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1999 : de l’animal à l’homme > TR 7 : L'embryon, héros inconnu du débat bioéthique >  Débat de la table ronde 7

Débat de la table ronde 7

Véronique Amice, C.H.U. de Brest
Bernard Edelman, avocat
Dominique Mehl, Sociologue CEMS
Jean-Jacques Perrier, Biofutur
Elisabeth de Fontenay, philosophe

Compte rendu :

Transcription :


23 octobre 1999 débat TR7


Débat :




Bernard Edelman :
Le juriste est un petit peu perplexe sur cette question de l’embryon parce que si vous voulez globalement le juriste ne connaît que deux catégories juridiques fondamentales : Les choses et les personnes. Est-ce que l’embryon est une chose ? Est-ce que l’embryon est une personne ? Vous vous doutez bien que la réponse à cette question est cruciale, si l’embryon est une personne, on va le traiter comme une personne, donc il aura le respect dû à tous les êtres humains sinon personnes, parce qu’en droit le terme personne implique déjà une conscience de soi : Si l’embryon est une chose, il a le droit au statut de la chose, c’est à dire manipulé, vendu etc.

Il est un fait que dans les lois sur la bioéthique, la loi ne s’est pas prononcée, elle n’a pas dit que l’embryon était une chose, ni que l’embryon était une personne. Elle n’a rien dit, elle s’est bornée à protéger l’embryon contre certaines dérives, on ne peut pas en faire pour la recherche, on ne peut pas l’expérimenter, ce qui ne donne pas une définition positive de l’embryon. Elle n’a pas dit que c’était un être humain, elle n’a pas dit que c’était une chose. Il faut quand même vous dire que la loi Veil sur l’avortement dit qu’un être humain a le droit au respect de la vie dès le commencement. La loi Veil considère que l’embryon est un être humain. Bel et bien. Et elle donne à la femme le droit de tuer un être humain, parce que la femme se trouve en légitime défense. C’est le dispositif de la loi. Jamais la loi Veil n’a dit que l’embryon était une chose et qu’il ne coûtait rien de supprimer une chose. Curieusement les lois sur la bioéthique n’ont pas repris cette définition de l’être humain, elles n’ont rien dit comme je viens de vous le dire, en revanche nous avons eu une décision du Conseil constitutionnel du 27 Juillet 94 qui, saisi de la question du statut, des embryons, a déterminé une différence entre les embryons, d’un côté il y a les embryons in vivo, qui ont le droit au respect de tout être humain et puis les embryons in vitro, qui n’ont aucun droit. Ce ne sont pas de êtres humains, ils n’ont donc pas le droit au respect auquel a le droit tout être humain. Ce qui veut dire, en réalité en filigrane, on peut en faire ce qu’on en veut. On peut les expérimenter, on peut en fabriquer etc. C’est la logique intime du Conseil constitutionnel pour vous faire comprendre, quand même l’émotion juridique qui saisit le lecteur de cette décision, c’est bien évidemment l’indignation, puisque le Conseil constitutionnel est notre plus haute assemblée. Le Conseil constitutionnel vient en quelque sorte rajouter à la loi, puisqu’il dit que l’embryon in vitro n’est pas un être humain, il ouvre en quelque sorte toute une perspective visant à faire de l’embryon in vitro, une chose et toutes les dérives possibles. Voilà en deux mots quel est l’état du droit. Comment peut-on voir les choses pour la révision, de mon point de vue, les jeux sont faits. C’est à dire que comme je m’intéresse à ces questions, depuis fort longtemps, je vois que toutes les logiques scientifiques qui ont été mises en place, depuis des années se sont toujours révélées triomphantes. Cette loi bioéthique, faite pour 5 ans, mais 5 ans qu’est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire qu’on n’ose pas aller top loin. Qu’on accoutume l’esprit des bons français à accepter de plus en plus et dans 5 ans une fois qu’ils auront beaucoup accepté, dans 5 ans ils en accepteront encore plus. Et on va inévitablement, à mon sens hélas ! mais c’est un hélas ! qui ne concerne que moi. On va vers les législations anglo-saxonnes. On vous a déjà dit ici-même que la loi française avait du retard, du retard sur quoi ? Sur la barbarie ? On a du retard sur la barbarie, c’est vrai. On a du retard parce qu’aux États Unis, on peut le faire, on a du retard sur quoi ? Sur la civilisation scientifique ? On appelle ça du retard, après on vous dit le D.P.I., on le fait pas très bien en France, donc on va faire du tourisme, du D.P.I.ste si j’ose dire, c’est à dire, c’est le tri des embryons. On a plusieurs embryons in vitro, on choisit le meilleur, et on réimplante.

Véronique Amice:
Ce n’est pas exactement ça. C’est dans le cas où il y a des anomalies génétiques.

Bernard Edelman :
C’est ça, aujourd’hui et demain ? Aujourd’hui, c’est le cas des anomalies familiales, demain ce sera le meilleur. Lisez “Science and nature.”

Véronique Amice:
On le fait déjà involontairement puisqu’on choisit les plus réguliers, les plus aptes à pouvoir s’implanter. C’est déjà comme ça d’une certaine façon.

Bernard Edelman:
On vous demande vous avez trois embryons In vitro, vous vous dites lequel est le meilleur, lequel est le plus apte ? Vous choisissez le meilleur voilà. Réimplanter. Mais bon, à l’heure actuelle en France, c’est si j’ose dire, c’est embryonnaire alors qu’ailleurs, c’est fort bien développé. Si vous voulez, pour terminer quand même, ce qui se joue en réalité, sur l’embryon, va beaucoup plus loin que l’embryon, nous avons tous été des embryons, bien sûr. En fait l’homme peut-il s’expérimenter sur lui-même ? Le statut de l’embryon, c’est l’homme a-t-il ou non, se donne-t-il ou non, la faculté de s’améliorer, ne me demandez pas ce que c’est qu’un homme amélioré, personne ne le sait, mais ça fait bien, ça n’est pas parce qu’on ne sait pas qu’on ne fait pas. Donc, si vous voulez je crois, et je parlais de Nietzsche tout à l’heure, je crois que là, on est vraiment dans une visée Nietzschéenne. C’est à dire à plus ou moins long terme la possibilité de créer une distinction dans le genre humain. Parce qu’on peut supposer, les Américains vous écrivent une littérature fleuve sur la question, comme toujours, on peut anticiper et dire que dans X générations, les classes qui ont les moyens, de faire le tri d’embryons, c’est à dire qui prendront des embryons améliorés, lesquels embryons améliorés produiront, feront des hommes améliorés, lesquels produiront d’autres embryons améliorés, à la limite on aura en quelque sorte, une distinction, à l’intérieur même du genre humain, avec une sorte de race, super-race humaine améliorée, génétiquement meilleure, génétiquement modifiée, et une autre classe qui sera moins améliorée, moins performante, donc si vous voulez, il faut voir plus loin que le bout de notre nez, dans la question de l’embryon, en réalité se pose une question future qui est qu’est-ce que l’espèce humaine voudra faire d’elle même. Je crois que c’est sur cette interrogation, qui donne toute l’ampleur au problème même si les scientifiques essayent de nier cette ampleur, plus les choses sont vastes, moins elles sont bonnes. Les scientifiques, ils vous noient le poisson, dans le minuscule, pour ne pas voir l’essentiel et l’essentiel, ça n’engage que moi.

