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2000 : Vagues de pollution, impacts et prévention > TR1 : Vingt mille barils sous les mers, Science, politique et marées noires >  Discours de Michel Girin

Discours de Michel Girin

Directeur du CEDRE

Biographie :

GIRIN Michel

Compte rendu :

Téléchargez "De Minamata au Natuna Sea" texte de M.Girin


Transcription :


20 octobre 2000 TR1


Discours de Michel Girin :


Le niveau de connaissances n’est jamais suffisant parce que la menace évolue en permanence, et il faut en permanence en savoir plus. Il faut aussi en permanence tirer les leçons des accidents passés pour savoir dans quelle direction orienter les travaux pour l’avenir. Nous qui sommes une petite structure, travaillons sur un problème très particulier qu’est la pollution accidentelle des eaux, qui est un tout petit morceau de la pollution. Notre autre fonction, c’est d’être documentaliste, et de documentaliste à observatoire il n’y a qu'un pas, un pas qui peut être franchi très facilement et étant des documentalistes, nous avons appris par l’expérience un problème très important que j’appellerai celui des évidences faciles, des faux-semblants.
Daniel Prieur m’a tendu la perche avec un exemple, vous avez tous entendu dire dans les journaux, que Météo-France s’était trompée. Si vous lisez attentivement les rapports des commissions d’enquête, ce n’est pas aussi simple que ça. Ce qui apparaît dans les commissions d’enquête, c’est qu’un modèle se recale tous les jours à partir d’observations, et c’est très difficile à faire. L’information du recalage du modèle n’était pas d’une précision suffisante, il faut améliorer les techniques d’observation avant d’améliorer les modèles. L’information sur ce que donnait le modèle pour des raisons techniques, des raisons d’organisation, avait du retard. Si le journal relate une prévision qui date de la veille, cette prévision n’a pas la qualité de celle du matin. Un autre domaine dans lequel il faut progresser très vite, c’est celui de la rapidité de transmission de l’information, lorsque l’on analyse dans le détail on se rend compte qu’il n’y a pas un simple point : c'est sur l'utilisation des données de modélisation des fondamentalistes qu'il faut progresser. Il y a deux autres points : une meilleure observation et une meilleure transmission de l’information vers le public. ça fait un travail en trois directions parallèles, c'est en fait un travail plus compliqué. Je vous ai apporté deux exemples, l’un simple et l’autre un peu moins simple, pour montrer ce qu’on rencontre dans ce genre de situations.
Il a été trouvé et ramassé 64 000 oiseaux pollués, mazoutés, morts ou vivants dans l’accident de l’Erika. Si l’on compare brutalement avec les chiffres de ce qui a été ramassé dans l’accident de l’Amoco Cadiz, pour 20 000 tonnes lors de l’Erika, on a eu 232 000 tonnes de mazout déversées dans le naufrage de l’Amoco Cadiz et à peu près 8 000 oiseaux ramassés. On peut interpréter que le polluant de l’Erika a été 90 fois plus toxique pour les oiseaux que le polluant de l’Amoco Cadiz ; c’est le faux-semblant, c’est la première image brutale, si on va chercher dans la bibliographie parce que tout est écrit ou presque. Dans un travail qui a été fait par Monsieur Burger en 1993, qui a étudié 44 cas de pollution, on découvre que c’est beaucoup plus complexe.
Le rapport entre les oiseaux réellement mazoutés, tués, et ce qui a été touché effectivement, varie énormément d’un accident à l’autre en fonction de la publicité faite à cet accident.
Le nombre d’oiseaux touchés varie en fonction de tout un ensemble de facteurs qui sont la saison, les espèces.Ce qui amène nos amis américains qui ont l’ego, je dirai, gonflé par moment, à nous dire “ mais nous dans l’accident de l’Exxon Valdez, nous avons eu 35 000 oiseaux ramassés, nous avons fait des études très précises qui nous montrent que nous avons eu 300 à 350 000 oiseaux qui ont été touchés, tués par cette pollution. Nous, nous avons des documents scientifiques précis, des analyses de dérive, des études de décomposition d’un cadavre d’oiseau sur une plage, rappelez-vous, c’était l’Alaska un espace extrêmement vaste avec très peu de gens, donc on n’allait pas sur toutes les plages suffisamment rapidement pour ramasser, vous vous avez vos plages tout près avec plein de gens, vous pouviez aller ramasser tous les oiseaux et nous vous prétendons que nous détenons toujours le record du monde de 330 000 oiseaux tués, à vous Messieurs les Français de nous prouver que vous avez fait pire que nous ”.
On peut affirmer des choses mais ensuite il faut que ces choses tiennent la distance scientifique. Si vous prenez actuellement le cas de la marée noire du Sea Empress à Milford Haven au Pays de Galles en 1996, vous découvrez en lisant les documents que le coût total estimé de cette pollution se promène entre 1,9 et 3,3 milliard de francs, estimations qui sont faites et qui apparaissent dans des revues professionnelles. 1,9 à 3,3 milliards, ça fait beaucoup mais vous découvrez, ô ! Surprise, qu’il n’a été demandé que 485 millions de francs d’indemnisation. Alors pourquoi ? Quand on perd 3,3 milliard de francs, pourquoi ne demande-t-on que 485 millions ? Il n’en a été payé que 172 millions. On peut dire que l’indemnisation n’est pas suffisante, on peut se poser des questions. Une question que l’on peut se poser, c’est une des composantes de ces 3,3 milliards, c’est la perte de 500 emplois futurs prévus dans une restructuration d’une centrale thermique à Milford Haven qui devait travailler en brûlant de leur émulsion, un produit vénézuélien très épais, peu polluant pour l’air mais qui, s’il est déversé en mer peut provoquer un accident extrêmement grave. Et l’accident du Sea Empress a fait prendre conscience du risque qui était pris et a fait bloquer par les organisations écologistes, à juste raison, ce développement industriel. Ces 500 emplois de perdus, d’un projet qui devait exister, est-il logique ou illogique de compter cela dans les dommages de cet accident ? Certains le comptent, d’autres vous répondent au contraire, cet accident a permis d’éviter quelque chose qui aurait pu être plus grave plus tard.
Il faut être prudent dans ce qu’on annonce. Un observatoire, c’est aller chercher chez ceux qui vivent ce genre de situations l’expérience qu’ils ont et ne pas réinventer la lune.Un observatoire devra être une fédération de l’expérience des observatoires sectoriels qui existent.Tirer les leçons de ce que connaissent ceux qui vivent en permanence dans chaque composante de cette situation.





Mis à jour le 28 janvier 2008 à 09:55