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1998 : Risques associés aux progrès technologiques > Débat enregistré par France Culture "Staccato": L'eau douce en danger >  Discours de Philippe Hartemann : L'eau douce en danger

Discours de Philippe Hartemann : L'eau douce en danger

Professeur, directeur du Laboratoire d'Hygiène et de Recherche en Santé Publique, Université de Nancy

Biographie :

HARTEMANN Philippe

Compte rendu :

Transcription :


23 octobre 1998 Débat France Culture "Staccato"


Discours de Philippe Hartemann :



L’eau est un élément (et un aliment) indispensable à la vie. Elle sert à la boisson, à la toilette et aux différents besoins ménagers, aux loisirs, mais aussi aux transports, à l’élimination des effluents liquides (… et parfois solides !), de matière première, etc…. Sa mauvaise qualité ou son absence seraient responsables de 30 000 morts par jour à l’échelle du globe et 35% des gastro-entérites aiguës seraient dues à des virus transmis par l’eau.

Des critères de qualité sont fixés dans de nombreux pays, en général à partir des recommandations de l’OMS, en particulier pour l’eau destinée à la boisson (norme de potabilité). Par rapport à ce type de critères, il apparaît que plus de 1,5 milliard d’habitants n’a pas accès à l’eau potable, dont au moins 100 millions en Europe. Il reste donc encore beaucoup à faire et concrètement, le Dr. Mahler, ancien Directeur Général de l’OMS rappelait que « le nombre de robinets pour 1 000 personnes est un meilleur indicateur de la santé que le nombre de lits d’hôpitaux », la santé étant un état complet de bien-être physique, mental et social.

On connaît depuis longtemps l’existence de maladies hydriques dont l’agent pathogène, microbien, est véhiculé par l’eau, et notamment les eaux superficielles. Cet agent peut être une bactérie, et dans ce cadre nous ne pouvons ici que citer rapidement les salmonelles, les shigelles, Escherichia coli et les bacilles coliformes d’origine fécale, les vibrions cholériques, les legionella, etc… Les virus les plus fréquemment observés dans les eaux polluées sont les entérovirus (poliovirus), mais aussi les Coxsackie virus et les Echovirus, responsables de gastro-entérites et/ou de syndromes neuro-méningés. On connaît également le rôle de l’eau dans la transmission du virus de l’hépatite A, des Corona et Rotavirus, redoutables agents de gastro-entérites, en particulier infantiles. En général, ces virus sont plus persistants dans l’environnement et plus résistants aux traitements de désinfection ainsi que les parasites dont la liste est aussi fort longue ; Entamoeba histolytica, Gardia lamblia et Cryptosporidium parvum, dont les kystes, résistants aux désinfectants, peuvent survivre très longtemps dans l’eau, ainsi que, sous d’autres climats, les parasites tropicaux, dont le milieu hydrique est riche.

Les divers facteurs de pollution physico-chimique posent un problème difficile et urgent, menaçant la qualité des eaux superficielles, mais aussi des nappes souterraines et des eaux de mer. La pollution par les sels minéraux est fréquente : sodium, chlorures mais surtout nitrates, provenant des effluents domestiques, des engrais agricoles et de certains établissements industriels (abattoirs, tanneries…), retrouvés dans les nappes souterraines. Les nitrites peuvent être à l’origine de méthémoglobinémie chez le nourrisson, mais aussi former des nitrosamines cancérigènes. Les dérivés du phosphore sont issus des lessives et participent, avec ceux de l’azote, aux phénomènes d’eutrophisation.

La pollution par des métaux (plomb, mercure, cadmium…), déversés par les industries, pouvant s’accumuler en certains points du littoral, ou dans la flore et la faune aquatique (coquillages, poissons) est à l’origine de foyers d’intoxication, dont certains sont bien connus : maladie de Minamata (dérivés mercuriels), maladie Hitaï-Hitaï (cadmium). Même absorbés à faibles doses par le consommateur, ils peuvent s’accumuler et être responsables de pathologies à long terme affectant, selon les cas, le système nerveux, le rein ou le squelette.

La pollution organiques par les détergents non biodégradables, les pesticides, les hydrocarbures, qui ont une toxicité propre, est inquiétante par son rôle éventuellement cancérigène, connu pour les hydrocarbures polycycliques aromatiques.