Véronique Amice:
Pour pouvoir faire du diagnostic pré-implantatoire, il faut d’abord faire de la micro-injectionintracytoplasmique de spermatozoïdes, pour en arriver là, il faut faire des stimulations ovariennes aux femmes aller prélever leur ovocytes de façon chirurgicale. Je ne crois pas que beaucoup de gens dans l’espèce humaine qui peuvent avoir des enfants avec des rapports sexuels habituels, vont aller jusque là pour obtenir des enfants super extranormaux .

Il y a quelque chose par contre qui existe, c’est le diagnostic ante-natal qui avait d’abord été inventé pour détecter des anomalies chez des enfants pendant les grossesses. Il a été complètement dérivé en Chine et en Inde pour pouvoir obtenir seulement des garçons. On a obligé des femmes pour faire ce diagnostic anté-natale pour savoir si c’était des garçons ou des filles et à éliminer bien sûr des filles. Les dérives, elles existent, elles peuvent exister partout, mais actuellement, on revient en arrière justement dans ces pays-là parce que l’administration catastrophiquement est entrée du côté masculin et qu’il n’y aura plus assez de filles pour pouvoir épouser des garçons.

Bernard Edelman :
Elles coûteront plus chères.

Véronique Amice:
Il faut quand même limiter les dégâts possibles, ce sont des techniques très compliquées, qu’on ne peut mettre en pratique que dans des cas précis, on n’est pas dans le meilleur des mondes et on n’y sera pas.

Bernard Edelman :
Comment vous pouvez dire ça ?

Véronique Amice:
Mais enfin, à moins que vous n’interdisiez aux gens de vivre normalement, c’est pas possible.

Bernard Edelman:
Cet argument du meilleur des mondes, on nous le rabâche, il y a 10 ans quand on nous parlait du clonage. On nous disait on n’est pas dans le meilleur des mondes, vous rêvez, vous êtes complètement fous, on y est.

Véronique Amice:
Le clonage, c’est la même chose, c’est quelque chose de réservé, ce n’est pas possible de faire du clonage facilement. Encore moins dans les spécimens. Il faut 200 oeufs pour pouvoir obtenir un clone.

Dominique Mehl:
Oh ! Je voudrais juste dire une petite chose et je pense que ça serait bien qu’il y ait un débat avec la salle, et ça serait bien, à propos, c’est absolument certain que du fait de l’accessibilité et de la visibilité et de la manipulabilité, je ne sais pas si ça se dit ? La question de la manipulation génétique, du tri génétique est immédiatement ouverte. Ce que je voudrais dire quand même pour tempérer un peu le discours apocalyptique de mon voisin, c’est que plus la recherche génétique progresse, plus on sait qu’aucun individu n’est programmable génétiquement, et que le développement individuel dépend d’une part en partie du patrimoine génétique, en partie de cette façon dont le patrimoine génétique est travaillé, les scientifiques connaissent mieux que moi, l’épigenèse c’est à dire tout le processus de développement embryonnaire et de rapport avec l’environnement, et troisièmement par des facteurs environnementalistes, quatrièmement par des facteurs culturels. L’idée que vous allez vous pointer dans une banque avec vos embryons, en disant choisissez-moi celui qui va avoir telle caractéristique, que ce soit des caractéristiques intellectuelles psychiques, est une pure illusion. Il y a quelques gènes, qui sont mono-gèniques, je crois qu’on explique, qui se transmettent de façon obligatoire, notamment dans un certain nombre de maladies génétiques, le reste dépend d’une combinatoire qui comprend un nombre de possibles immenses. L’idée du calibrage des individus à venir est une idée qui fait peur, donc c’est extrêmement agréable de se faire peur, mais c’est une idée qui ne relève pas même de la plausibilité scientifique. En revanche, il y a des choses qui sont tout à fait possibles, hyperfacilement, et qui ne relèvent pas de la maladie génétique. C’est par exemple, le choix du sexe. C’est un test extrêmement facile à faire, je ne répète pas ce qu’a dit Véronique Amice sur les difficultés, tout le trajet qu’il faut faire pour avoir des embryons observables, c’est généralement plus simple de les avoir dans son ventre donc pas observables. L’embryon hors du corps humain, si les techniques de diagnostics pré-natales dans le ventre avec le développement de tests biologiques sur les femmes enceintes avant la fin du délai de l’avortement volontaire se développent, permettra de choisir le sexe de son enfant sans qu’il y ait le moindre contrôle de qui que ce soit sur cette question. Ce sont des questions qui sont des questions de société, qu’on ne peut pas poser que sur un territoire national parce que comme il a été dit précédem-ment ça se pose au niveau international mais ça, je crois que ce sont des questions de tri qui ne sont pas. Les fantasmes, c’est sympathique, ça fait réfléchir, mais il faut aussi réfléchir sur la volonté de la société, sur les gens qui se présentent aux portes des centres de procréation médicalement assistée, la volonté des médecins qui les accueillent, la volonté des biologistes qui ont leurs pipettes. Et les possibilités réelles à la fois de demande et de satisfaction de ces demandes.

Bernard Edelman:
Je vais répondre, il y en a qui aiment se faire peur, il y en a qui aiment ne pas se faire peur. Je n’aime pas pour autant me faire peur, ceux qui croyaient à l’hitlérisme se faisaient peur, et ils avaient raison. La peur est arrivée. Ca n’est pas catastrophique quand on a une certaine distance par rapport à toutes ces question comme celles que j’ai pu avoir, puisque j’ai travaillé au Parlement pendant 5, 6 ans pour l’élaboration des lois sur la bioéthique, tout ce que nous craignons est arrivé. Tout, j’avais rédigé à l’époque 40 à 50 amendements. Ils ont tous été refusé, ce n’est pas par vanité personnelle, je n’en ai rien à faire vous vous en doutez bien. La loi est passée, et c’est une loi qui fait peur, quant à dire que tout ça c’est bien compliqué, on y arrivera jamais etc. Je ferai deux remarques, la première quand on lit la littérature américaine elle-même, “Nature ou Science”, on voit dans tous les éditos, je ne dis pas les réalisations, je parle des projets de ce qu’on veut faire, et je pense qu’il y a une distinction fondamentale entre ce que l’on veut faire et ce que l’on peut faire. Ce que l’on veut faire, rien ne dit que cela ne sera pas possible demain, ça vous lisez les éditos des magazines américains et je me souviens très bien, ils ont le mérite de parler franchement, je me souviens d’un édito au sujet d’un massacre, on disait il serait temps qu’on trouve le gène de la schizophrénie, ça nous ferait faire des économies, les prisons seraient moins pleines et il y aurait moins d’exécutions capitales. Mettons-nous au boulot, vrai ou faux, je n’en sais rien, moi je m’interroge sur les projets et je pense que l’interrogation sur le projet est aussi intéressante sinon plus, que sur les réalisations effectives parce qu’on réalise toujours dans un projet qui est posé.

