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1999 : de l’animal à l’homme > TR 4 : alimentation, risques et idées reçues >  Discours de Paul Lannoye

Discours de Paul Lannoye

Député et européen belge, "Sécurité alimentaire et principe de précaution"

Biographie :

LANNOYE Paul

Compte rendu :

Transcription :


22 octobre 1999 TR4


Discours de Paul Lannoye :


Je dois signaler que je suis député européen, vert, je suis depuis 10 ans dans une Commission qui est confrontée au problème de sécurité alimentaire qui est la Commission de l’environnement, de la Protection des Consommateurs et de la Santé. Monsieur Romano Prodi, qui est le nouveau Président de la Commission Européenne, a clairement dit quelle était sa priorité, il a compris que l’opinion européenne et en particulier le Parlement européen était très préoccupé de la sécurité alimentaire. Toute la législation en matière de sécurité sur les additifs, les hormones etc., n’est plus nationale, elle est européenne. C’est une charge lourde qui est donnée au Parlement Européen, 50% et 50% au Conseil des ministres.

Revenons donc aux risques alimentaires, liés au problème de l’industrialisation et à celui de l’allongement de la chaîne alimentaire. Je parlerai de la table à l’étable, la chaîne a bien plus de maillons, problème des matières premières qui viennent d’un peu partout, exemple du soja qui ne vient jamais d’Europe, des formes transformées, du maïs qui vient de l’extérieur. L’allongement des chaînes a pour conséquence et l’actualité le prouve, le risque de plus d’accidents ou de fraudes. Lorsqu’il se produit quelque part dans un des maillons de la chaîne, cela a des retombées sur le produit fini. Ce qui s’est passé en Belgique avec la dioxine, entre le moment où l’on a découvert que les poulets s’effondraient à cause de la dioxine et le moment où l’on a trouvé la cause il s’est passé plusieurs mois. Pourquoi, parce qu’il a été extrêmement difficile de remonter la filière de l’alimentation de ces poulets et que les graisses animales qui étaient utilisées étaient, c’est vrai, frauduleuses. Mais il y avait aussi des graisses dont la provenance n’était pas frauduleuse et on a hésité pendant des semaines pour savoir s’il y avait une ou plusieurs sources. Je crois qu’on n’est pas toujours sûr qu’il n’y ait qu’une source. C’est un organigramme particulièrement complexe, ce n’est pas facile de s’y retrouver. Je vais évoquer un autre accident, dont on n’a très peu parlé, en Allemagne. On a constaté une teneur en dioxine dans le lait qui était tout à fait anormale, d’où venait cette dioxine, là aussi il a fallu du temps, ça venait d’écorces d’agrumes brésiliennes, qui avaient été séchées en présence de kaolin contaminée par la dioxine. Ces écorces se sont retrouvées dans les alimentations animales et dans le lait produit par les vaches. La Commission a réagi et a improvisé une norme pour les écorces d’agrume. On joue pour le moment un peu au coup par coup, on répond à l’actualité et maintenant il va falloir aborder l’ensemble de la problématique. Au bout des chaînes alimentaires il y a toujours une concentration des polluants, qui ont une tendance fâcheuse à se concentrer dans les parties grasses. Je pense notamment aux organes d’eau chlorée et aux métaux lourds et autres substances, qui se reconcentrent dans la matière grasse, végétale et animale, qui en bout de chaîne sont dans des concentrations bien plus importantes que par exemple dans l’eau de la mer. Je pense par exemple ici aux farines de poisson qui servent d’aliment pour le bétail. Les farines de poisson dans une mer polluée, présentent des teneurs qui sont vraiment très problématiques. Il ne faut pas cacher qu’il y a un conflit interne à l’Union Européenne, parce que les pays grands producteurs de farines de poisson rechignent à adopter des normes sur la dioxine et les organes d’eau chlorée parce qu’ils se rendent compte qu’ils auront du mal à avoir une farine de poisson correcte.

N’oublions pas de signaler l’usage d’additifs à l’alimentation animale qui sont présents en toute légalité. Il s’agit d’antibiotiques et autres médicaments qui sont là à des fins prophylactiques parce que les animaux sont dans des conditions de vie peu idéales, outre le stress il y aussi la promiscuité et les antibiotiques qui stimulent la croissance. C’est un problème grave, peu de consommateurs savent qu’il y a des résidus d’antibiotiques dans les poulets qu’ils mangent. Au nom du principe de précaution, qui est à la base d’une politique européenne, on s’écarte de la notion de vérité scientifique, on n’attend pas des experts qu’ils disent voilà la vérité scientifique, voilà une preuve, on table sur l’incertitude, soit pour agir, soit pour ne pas intervenir. L’incertitude scientifique ne doit pas être un prétexte au manque d’action en ce qui concerne la protection de l’environnement, c’est le cas pour la Convention sur la biodiversité ou pour la Convention sur le climat. Il vaut mieux s’abstenir en cas de risque grave et on retombe sur les experts pour qu’ils évaluent la gravité de risque irréversible. Les éléments radioactifs à longue durée de vie, c’est la même chose. Un des enjeux, c’est d’une part l’application correcte de ce principe de précaution et c’est la défense de ce principe face à l’O.M.C. qui ne reconnaît pas ce principe. L’Europe est en difficulté statutaire devant cet organe de règlements qui a tranché en faveur des U.S.A. pour ce qui est de la viande aux hormones. L’Europe n’a pas su prouver la toxicité et la gravité irréversible de ce produit. On doit être soucieux du suivi de cette rencontre et même si la France est le pays le plus progressiste en la matière, on doit rester vigilant et ne pas continuer à croire dans les vertus d’une organisation comme l’O.M.C. On doit essayer d’en changer les règles, car si on ne les change pas, ce n’est plus la peine de faire des législations, elles seront battues en brèche par la puissance du commerce international.





Mis à jour le 05 février 2008 à 17:18