Les agents pathogènes ont plusieurs caractéristiques :

. les pathogènes sont discrets et non en solution ; ils sont souvent liés aux particules en suspension dans l’eau si bien que la probabilité d’avoir une dose infectieuse ne peut pas être prédite par leur concentration moyenne dans l’eau ;
. la probabilité d’être contaminé par un pathogène, créant une infection, dépend de la virulence du pathogène, mais aussi de l’immunité de l’individu ;
. si l’infection est établie, les pathogènes se multiplient dans leur hôte. Certaines bactéries pathogènes sont aussi capables de se multiplier dans la nourriture ou les boissons, et de ce fait perpétuent ou accroissent même les risques d’infection ;
. à la différence de nombreux agents chimiques, la réponse n’est pas proportionnelle à la quantité de pathogènes.

A cause de ces propriétés, il n’y a aucune limite inférieure tolérable pour les pathogènes, et l’eau destinée à la consommation, à la préparation de la boisson et à la nourriture, ou à l’hygiène personnelle, ne devrait pas contenir d’agent pathogène pour l’homme. Le contrôle fréquent des organismes indicateurs fécaux est la manière la plus sensible et spécifique d’évaluer la qualité hygiénique de l’eau. Cependant ces indicateurs de contamination fécale ont des insuffisances maintenant bien démontrées et des progrès récents permettent de mieux limiter le risque dans les pays développés.

Des milliers de produits chimiques inorganiques et organiques ont été identifiés dans l’eau potable distribuée dans le monde à des concentrations extrêmement basses. Les produits chimiques sélectionnés pour définir les valeurs guide incluent ceux considérés comme potentiellement à risque pour la santé humaine, ceux détectés dans des concentrations relativement élevées.

De plus, les valeurs guide proviennent d’une étude prudente des informations scientifiques disponibles dans le domaine de l’évaluation des risques sur la santé humaine en cas d’exposition aux produits chimiques présents dans l’eau potable utilisant les principes décrits dans le volume 1 des Directives de qualité pour l’eau de boisson. Les nouvelles substances sont seulement prises en considération si l’évidence scientifique le justifie.

L’OMS a différentes approches vis-à-vis des produits chimiques, y compris les carcinogènes non génotoxiques, pour lesquels on considère qu’une dose minimale ne produit pas d’effets indésirables, et les cancérigènes génotoxiques

Les valeurs guide des produits chimiques de ce groupe utilisent l’approche : Admission Quotidienne Tolérable (A.Q.T.). C’est une estimation de la quantité de substance dans la nourriture ou l’eau portable, exprimée sur la base du poids du corps, qui peut être ingérée quotidiennement dans une vie sans risques appréciables pour la santé. La valeur guide provient donc de cette Admission, prenant en compte le poids du corps, la fraction de l’A.Q.T. affectée à l’eau potable et la consommation quotidienne d’eau potable. La procédure exacte, incluant les facteurs d’incertitude utilisés pour calculer l’A.Q.T., est décrite dans le volume 1 des Directives de qualité pour l’eau de boisson.

Pour les cancérigènes génotoxiques, l’événement déclencheur est généralement considéré être l’introduction d’une mutation dans la matière génétique (A.D.N.) de cellules somatiques (I.E. les cellules autres que les ovules ou le sperme). Théoriquement, il n’y a aucun seuil pour ces effets. Par conséquent, il y a probabilité de risque à tout niveau d’exposition. Le développement d’une A.Q.T. est donc considéré comme inadéquat. Une approche mathématique d’extrapolation de risque à faible dose est plutôt appliquée lors de la mise en place de valeurs guide pour ces composés. Le modèle employé était généralement le modèle linéaire à plusieurs niveaux. La valeur guide d’un composé spécifique de ce groupe est présentée comme la concentration dans l’eau potable associée à un risque de cancer à long terme estimé à 10-5 (un cas supplémentaire de cancer pour cent mille personnes ingérant l’eau potable contenant la substance de la valeur guide pendant soixante-dix ans).

Les valeurs guide pour les composés de cette catégorie doivent être considérées aux mieux comme une estimation grossière du risque de cancer. Les modèles mathématiques appliqués ne tiennent habituellement pas compte de considérations importantes sur le plan biologique, telles que la réparation de l’A.D.N. ou les mécanismes immunologiques de protection. Cependant, les modèles utilisés sont prudents et probablement pèchent par excès de prudence (un cas de maladie pour 100 000 personnes exposées vie entière pour l’OMS et un cas pour un million en France). Sur la base de ces considérations, des valeurs recommandées pour les produits chimiques relatifs aux impacts sur la santé dans l’eau potable ont été définies.






Mis à jour le 26 février 2008 à 15:08