Je voudrais revenir sur le statut de l’embryon, comment vous concevez une adoption d’un statut de l’embryon, comment on définit un statut de l’embryon et comment on le rend compatible avec la loi Veil de 75 sur l’interruption volontaire de grossesse ?

Bernard Edelman:
Mais il n’y a pas de contradictions, c’est une mystification, nous avons donné depuis des années, une mauvaise interprétation de la loi Veil, l’avortement c’est un meurtre légitime dans la loi Veil, oui oui, la légitime défense. Vous êtes au coin du bois, vous tuez le bonhomme qui vous attaque, vous êtes en légitime défense, c’est un acte légitime.

Jean-Jacques Perrier:
On entend ça aux États Unis, les gens qui sont pour les armes. La légitime défense nous permet d’avoir des armes, ainsi ils justifient les armes.

Bernard Edelman:
La loi Veil mais c’est la loi, moi je vous interprète la loi, elle dit l’être humain a droit au respect dès le commencement de la vie, cette loi prévoit, des états de détresse de la femme enceinte, la loi lui donne la possibilité de détruire cet être humain, il faut appeler les choses par leur nom. Si vous dites dans la révision de la loi sur la bioéthique, l’embryon est un être humain vous ne rentrez absolument pas, en contradiction avec la loi Veil, vous rentrez dans la cohérence de la loi Veil.

Jean-Jacques Perrier:
On peut donc donner un statut à l’embryon, dire que c’est une personne.

Bernard Edelman:
Non, un être humain.

Jean-Jacques Perrier:
Un être humain et autoriser la recherche sur cet être humain.

Bernard Edelman:
Non, on parlait du rapport embryon, avortement, statut de l’embryon.

Jean-Jacques Perrier:
Non, mais si on définit maintenant, si on passe dans un sens pour que la loi soit révisée,

Bernard Edelman:
Non, si vous dites que l’embryon est un être humain, il a le droit au respect.

Jean-Jacques Perrier:
Parce qu’il a le droit au respect ? On interdit la recherche.

Bernard Edelman:
On n’interdit pas la recherche. Il a le droit au respect donc la recherche n’a pas lieu d’être. Il a la protection d’être humain, ayant la protection de l‘être humain, on ne peut pas expérimenter sur lui ni moins encore, on ne peut en produire pour la recherche. On ne produit pas des êtres humains pour la recherche. “L’embryon, c’est pas un être humain donc on peut expérimenter, puisque ce n’est pas un être humain, on peut en produire”. Mais c’est une logomachie, c’est une mystification, qui va marcher d’ailleurs, mais c’est une mystification.

Question:
Je m’appelle Virginie Berthelomé, je suis étudiante à Brest. Je voudrais savoir quand un couple vient vous consulter pour avoir des enfants, dans le cadre d’une F.I.V.E.T.E, Fécondation In Vitro Et Transfert d’Embryon, je voudrais savoir pour un essai de grossesse combien d’embryons sont conçus, au cas où il y a grossesse lors du premier essai, combien d’embryons restent conservés au centre de biologie de la reproduction. Combien de temps ces embryons, qui ne seront pas utilisés par le couple lors de cet essai puisque grossesse il y a eu, combien de temps ces embryons vont être conservés ?

Je voudrais savoir en France en 1999, sur l’ensemble de la biologie de la reproduction, combien de personnes potentielles existent en France dans les congélateurs des centres de reproduction de la biologie de la reproduction. Combien de personnes potentielles ? Combien de temps on peut les conserver ?

Véronique Amice:
5 ans

Virginie Berthelomé:
Qu’est-ce que vous faites au bout des 5 ans ?

Véronique Amice:
Rien, puisqu’il y a un vide juridique.

Virginie Berthelomé:
Ma question finale, je voudrais avoir le point de vue d’un biologiste de la reproduction. D’après vous qu’est-ce qui serait l’idéal, quelle utilisation s’il pouvait y avoir utilisation ? Qu’est-ce qu’on peut faire de mieux pour ces embryons qui n’ont pas été créés dans le but de la recherche, qui ont été créés dans un projet parental, mais qui n’ont plus d’utilisation ?

Véronique Amice :
Ils peuvent quand même servir pour une deuxième demande de grossesse pour ce couple, les embryons sont la propriété du couple, nous ne sommes que des gardiens. Pour en revenir, à votre première question, combien d’embryons sont fabriqués, si on peut dire, lors d’une fécondation variable, c’est tout à fait variable, ça dépend du nombre d’ovocytes qu’on avait au départ, au moment de la ponction, de la fécondité du spermatozoïde par rapport aux ovocytes donc, c’est extrêmement variable ça peut aller de 1 à 20. En moyenne on obtient dans les 4, 5 embryons par ponction. On ne congèle pas tous les embryons qu’on a obtenu en plus des embryons qu’on transfère, combien on en transfère, on en transfère, on a un consensus, on a une association qui s’appelle le Bleufco, qui est l’ensemble des biologistes de la reproduction en France, étant donné qu’il y avait eu des grossesses multiples inconsidérées, il y a quelques années, ça a beaucoup diminué parce qu’on a un consensus, pour dire qu’il ne faut pas mettre plus de 2 à 3 embryons selon les cas. Deux embryons pour des femmes jeunes et qui n’ont pas eu beaucoup de ponctions, des embryons de bonne qualité, qui nous paraissent bien réguliers, des cellules égales et qui nous donnent l’impression qu’ils peuvent s’implanter assez facilement, mais on met parfois trois embryons chez certaines femmes, parce que elles sont plus âgées, parce qu’elles ont plus de 35 ans, parce qu’elles ont fait plusieurs tentatives, d’ailleurs les couples nous demandent aussi ce genre de choses, quelquefois, ils nous poussent même quand la femme a 40 ans à en mettre 4. C’est tout à fait variable, mais le consensus, c’est 2. Il y a un risque de grossesse multiple, on a beaucoup plus de grossesse double, que dans la nature humaine, on a 25% de grossesses doubles. Les grossesses triples c’est beaucoup plus rare. Pour ce qui est de la congélation, on ne congèle pas du tout chaque fois qu’on a obtenu des embryons. On ne congèle que des embryons surnuméraires, ceux-ci nous semblent pouvoir supporter la congélation, lorsqu’on a des embryons irréguliers ou avec plein de petits fragments, on sait bien que ceux-là ne vont pas supporter la congélation. Vous jetez des embryons à la poubelle. Oui et nous le disons au couple, et ils sont prévenus d’avance que c’est possible. Une femme qui a un stérilet, elle jette un embryon à la poubelle tous les mois, donc c’est quelque chose qui existe. Il y a des embryons qui ne s’implantent pas, la femme n’est pas quelqu’un de très très fertile, sur des rapports sexuels, qui ont eu lieu au moment de l’ovulation, il n’y aura que 25% des ovocytes qui vont entraîner une grossesse, de très nombreux embryons vont disparaître tout seul. Pour ce qui en est du devenir des embryons congelés, la loi nous oblige et nous le faisons, à demander l’accord écrit du couple pour congeler ces embryons surnuméraires. En fait on met tous les ovocytes qu’on a récupérés, en insémination et après on fait le choix avec le couple de congeler ou de ne pas congeler. Tous les ans on doit écrire au couple pour savoir ce qu’il veut qu’on fasse des embryons surnuméraires, nous ne sommes que des gardiens, ou bien, les embryons sont gardés pour 5 ans. Certains couples, ça ne les préoccupe pas trop d’avoir des embryons congelés car ils ne répondent pas aux lettres qu’on leur envoie. Il y a des différences très importantes sur la manière de voir les choses.

