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1999 : de l’animal à l’homme > TR 2 : L'élevage et la consommation face à la mondialisation >  Discours de René Louail

Discours de René Louail

Paysan, producteur de porcs et poulets, Secrétaire national de la Confédération Paysanne

Biographie :

LOUAIL René

Compte rendu :

Transcription :


22 octobre 1999 TR1


Discours de René Louail :


Je suis avant tout paysan au moins 4 jours par semaine même avec des fonctions de Secrétaire National de la fonction paysanne, on n’est pas des professionnels de la représentation, on est des représentants professionnels, c’est la différence. La Confédération Paysanne existe depuis 1987, ce qui peut paraître paradoxal, c’est que nous avons arraché le pluralisme en agriculture depuis un peu plus de 2 ans. La Confédération représente un petit peu de 20% des agriculteurs au niveau national et dans cette région bretonne nous représentons 38% des agriculteurs. Nous sommes majoritaires dans quatre chambres d’agriculture au niveau national. Je suis agriculteur avec mon épouse du Centre Bretagne sur une exploitation de 38 ha sur laquelle on produit des porcs labels et des volailles labels, ce qui nous a amené à des types de productions plus respectueuses des hommes et de l’environnement. Ce débat sur l’alimentation, c’est analyser les phénomènes de développement dans l’agriculture pendant ces 50 dernières années. Nous sommes passés d’une situation déficitaire de produit agricole et alimentaire au niveau national et Européen depuis ces 40, 50 dernières années, à une situation excédentaire dans les années 50 et 60. Pour relever ce défi, il nous fallait moderniser l’agriculture en terme de volumes, il nous fallait aussi permettre aux agriculteurs concernés d’avoir des conditions de revenus et de travail au même titre que les autres catégories sociales. La situation en 1970 était telle qu’on parlait de 3 à 400 000 chômeurs, c’était l’époque où l’industrie avait besoin de main d‘oeuvre. Le développement de l’agriculture s’est faite à travers tous ces éléments, lorsqu’un système atteint une telle performance, si nous ne modifions pas les données, on arrive à une situation chronique et structurelle où le problème de la restructuration devient permanent. L’agriculture a besoin d’aides, reste à voir comment ses aides sont distribuées. Il y a sans doute un aspect que je tiens à signaler sur la réforme de 1992, ça a permis d’avoir de la transparence des aides à l’agriculture. Un kilo de céréales qui était payé 1.20 f, on ne faisait pas la différentiation en ce qui était du niveau de soutien et du niveau de prix de marché, par contre ce qui est extrêmement négatif, c’est qu’on n’a pas changé les critères d’attribution des aides à l’agriculture, étant donné qu’on soutenait l’agriculture au volume, c’est à dire plus je produis, plus je suis soutenu et nous étions dans un système où 20% des agriculteurs bénéficiaient à peu près de 80 % des aides. Si nous faisons le bilan depuis 1992, ramener au niveau national, on perd chaque année entre 40 et 50 000 emplois, ça veut dire qu’il y a substitution capital-travail, les accords de Berlin n’ont pas modifié ce que l’on pouvait attendre, dans cette logique il y a à la fois une agriculture qui est hautement soutenue, on ne peut pas parler de modèle agricole européen, il n’y a rien de comparable entre le producteur de pêchers dans la plaine de Cnau qui passe de 1500 hectares à 1700 en ce moment et le producteur qui a 1 ou 2 hectares de vergers, et aucune comparaison entre le producteur de porcs de cette région et celui de Bretagne. Ce sont des agricultures différentes. En terme de productivité par emploi, un travailleur dans un système ultra-sophistiqué peut produire entre 6 à 700 tonnes de viande par an. On en arrive à une concurrence extrême selon le mode de production. Il y a un autre aspect qu’il faut prendre en compte, dû à cette course infernale à la compétition, l’endettement des agriculteurs augmente considérablement, 30% des agriculteurs sont endettés à plus de 100%, si je prends la ceinture rose ou la ceinture dorée de la Bretagne, producteurs légumiers que vous connaissez bien, l’échantillon moyen d’un de ces producteurs atteint 95% d’endettement. Ils ont doublé le niveau de production individuellement depuis 10 ans, cette logique infernale du soutien au volume a fonctionné pendant une époque, mais qui induit tout ce système pervers de ce type d’agriculture. Et on ne peut pas indéfiniment déconnecter les fonctions de l’agriculture. C’est l’ensemble de l’agriculture que nous devons prendre en compte. La sécurité alimentaire ne se limite pas qu’à un phénomène bactériologique d’un produit. L’agriculteur a sa part de responsabilités mais il n’a que sa part de responsabilités. On l’a vu lors de la dioxine, la plupart des agriculteurs ne savent pas ce qu’ils donnent à leurs bêtes. Il doit y avoir un cadre légal règlementaire qui doit protéger le producteur et le consommateur. Nous avons des solidarités à mettre en place, et des exigences dans la chaîne de plus en plus longue de l’alimentation, et il faudra qu’on sache que les prix agricoles doivent être payés à leur prix, à leur juste prix. C’est l’enjeu et il y a un autre débat, l’agriculture souffre de toute une mondialisation des échanges. On en arrive à des politiques totalement suicidaires. Les négociations de Seattle ont un enjeu important. On a intérêt à rester dans un cadre communautaire ici, plutôt que d’aller dans la cour des grands ce qui risque de délocaliser les productions et de casser l’emploi et la qualité du produit.




Mis à jour le 05 février 2008 à 14:45