et à effectivement avoir des résultats relativement réalistes en incorporant les externalités ce qui va pourtant devenir indispensable. C’est tellement difficile que le plus souvent on a des modèles très conservateurs. Les financiers nous disent que ce qu’on connaît c’est la situation aujourd’hui ; il y a tellement d’hypothèses pour demain qu’ils préfèrent continuer à raisonner de la même manière. Sur des modèles trop conservateurs justement, alors qu’on sait bien que la courbe du coût du KW/h d’énergies fossiles va monter et que la courbe du coût du KW/h d’énergies renouvelables va descendre et qu’elles vont se croiser un jour, mais on ne sait pas quand. Assez souvent on dit que comme on ne sait pas, on prend le modèle actuel. Donc très souvent on a une décision « go ou no go » sur des modèles très conservateurs dont tout le monde sait qu’ils ne sont pas adéquats pour le futur même dans quinze ou vingt ans.

Jean-Michel Gauthier : En un mot qu’est ce que le charbon propre ? C’est 4 possibilités. Vous le savez, le charbon est le meilleur de tous les combustibles, il n’a qu’un handicap, ce sont ces émissions de CO2 liées à sa combustion. Il y a 4 manières de les piéger et si on annule ce handicap, on peut presque se passer de pétrole, du Moyen-Orient et à l’évidence, on n’a plus besoin du pétrole de l’Irak.
Première possibilité, j’utilise du charbon, je le brûle dans une centrale, je fais chauffer un réseau d’eau, je produis de la vapeur que je détends dans une turbine et je produis de l’électricité. Ça c’est l’électricité depuis le XIXème siècle. Mais les émissions de CO2, je les capte, tout est dans le mot de « capter », et par un système de gazoduc, puisque le CO2 est un gaz, j’expédie ce gaz dans un site où je peux le stocker. Aujourd’hui on fait des tests de stockage dans d’anciens champs de gaz qui ont été vidés. Donc on remplace le CH4, gaz naturel produit, par du CO2 et on referme. Dans tout ceci, il y a énormément d’hypothèses parce que ce n’est pas si simple que ça. Les trois autres techniques sont : j’ai du charbon, je le convertis en gaz, je condense le gaz et j’obtiens du très beau gasoil. Au passage, quand le charbon est devenu gaz, j’extrais le CO2 et je le piège. La troisième voie, c’est d’en faire du méthanol et de transformer le méthanol en l’associant avec un autre produit pétrolier et d’en faire encore du gasoil. Et la quatrième voie, c’est ce que font les chinois aujourd’hui, ils ont une superbe centrale à conversion du charbon en liquide qui se trouve en Mongolie intérieure. C’est la première implantation industrielle de ce nom, les chinois convertissent directement du charbon en gasoil, c’est une technologie anciennement française qui a été bien copiée. Donc soit on en fait de l’électricité propre soit les trois autres routes dont je viens de parler en font du très beau gasoil. A ce moment-là, vous pouvez utiliser ce gasoil dans votre véhicule sans aucune crainte des rejets de CO2, mais ça ne vous affranchit pas des rejets de particules ni de souffre.





Mis à jour le 28 octobre 2009 à 12:57