Virginie Berthelomé:
Combien d’embryons sont en attente ?

Véronique Amice :
Je ne sais pas. Il y a 5000 embryons qui ont été détruits en Angleterre, l’année dernière, et en France, je ne sais pas. 10 000 mais qui ne sont pas hors d’un projet. Des embryons abandonnés, non ça n’est pas énorme. Tous les embryons ne vont pas supporter la décongélation. Les embryons congelés n’ont pas la même potentialité qu’un embryon naturel. Il faut que la loi évolue pour que nous puissions détruire ceux pour lesquels les couples nous ont demandé de les détruire. On est pas largement au plein dans nos cuves.

Question:
La première chose, c’est de savoir si parce que les techniques existent, il faut de toute force les imposer à la société, manifestement elles soulèvent tellement de questions que ce n’est pas indispensable.

Véronique Amice:
On ne va pas chercher les gens, ils viennent d’eux-mêmes.

Question:
La deuxième question, les lois sont faites pour la majorité des gens d’après ce que vous nous avez dit, il y a très peu de gens qui sont concernés par la D.P.I, par la production d’embryons in vitro, et ça mobilise quand même énormément d’énergie. La fabrication de lois pour ce qui semble être une minorité de gens.

Véronique Amice:
Ca c’est pareil pour les voleurs et les meurtriers, et nous on est ni voleurs ni meurtriers. Il faut des cadres.

Bernard Edelman:
Je peux répondre en tant que juriste, c’est intéressant la question que vous posez, parce qu’effectivement a priori ça ne semble viser qu’une minorité, ça fait beaucoup d’efforts déployés, il faut le voir sur le long terme, il faut le voir sur l’importance des enjeux ; Des enjeux de l’avenir et effectivement lorsque vous regardez ce que nous appelons le tourisme, c’est à dire on va dans les pays anglo-saxons uniquement pour pouvoir avancer la recherche etc. C’est ça l’enjeu et je voudrais quand même rajouter une chose on arrête pas de nous rabattre les oreilles avec la loi anglaise et les Américains, il y a quand même, une loi allemande, qui est une loi fondamentale, extraordinairement restrictive, les Allemands n’ont pas hésité, on va nous dire mais oui c’est leur passé, mais c’est le nôtre aussi, nous avons ce passé, l’Europe a ce passé. Nous sommes tous victimes du nazisme, donc nous devons prendre en compte ce que ça a été. Je me souviens lors de débats sur la bioéthique, au Parlement lorsque nous avons dit mais enfin, regardez la loi allemande, qui est quand même une loi extraordinairement protectrice, nos bons socialistes pharisiens nous ont dit :“ils n’avaient qu’à le faire en 39” : mais donc, regardons quand même la loi allemande qui est une loi fondamentale qui est une loi qui interdit toute expérimentation, qui prône la destruction des embryons non implantés donc il n’y a pas de problèmes d’embryons surnuméraires, il n’y a pas de problèmes d’embryons donnés à la recherche, qui évidemment interdit toute fabrication d’embryons donnés à la recherche. Nous avons là une loi pilote qui est une loi fondamentale, que nous ferions mieux de regarder au lieu d’écouter les sirènes anglo-saxonnes où on fait n’importe quoi. Du moment que ça rapporte de l’argent. C’est le coût d’économicité comme ils disent, si une jeune fille est enceinte et est prise à Harvard, est-ce que avoir un gosse par rapport à Harvard, elle va faire la balance qu’est-ce qui vaut le coup ? C’est la fameuse balance utilitariste américaine tout le monde sait cela non pas depuis Hume mais depuis Stuart Mill, on a des choix à faire. Mais pourquoi ferions-nous toujours ce choix anglo-saxon ?

Dominique Mehl :
Je voudrais rebondir sur votre question de l’offre et de la demande, parce que l’on a toujours l’impression que quelqu’un manipule quelqu’un, que on s’engouffre dans... J’ai enquêté à l’hôpital Antoine Beckler au tout début de la fécondation in vitro, quand il n’y avait même pas de congélation à l’époque, ça se faisait sur des embryons frais, c’était très lourd, tout le monde était mobilisé. A l’époque, la médecine était un peu pionnière comme ils disaient et il y avait des groupes de femmes et de couples mais plutôt de femmes, qui faisaient des réunions régulières à l’intérieur du service pour discuter, de leur traitement, pourquoi elles étaient là, comment elles le supportaient de quoi elles avaient envie, j’ai pu assister à ces réunions, comme j’ai pu assister à des consultations et je suis arrivée à une vision pas du tout tranchée entre l’offre et la demande, c’est à dire qu’on voyait dans ce type de réunion, j’ai appelé ça “la complicité conflictuelle et culturelle entre les gynécologues et les femmes”. Ce sont de ces réunions que sont nées des propositions venant des femmes de dons d’ovocytes alors que jusqu’alors ce n’était que la fusion au sein d’un même couple ou le don de spermes par les séquoces. Les médecins ont été absolument stupéfaits, ils ont dit oh ! la !la ! Où est-ce qu’on va ? Ils ont été les premiers surpris, de cette invention biologique, qui provenait de leurs patientes, au départ les médecins n’avaient pas du tout envie d’un encadrement par la loi et puis peu à peu ils ont été gênés d’avoir à donner des réponses dont ils estimaient que c’était pas forcément à eux de décider : Est-ce que on pouvait, satisfaire à des demandes de femmes seules, à des demandes de femmes homosexuelles ? Il y a interaction complète entre l’offre et à la demande, qu’on peut observer dans un microcosme d’une consultation ou d’un service, il se produit de la même façon sur la scène publique à partir du moment où il y a débat public, c’est pour ça que je pense vraiment que cette loi ne doit pas être révisée en catimini par des spécialistes et des élus politiques, mais que tout ces types de débat sont absolument essentiels, parce que ça ne concerne pas une minorité, car on a tous éventuellement des embryons disponibles et toutes les femmes enceintes sont concernées par le diagnostic prénatal parce que ça commence avec les premières échographies, la question de savoir jusqu’où on intervient, jusqu’où on sélectionne, jusqu’où on garde, jusqu’où on ne garde pas, ne concerne pas du tout une minorité. La loi allemande, c’est un véritable désastre parce qu’elle interdit tout, que la loi française est intermédiaire entre ça et le laxisme anglo-saxon.

