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1999 : de l’animal à l’homme > TR 4 : alimentation, risques et idées reçues >  Discours de Marylise Lebranchu

Discours de Marylise Lebranchu

Secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce et à l'Artisanat, chargé de la consommation

Biographie :

LEBRANCHU Marylise

Compte rendu :

Transcription :


22 octobre 1999 TR4


Discours de Marylise Lebranchu :


Depuis que Bernard Chevassus est à la présidence de l’agence, tout va bien, on a bien fait de lui donner cette responsabilité, sachant qu’il exercera en toute indépendance. Depuis quelques mois, je gère des crises en collaboration avec le ministère de la santé, le ministère de l’agriculture, la direction générale de l’alimentation, ainsi que celui de l’environnement. Je suis dans un bureau hérité de l’Ancien régime et au milieu de tout ça, on vous dit le Coca-Cola, ça rend malade. D’abord le Coca-Cola, maintenant on pense que ce n’était pas un vrai problème. Cette gestion de crises apprend beaucoup et d’abord qu’on est soumis à l’impact de ce qu’on va dire, ce que je n’arrive pas à gérer, c’est la difficulté de dire et de nuancer les effets. J’ai un vrai souci, que je partage avec Dominique Gilot et Jean Glavany sur le lait cru. Par exemple, sur le fromage au lait cru, c’est vrai qu’il y a de la listeria sur le fromage au lait cru mais et il est hors de question qu’on me pasteurise mon fromage, c’est un choix, je ne redis pas ce que vous avez dit tout à l’heure sur la mutualisation du risque. En revanche, je trouve terrible qu’on me dise qu’il est impossible d’écrire sur le fromage au lait cru, déconseillé aux femmes enceintes, si on écrit déconseillé aux femmes enceintes, les gens n’en achèteront plus. Je voudrais pouvoir dire oui à la listéria, mais je voudrais signaler aux femmes enceintes, attention, vous prenez un risque. C’est ça que je ne sais pas bien gérer. On est balancé entre la gestion rationnelle et l’irrationnel. Ce que je sais, c’est que je n’ai pas le droit de laisser circuler un produit où il y a trop de listéria pour une femme enceinte, une personne anorexique et une personne immunodéficitaire. Je n’ai pas le droit de laisser filer un mort potentiel sous prétexte qu’il n’y aurait qu’une chance sur dix millions, ça me crée des paniques générales, mais je ne prendrai jamais, en tant que responsable politique, le risque qu’il y ait une personne qui fasse une listériose, parce que je pense que le fromage au lait cru est une bonne chose. Il n’y a pas d’éducation à la consommation. Il y a un peu d’éducation à l’alimentation. Plus il y aura de contrôles, plus il y aura d’articles dans les journaux puisque j’ai décidé, au nom du gouvernement, que je dirai tout, je serai dans un choix de transparence totale, si par exemple dans le Sud-Finistère il y a 3 coliques dûes à un problème dans une conserverie de poisson, je le dis. Si je ne le dis pas, je perds la confiance du consommateur. Notre principe, c’est précaution. Vigilance, quand je sais, je dis que je sais. Transparence, tous les avis sont sur le net. On peut être tenté de dire, ils viennent de soulever un problème, ça va paniquer le citoyen parce qu’il vient d’en manger, ne pourrait-on pas essayer de gagner du temps, pour préparer le consommateur à la nouvelle qu’on va lui annoncer en lui disant, ça fait 6 mois que vous bouffez de la dioxine ? On pourrait être tenté de dire je vais gagner quelques jours, je vais m’arranger pour qu’il y ait un article sur le faible danger de dioxine avalée en petites quantités et quand j’aurai fait cet article, tiens, eh ! bien tout compte fait, c’est vrai que ce n’est pas tellement dangereux, je peux vous le dire, ça fait six mois que vous en mangez. Il faut éviter tout risque, mais il n’y a pas de risque zéro, on ne peut pas tout analyser parce que l’on n’en a pas les moyens. En revanche, il faut une faute zéro. Je sais à 8 heures, je dis à 8 heures 5, je sais que dans telle entreprise il y a eu tel accident, je ferme tout de suite et je rapatrie tout de suite. La gestion des alertes européennes est importante. Même si je fais une faute zéro sur un territoire et que j’importe d’un pays des produits qui n’ont pas les mêmes contrôles, je peux faire une faute zéro sur mon territoire et empoisonner autant de gens avec des pistaches en provenance d’Iran avec des champignons de certains pays de l’Est... Il faut donc qu’il y ait un accord international. Le problème de l’exportation et de son contrôle doit suivre. Problème d’un accord européen et international et solidarité internationale pour s’assurer que les produits rejetés ne soient pas donnés à d’autres citoyens. Il faut qu’on ait une forte responsabilité politique dans des pays riches comme les nôtres. Il faut qu’on en prenne plein la figure, moi j’en ai pris plein la figure avec “Le Canard Enchaîné” parce que j’avais dit que les poulets mangeaient, excusez-moi l’expression triviale, ils mangent de la merde dans la cour. C’est vrai que j’avais à faire à une crise sur l’alimentation animale qui était totalement dénuée de fondements scientifiques. On me disait si dans l’alimentation animale on a mis des boues de station d’épuration, agroalimentaire, les animaux étaient contaminés et on est tous contaminés, on est tous malades. Non, on n’était pas contaminé. En revanche ce n’est pour ça qu’il ne faut pas mettre n’importe quoi dans la nourriture animale arrêter de jouer avec le feu. P ire, on a voulu dire au citoyen que même quand ce n’est pas bon , je pense au poulet industriel qui était à l’époque le produit désigné comme n’étant pas bon, il y a encore des gens qui n’ont pas les moyens d’acheter meilleur et qui ne mangeront pas du foie gras ce soir, il ne faut pas qu’en plus il y ait un problème sanitaire. Il faut séparer le bon et le dangereux, déconnecter l’idée que le bas de gamme puisse être dangereux. On doit changer de discours, il faut d’abord mettre l’accent sur la sécurité sanitaire. Le problème avec les Américains, qui font obstruction sur des produits de terroir, des produits d’image à partir d’un problème qui est un problème de sécurité sanitaire. Quand ils disent : non au foie gras du Périgord parce que vous êtes méchante et vous ne voulez pas manger de viande aux hormones. Ils sont en train de faire un problème identitaire et peut-être qu’ils nous conduiront beaucoup trop loin. Parce que de l’identitaire que j’aime tellement parce que je suis bretonne, je crois qu’il faut faire attention à ne pas faire de protection nationaliste qui conduirait à d’autres théories qui malheureusement ont encore cours. A Seattle, on ne devrait pas seulement penser à se protéger, mais à protéger les pays en voie de développement. Si on pouvait avancer dans ce débat, ce serait bien. Oui, ici vous mangez correctement parce qu’ailleurs la sécurité sanitaire n’existe même pas, les gens mangent ce qu’ils peuvent. Merci.




Mis à jour le 05 février 2008 à 17:17