Bernard Edelman:
C’est quoi le désastre ?

Dominique Mehl:
Ce que je voudrais que vous m’expliquiez, quelles sont les attentes des scientifiques, pourquoi les scientifiques, veulent -ils faire de la recherche sur l’embryon ? Les embryons surnuméraires ont été le véritable cauchemar des parlementaires en 1994. On avait l’impression que les embryons sortaient de leur congélateur et étaient en train de rôder dans les couloirs du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Or, l’idée quand même dans la tête de beaucoup de scientifiques, c’est que l’embryon surnuméraire est provisoire parce qu’on arriverait à congeler les ovocytes et qu’à partir du moment où on congèlerait les ovocytes, on aurait des gamètes masculins, conservés d’un côté et des gamètes féminins conservés de l’autre côté et plus de fantômes de personnes humaines potentielles. Il semblerait que cette avancée n’ait pas été aussi rapide que souhaitait les scientifiques et que donc les embryons surnuméraires ont continué à proliférer et à rester dans les congélateurs. J’ai compris mais peut-être vous pourrez continuer à me le confirmer les biologistes attendraient beaucoup s’ils pouvaient expérimenter sur l’embryon pour tester la congélation d’ovocytes, c’est évident que si on congèle des ovocytes et qu’on les redonne au ventre maternel sans savoir s’ils vont rester intacts, s’ils ne vont pas se disloquer, c’est une aventure pour le coup inacceptable. Si on regarde en tubes à essai comment un ovocyte congelé évolue dans ces premiers jours de développement embryonnaire peut-être qu’on pourrait progresser la congélation des ovocytes. 2° chose c’est que le développement embryonnaire étant le tout développement de la division cellulaire, sans qu’il y ait des programmes de recherches précis, concrets. Il y a toujours des espoirs de faire des découvertes sur d’autres problèmes, sur d’autres questions annexes, la division des cellules cancéreuses. Vous serez plus à même que moi de dire pourquoi y a-t-il une telle pression des scientifiques français pour que la recherche puisse se développer sur l’embryon en France comme dans un certain nombre d’autres pays.

Bernard Edelman:
Pourquoi la loi allemande est un désastre ?

Dominique Mehl:
La loi allemande est un désastre parce qu’elle interdit la progression des recherches.

Bernard Edelman:
La loi allemande est un désastre parce qu’elle interdit l’expérimentation sur l’embryon.

Véronique Amice:
La loi allemande interdit la congélation des embryons, on doit congeler au stade pro-nucléiste. Je ne pense pas que les médecins allemands soient très heureux.. En ce qui concerne les ovocytes, l’ovocyte congelé est très difficile à récupérer en bon état à la décongélation. Ce qui avait été décrit c’était des anomalies chromosomiques sur les ovocytes décongelés donc ça a fait très peur. On va entraîner la naissance d’enfants qui auraient des problèmes. Ce que voudrait pouvoir faire les chercheurs, ce n’est certainement pas tout ce qui se fait dans les pays anglo-saxons certainement pas. Il y a des gens qui sont plus ou moins raisonnables.

Bernard Edelman:
C’est quoi la raison et la déraison ?

Véronique Amice:
Le physicien américain qui veut absolument faire des clonages d’humain, ça c’est de la déraison.

Bernard Edelman:
Au nom de quelle raison vous dites que c’est de la déraison ?

Véronique Amice:
D’abord parce que ce n’est pas facile à faire.

Bernard Edelman:
Vous embourbez le débat dans la technicité après vous avez des arguments : “ça sert à rien”. Et si on trouvait que ça servait ? Mais qu’est-ce que c’est que cette argumentation ? De la technicité ? Utile ou pas utile ? La loi allemande est un désastre parce qu’elle empêche tout, nous sommes à la veille d’une révision à la loi sur la bioéthique, je peux vous dire si vous représentez un certain consensus, on voit dans quel sens la loi sera votée ? Les jeux sont faits mais dites-le ! Quelle interdiction à part le clonage, quelle interdiction à part le clonage à titre reproducteur ?

Véronique Amice:
Déjà la fabrication d’embryons purement pour la recherche.

Bernard Edelman :
Pourquoi, pour quelle éthique ?

Véronique Amice:
C’est vous qui êtes juriste ?

Bernard Edelman:
Je ne suis pas seulement juriste.

Véronique Amice:
Et philosophe .

Bernard Edelman:
Vous êtes bien biologiste ! Je suis avocat en plus ! Prodomo. Soyons sérieux, vous dites, parce que je les connais par coeur ces débats j’en ai parlé des mois avec Jean François Mattei, Noëlle Le Noir, quand je les vois revenir à la surface.

Véronique Amice :
Mattei n’est pas vraiment laxiste .

Bernard Edelman :
Qu’est-ce qu’il a empêché ?

Dominique Mehl:
Il a approuvé absolument sauf sur l’ouverture sur le D.P.I. toutes les interdictions concernant l’embryon et il les approuve toujours, il est toujours réticent à l’ouverture de la recherche sur l’embryon ;

Bernard Edelman:
Alors sur quoi va porter la révision ?

Véronique Amice:
Quel est le fond de votre pensée au niveau juridique ?

Bernard Edelman:
Le fond de ma pensée au niveau juridique, ça ne veut rien dire, je vous l’ai déjà dit. Il faut donner à l’embryon le statut de personne humaine, ça implique le respect dû à tout être humain, on ne fabrique pas des êtres humains. On n’expérimente pas sur eux. Voilà ma réponse de juriste. Ma question de philosophe, qu’est-ce que vous êtes prêt à interdire vous à la veille de la révision de la loi ? Au nom de quoi le dites-vous ?

Dominique Mehl:
Je vais être aussi radicale dans l’autre sens, au nom d’une position laïque, athée, pro-science, je considère que l’embryon tant qu’il n’est pas inscrit dans un projet d’enfant, tant qu’il n’est pas en relation avec le ventre maternel, tant qu’il n’est pas porté jusqu’à la naissance est un matériau biologique tout à fait anodin sur laquelle je prône la liberté de recherches, au nom de la liberté, un amas de cellules. Au nom de la liberté, de la connaissance et des progrès thérapeutiques, qui éventuellement peuvent en découler. Les positions sont tranchées.

Bernard Edelman:
Par quelle opération magique un embryon in vitro, du seul fait qu’il soit réinjecté change de statut et devient un être humain, je ne comprends pas.

Question:
Ne croyez vous pas que les scientifiques vont faire ce qu’ils ont envie de faire dans les pays où il n’y a pas de législation ?

Bernard Edelman:
C’est ce qui se passe déjà, on va expérimenter en Afrique et au Brésil pour les parkinsons.

Véronique Amice:
On parle toujours de l’embryon à partir de l’oeuf fécondé et divisé mais le statut du spermatozoïde, on en parle pas. Pourtant ils appartiennent à des gens. C’est pour ça que des embryons qu’on fabriquerait seulement pour l’expérimentation, voilà quand même un statut qui paraît choquant, parce qu’il faudrait d’abord, quand même, avoir l’autorisation de ceux qui ont donné leur gamètes. Quelle est la différence entre la personne et l’être humain ?

Bernard Edelman:
L’être humain, si vous voulez du point de vue du droit n’a pas d’existence pleine et entière. Il est en attente d’une existence pleine et entière de personne humaine. L’être humain du point de vue, d’un strict point de vue juridique, est ce qui deviendra une personne s’il naît, une fois né il devient une personne. Sa vie, on pourrait dire que l’embryon, sa vie commence à partir du moment qu’il n’en a conscience mais en tout état de cause, il n’en n’a pas conscience dans les 14 jours, parce que c’est un pré-embryon, paraît-il, et que sa potentialité de personne ne s’est pas suffisamment développé. Il n’a pas sa conscience d’embryon, ça laisse du flou à l’âme.

Les embryons qui sont congelés, qui restent jusqu’à un délai de 5 ans légal, dans les congélateurs si les parents veulent après, avoir un autre enfant, est-ce que c’est arrivé que des enfants naissent mal formés parce qu’ils y sont restés trop longtemps ?

Un embryon peut rester congelé indéfiniment si l’azote liquide est remis régulièrement dans la cuve.

Véronique Amice:
Nous on constate que quand un embryon ne peut plus se développer c’est qu’il est mort. C’est tout. Il n’y a aucun risque au niveau de la détérioration, c’est un risque de tout ou rien, les cellules ont résisté ou pas. On les congèle à 2 ou 3 jours de vie, même s’il y a une perte de ces cellules, chaque cellule a le pouvoir de régénérer et de se diviser en d’autres cellules.

Dominique Mehl:
Non, il n’y a pas un suivi, il y a des études qui ont été faites. Mais on ne dit pas aux gens votre enfant a été conçu dans les centres de la P.M.A. donc vous les faites suivre, mais il y a des personnes qui ont été volontaires pour répondre à un questionnaire.

Jean-Jacques Perrier:
Quelles sont les possibilités de recherche sur l’embryon, qu’est-ce qu’en attend du point de vue médical ? On a parlé de clonage à vocation médicale, on a prélevé des cellules de souche embryonnaire pour pouvoir faire des banques de tissu. C’est l’avenir puisque ça date d’il y a deux ans, ça, ce n’est pas une nouveauté scientifique et technique qui pèse énormément sur le débat et qui est un peu sous-jacente dans les pressions des scientifiques sachant qu’il y a derrière des intérêts pharmaceutiques, médicaux potentiels, absolument énormes. Pouvez-nous préciser ces enjeux ?

Véronique Amice:
Au niveau des cellules qui pourraient ensuite être utilisées pour des greffes humaines et qui n’ont pas de gros risques de rejet, les cellules des embryons sont extrêmement faciles à accepter pour un organisme adulte. Donc c’est pour ça que ça intéresse les chercheurs, il faut faire une distinction entre les cellules qui proviendraient d’embryons fabriqués seulement pour avoir des cellules totipotentes ou qui puissent se développer ensuite dans des cellules d’un organe ou d’un autre. Les embryons obtenus par clonage, à partir de cellules de quelqu’un qui aurait besoin d’une greffe et de cellules somatiques dont le noyau aurait été pris pour le remettre dans un ovocyte. De qui ? Pour donner ensuite un embryon obtenu par clonage. Là l’embryon va avoir des cellules qui vont avoir les constituants génétiques de la personne de départ. C’est une des choses assez différentes. Fabriquer des embryons pour de la recherche sur des tissus qui pourront se différencier, pour avoir des banques de tissus correspondant à chacun d’entre nous s’il y avait besoin, c’est vrai que c’est choquant. Ce n’est pas possible encore. Les embryons surnéméraires sont des embryons extrêmement précieux., pour ces gens là qui n’ont pas d’enfants et qui en veulent. Mais c’est vrai qu’on ne peut pas congeler tous les embryons. C’est vrai qu’on en met à la poubelle, si on avait le droit de travailler sur ces embryons là on pourrait faire avancer un certain nombre de choses. C’est ça qui fait râler certains scientifiques, c’est de ne pas avoir le droit alors qu’il existe un matériel, de ne pas avoir le droit de faire quelques recherches.

Est-ce que vous voyez un intérêt, vous, médecin ?

Véronique Amice:
Bien sûr, tous les milieux de culture qu’on utilise, ça a été fabriqué pour des embryons d’autres espèces. On est obligé, finalement, de faire l’expérimentation en direct sur l’embryon humain pour un couple parce qu’on a pas eu le droit avant de le faire sur un embryon surnuméraire.

Jean-Jacques Perrier:
Pourquoi ne pas le faire sur l’animal ?

Véronique Amice:
Parce que l’animal et l’humain ce n’est pas toujours pareil.

Question:
Excusez-moi, vous parlez technique et jamais motivation, on ne vous demande pas pourquoi ? Je trouve les scientifiques extrêmement confiants, crédules mais peut-être que la curiosité est un vilain défaut. On manipule des choses qui ont une portée. Pourquoi les gens au lieu de faire leur métier se posent des questions ?

Bernard Edelman:
Je peux répondre, je rebondis sur ce que vous venez de dire et pense à une question restée sans réponse, qu’est-ce que vous interdiriez ? Au nom de quoi l’interdiriez-vous ? Est-ce que la raison pour laquelle vous l’interdiriez a déjà joué pour ce que vous avez permis ?

On est en face d’une crise, on peut parler humanité. A chaque fois les arguments sont des arguments techniques.

Véronique Amice:
On a tous une façon de penser qui est variable, on a tous une moralité, on a tous un cadre, on va tous répondre de façon plus ou moins variable. Je peux répondre pour moi, mais je ne peux pas répondre pour toute la communauté scientifique. Il est choquant d’aider à la fabrication d’embryons pour des motifs techniques. Mon travail, c’est d’aider des gens à avoir des enfants. On n’est pas d’accord avec ce qui se passe aux États Unis, ces gens qui veulent faire du clonage. Etre bridé complètement sur l’étude sur l’embryon, c’est vrai que les embryons abandonnés si on pouvait les congeler et les utiliser pour peu de temps. Pour moi, ce ne sont pas encore des êtres humains. Pour moi, s’ils ne sont pas dans le projet parental, ils ne sont pas des êtres humains.

Bernard Edelman:
Vous voulez dire qu’un amas de cellules devient un être humain dès lors que ça s’inscrit dans un projet parental ?

Dominique Mehl:
L’humanité, c’est le projet des parents, c’est une vision non biologiste.

Bernard Edelman :
On ne devient être humain que par la vertu, la grâce d’un projet donc on n’existe pas hors ce projet, on n’est qu’un amas de cellules.

Véronique Amice:
C’est plus qu’amas de cellules. C’est une potentialité humaine.

Bernard Edelman :
Expliquez-moi ce que c’est qu’une potentialité humaine.

Question:
Il y a plusieurs débats mêlés et c’est parce qu’ils sont mêlés qu’on n’arrive pas à faire le point. La légitimité de la science et les techniques à intervenir sur le vivant et l’être humain. A quoi ça sert que la science existe et que ça progresse ? L’être humain, je croyais que c’était une personne psychologique, pas seulement une personne biologique. Moi, j’estime que je suis une personne tout biologique et une personne tout psychologique. L’être humain ne devient être humain qu’à partir du moment où un certain nombre de conditions sont construites, postérieures à la fécondation, ce n’est pas parce qu’il y a eu fécondation qu’il deviendra un être humain. Y a -t-il intérêt à ce que la science se penche sur la vie, et sur la vie de l’être humain, à partir du moment où la vie est potentielle ?

Elisabeth de Fontenay:
Je suis épouvantée que cette discrimination entre un petit tas de merde à mettre, dépende de la volonté parentale. On est au coeur du subjectivisme, du volontarisme humain qui dévaste la planète, dévaste l’homme, la volonté parentale, c’est celle d’un couple qui ne peut pas avoir d’enfants. Imaginez qui il y ait un embryon, que l’homme se conduise mal et que la femme dise je ne veux plus avoir un enfant de ce salaud là, et l’homme dit je voudrais bien. Est-ce que c’est la volonté parentale d’une femme toute seule. Et d’une femme avec une autre femme ? Ca veut dire qu’on peut se faire avorter au bout du 6° mois parce que c’est la volonté parentale.

Le foetus est un amas de cellules alors que la volonté parentale fait qu’à 3 jours c’est une personne potentielle. Je suis effarée.

Bernard Edelman:
Élisabeth, vous êtes effarée mais c’est comme ça que ça pense. Projet parental, quand il y en a tant mieux, mais quand il n’y en a plus.

Dominique Mehl:
Ma position s’inscrit dans une position ouverte et libérale sur la question des moeurs. On est en train de vivre la dissociation entre la conjugalité et la parentalité. On interdira l’accès à la médicalisation assistée et on devrait interdire aussi l’adoption qui elle est autorisée aux femmes seules, de même qu’on interdira l’accès aux couples homosexuels à l’adoption et à la procréation médicale assistée. Ou bien on considère qu’avec la multiplication des familles recomposées qui sont d’ors et déjà des familles qui dissocient la parentalité biologique et la parentalité sociale que si on regarde la réalité de la procréation médicalement assistée où une partie seulement se fait avec des gamètes des parents biologiques, une partie notamment dans le don de sperme et un petit peu dans le don d’ovocytes se fait avec une parenté biologique, dissociée de la parentalité adoptive puisque la loi n’a pas voulu reconnaître puisqu’elle a fait semblant que les enfants nés par des dons de gamètes soient les enfants biologiques de leurs parents qui ne sont pas tous les deux, les parents biologiques, la réalité est déjà dissociée, la parentalité de femmes seules, n’a pas attendu aucune loi pour s’installer tout doucement dans les sociétés. C’est une question sur l’état des moeurs et qui appelle le droit et les juges quand il y a conflit, c’est une manie française quand on a eu quelques cas contradictoires de jurisprudence sur l’insémination post mortem, ça a été la panique générale, il a fallu édicter une loi globale pour tout le monde. Ma revendication du projet parental qui s’ancre dans l’évolution des moeurs, moi si on me demandait ce que j’interdirais, il y a des dispositifs de la loi qui sont absolument essentiels, le consentement, la gratuité, les réflexions autour de la filiation, sinon je dirai il y a d’autres éthiques qui ne relèvent pas de la loi qui sont les éthiques scientifiques où le scientifique est rarement tout seul face à ses petites éprouvettes, où donc il y a des comités d’éthique dans les hôpitaux, je ne défends pas l’interdiction, mais je défends la liberté de la recherche. De même qu’en matière de moeurs, c’est soulevé par personne, je considère que la loi a envahi de façon abusive le choix qui relève de choix liés aux moeurs et à la vie privée. La loi doit protéger les enfants qui naissent de procréation.

Elisabeth de Fontenay:
Est-ce que si nous accordions à l’animal un statut, philosophique correct, est-ce que plutôt que d’être pris entre l’alternative effrayante, où être humain dès la conception ou amas de cellules au 6° mois, est-ce que nous ne pourrions pas, modifier notre vision de l’animal ayant plus de respect que nous en avons, est-ce que nous ne pourrions pas dire que l’embryon est comme un animal avant de naître, et nous serions peut-être amener à des conduites plus réfléchies, plus informées. Tous nos débats, ils existent depuis toujours. Depuis Saint Augustin et en particulier, depuis Leibniz, est-ce que l’âme est formée, au moment de la conception, ce que pensait Saint Augustin ? Ou bien est-ce que l’âme, est formée au moment de la naissance ? Est-ce que Dieu a créé l’âme à la conception ou à la naissance. Leibniz a forgé un concept tout à fait étonnant, il a dit que le foetus était un animal jusqu’au moment de la naissance, où il y un acte miraculeux de transcréation par Dieu auquel il confère une âme. J’attire votre attention sur la possibilité de raccorder la question de l’embryon à la question de l’animal.

Question:
Pourquoi les animaux n’auraient-ils pas une âme ? Je voudrais qu’on m’explique en quoi il y a légitime défense.

Bernard Edelman:
Quand je parle de légitime défense, c’est une analogie, état de détresse, au nom de cet état de détresse que la mère peut supprimer un être humain sans être condamnée.

Question:
Je suis là parce que j’ai une fille autiste, je me bats contre les neuroleptiques, j’ai obtenu auprès des psychiatres des informations, j’ai des problèmes avec la religion catholique parce que j’ai commencé par ne pas être d’accord sur le problème de l’avortement, ni sur celui de l’euthanasie, ni sur le problème du Pacs.

Bernard Edelman:
Vous êtes d’accord avec Dieu ?

Question:
Je finis par me poser bien des questions, je crois que je ne vais pas rester catholique parce que je suis très mal à l’aise. Je suis très à l’aise dans les positions que défend Dominique Mehl et celles de Véronique Amice, cependant il y a un problème que je me pose. Vous, vous n’êtes sans doute pas croyant, Monsieur Edelman ?

Bernard Edelman:
Non.

Question:
Vous êtes athée, vous réagissez exactement comme les professeurs Le Jeune les cathos qui eux sont logiques puisqu’ils posent qu’il y a un plan de Dieu, pourquoi, vous, vous posez l’embryon comme un être humain ? Les autres disent que c’est un amas de cellules, ils disent qu’il y a un projet parental, c’est un peu comme un projet de Dieu, dans les thèses de Luc Ferry, “L’homme-Dieu”, il y a bien tout ce glissement d’un espèce de transcendance supérieure. Après il y a une intériorisation et ce projet parental, c’est pas forcé de le réduire à la famille, parce qu’on est dans la tradition famille-patrie, l’extrême-droite catho. Quand vous qui vous prétendez matérialistes, vous prétendez que l’embryon est humain, au nom de quel principe, au nom de quoi ? Je suis bien d’accord qu’on ne peut pas fabriquer de l’embryon pour faire de la recherche, mais du jour où je ne suis plus catho, ça m’intéresse énormément de fabriquer des embryons pour la recherche. Au nom de quoi on peut interdire ça, puisque ça va guérir des maladies ?

Bernard Edelman:
Ma réponse est assez simple, je suis intimement persuadé qu’il peut y avoir un humanisme laïc. Nous n’avons pas besoin de transcendance pour être humaniste. Les valeurs que je défends en tant qu’humaniste, laïc rejoignent deçi delà, des valeurs défendues par certaines religions, ce qui ne me gêne pas, je n’ai aucun rejet des religions, c’est des grands monuments de la pensée humaine.

Question:
Vous posez ça comme un dogme, comme une vérité. c’est un absolu.

Bernard Edelman:
Mais si on peut le contredire. La lutte ne me gêne pas. Ca ne me gêne pas de contredire et ça ne ma gêne pas d’être contredit. Je préfère qu’on se contredise clairement sur des valeurs plutôt qu’on trouve des demis valeurs sur lesquelles, on soient d’accord, on est pas au Parlement.

Question:
Je m’appelle Benoît Mallet, je suis étudiant à Brest. Ce matin à propos des greffes, Monsieur Houdebine disait l’idéal serait de prélever une cellule différenciée de peau par exemple, de garder le génome, de là, faire dévier la culture cellulaire pour en faire un tissu. Quelle différence au niveau éthique vous faîtes entre l’embryon issu de la rencontre entre 2 gamètes et l’embryon issu d’une cellule, qui a eu le temps d’être différenciée qui vient d’un être humain qui a eu le temps de se développer. N’est-il pas possible de faire tous ces travaux, sur des tissus embryonnaires, par cette méthode-là.

Véronique Amice:
De toutes façons, il faut un ovocyte pour pouvoir obtenir cette première cellule oeuf, même si le noyau provient d’une cellule somatique.

Actuellement les animaux qui ont été clonés ont un taux de mortalité pendant la grossesse, énorme et une viabilité inférieure aux autres animaux. Il y a quelque chose qui cloche. Il faut des barrières. Il faut des lois mais peut-être pas aussi drastiques que celles qu’on a en France. Ce type de clonage pour le futur c’est très important. Actuellement aux U.S.A., il y a des gens lorsqu’ils ont un enfant qui est leucémique, qui a besoin d’une greffe de moelle, s’il n’y a pas de donneur potentiel, ils sont capables de donner la vie à un autre enfant en espérant que cet autre enfant sera compatible immunologiquement avec l’autre. Celui-là s’il le sait aura, du mal à survivre.

Question:
Faîtes-vous une distinction entre le pré-embryon et l’embryon ?

Véronique Amice :
On ne peut pas faire vivre un embryon au delà de 14 jours hors utérus. l’encadrement par des lois est indispensable. Il ne faut pas tout brider. Fleming a fait sa découverte de champignon Pénicillium actif sur des bactéries par hasard, tout est relatif, dans un pays on peut et on doit légiférer.

Question:
Je voudrais qu’on évoque les procédures de débat public, qui permettrait aux citoyens de débattre avec des experts comme on l’a fait ici.

Dominique Mehl:
J’ai pas de recettes, je plaide sans cesse pour que ce processus législatif ne se déroule pas sans que le débat public ait lieu. et que les textes ne soient pas élaborés en catimini. Je pense que toutes les formes de publicisation de la connaissance scientifique sont absolument indispensables.

Quand un médecin ou une biologiste explique dans des termes simples les données de sa pratique, ce n’est pas de la technique, c’est un savoir qui doit être le plus partagé possible par tout le monde. Donc tout ce qui est vulgarisation scientifique est important. Évidemment, en 85 il y a eu un colloque extraordinaire où les voies les plus diverses avaient été répercutées dans la presse, je pense que c’était un forum où ne s’expliquaient que des spécialistes qui avait été un espèce de point par lequel on a pu faire écho vers la société. J’avais proposé qu’il y ait un colloque de ce type qui soit organisé pour la révision des lois bioéthiques, mais je pense que la volonté politique n’est pas vraiment vers l’ouverture de débats publics. Plus on peut être imaginatif sur les formes de participation du citoyen, donc pourquoi pas, cette idée de conférence de citoyens ? Sur ces questions-là, plus on enlèvera aux spécialistes le monopole de la décision juridique.

Bernard Edelman:
Je ne vois pas les choses comme ça. La loi se fait à 3 personnes, la loi dans la commission spéciale qui est faite pour discuter le projet, elle se fait à 3 personnes, elle a été votée par l’Assemblée nationale en premier lecture, un vote personnel, comme en matière d’avortement, de peine de mort, il n’y a pas de mots d’ordre de partis, non, les députés ne votent pas par parti. La loi, 227 socialistes ont voté, 227 pour. Faut quand même remettre les pendules à l’heure la démocratie telle qu’elle est pratiquée, c’est ça. Une loi faite par 4 individus dans une commission spécialisée, le rapporteur de la loi, le président de la Commission et un autre rapporteur. Voilà comment est faite une loi en France. Réunion de citoyens, ça fait plaisir à tout le monde, ça flatte des narcissismes personnels, je veux bien, qu’on m’en montre un jour l’efficacité. J’y participerai.

Vous y participez !

Question:
J’avais l’impression que ce qu’il y a de magique avec la République, c’est qu’on peut être un dictateur légalement et on peut aussi être un citoyen, il y a un truc qui paraît pas mal, ça s’appelle les référendums.

Bernard Edelman:
Vous faites un référendum là-dessus, il y 80% de pour.

Question:
Les débats, il y a des calendriers pour les votes. On est pas en démocratie.

Bernard Edelman:
Qui vous dit que ce n’est pas ça la démocratie. On cause et ça n’a pas d’effets.

Jean-Jacques Perrier:
Le débat public n’a pas pour fonction d’être efficace, il a pour fonction d’informer les gens de les faire participer.

Question:
Je suis étudiant en biologie, je voudrais savoir la définition du mot humanisme.

Bernard Edelman:
Ce qui fait qu’un homme n’est pas bête. Il y en a mille définitions, pour moi, humaniste c’est avoir le sentiment de faire partie de la communauté humaine dans son ensemble, c’est à dire de l’humanité. C’est se sentir partie prenante, dans l’humanité qui peuple la terre. Pour moi s’exclure ou exclure , c’est être anti-humaniste, c’est pour ça que je trouve le nazisme était anti-humaniste parce qu’il fonctionnait sur l’exclusion de certains i




Mis à jour le 06 février 2008 à 14:40