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2000 : Vagues de pollution, impacts et prévention > TR 3 : L’eau à la bouche : Pollutions industrielles, agricoles, la loi sur l’eau et la sécurité sanitaire >  Débat de la table ronde 3

Débat de la table ronde 3

Marie-Jeanne Husset, Directrice de la rédaction de “60 Millions de consommateurs”
M. Paugam
René Quéméré, Président de la Chambre d’Agriculture du Finistère
M. Rivoal, Association “ Diwal en aberriou ”
André Le Maillé
Brigitte Omnès
Jacques Berthelot, Conseiller Régional de Bretagne
Hubert de Poulpiquet, Maire de Milizac
Laurent Roy, Conseiller technique de la Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement
Guy Colin, Président de la Confédération Paysanne du Finistère
Gérard Morvan, Président de l’Association S.O.S.
Gilles Huet, Eau et Rivières de Bretagne
Pascal Mitoyen
Hervé Rouzic
Henri Girard, Président d’Eau et Rivières de Bretagne
Annick Hélias, Directrice de l’environnement, DIREN Bretagne
Michel Branchard, Directeur du Laboratoire de Biotechnologie et Physiologie Végétale (ISAMOR / UBO)
Claude Terasson, militant, agriculteur bio
François Inizan,Président de “ Qualité de la vie à Milizac ”
Jean-Michel Bizien, agriculteur, Maire de Landunvez

Compte rendu :

Transcription :


20 octobre 2000 Débat de la TR3


Débat :


Marie-Jeanne Husset :
Pour lancer le débat, je voudrais faire quelques réflexions que je vais livrer dans un ordre tout à fait aléatoire.
Une première réflexion me vient du débat que vous allez avoir quand “ les parisiens seront partis ”. Il y a 25 ans j’étais journaliste scientifique, je m’occupais d’environnement. Je me souviens très bien que l’on vantait les défenseurs de l’environnement, on vantait comme technologie propre la valorisation et la transformation des boues de stations d’épuration.
La deuxième réflexion,c’est que je suis venue dans cette région,au début de l’année 1988, pour faire une enquête sur la Bretagne 10 ans après l’Amoco. Ce qui m’avait frappé quand je suis partie, c’est que j’ai senti l’émergence des conflits entre activités terrestres,si je puis dire,et maritimes.
La troisième est plus actuelle, elle me vient de ce que vous connaissez tous ici beaucoup mieux que moi :la campagne nénuphar.Cette campagne tout à fait emblématique d’un phénomène nouveau, auquel il va falloir s’habituer et que j’appelle la révolte des consommateurs. Et cela me fait penser à la réflexion d’un dirigeant, d’un distributeur, qui disait : “ le consommateur, c’est vraiment un con,on peut lui fourguer n’importe quoi ”. On est entré dans un système,qu’on le veuille ou non,qui n’est plus commandé par la production mais par les consommateurs.
La quatrième réflexion, m’amène à dire que les problèmes de l’eau en Bretagne semblent cristalliser ce divorce qui s’est amorcé depuis quelques temps entre les citoyens consommateurs et les paysans.Je crois qu’il serait intéressant de voir comment peut,d’une façon nouvelle puisqu’on est finalement dans une situation de crise - des crises émergent toujours des choses positives - se construire un monde nouveau avec à nouveau une conciliation entre le monde rural et les citoyens.


Monsieur Paugam :
Je voudrais m’adresser à Monsieur Quéméré.Il dit se battre contre la pollution.Il vient pourtant de faire un dossier où ils ont enlevé deux chemins que la mairie du Drennec leur ont donné.Ils ont enlevé tous les talus, ont fait un caniveau tout le long du champ. Il y a 40 mètres de dénivellation, ce qui fait des pentes de 3 à 7%. Quand il y a des grandes pluies, toute cette eau vient à la rivière à grande vitesse.Il faut dire que ce dossier est fait sur un bassin versant de l’Aberwrac’h prioritaire.Ils ont oublié d’indiquer qu’il s’agissait d’un bassin versant prioritaire. Les agriculteurs ont fait trois maisons en haut. L’eau de leurs maisons part dans le caniveau et tout descend à une vitesse excessive. Ils mettent du lisier sur le maïs :c’est un entonnoir.S’ils font un traitement phytosanitaire et que la pluie tombe, tout arrive à la rivière.Ensuite on nous dit,“ on se bat pour regagner la qualité de l’eau ”.Alors qu’il faut faire des talus, vous enlevez des talus, encore à l’heure actuelle.Vous enlevez des talus alors que tous les petits paysans ont compris qu’il faut en construire.
Je vais vous parler d’un dossier fait par un agriculteur.Il s’agit d’un adjoint au Maire de Kersaint-Plabennec qui a donné l’ordre à un agriculteur de faire en sorte que l’eau de son champ ne vienne ni à la rivière,ni dans le chemin.Les paysans se battent donc pour que l’eau ne pollue pas.Et quand les dossiers sont réalisés par la Chambre d’Agriculture tout vient à la rivière : c’est le dépotoir.

René Quéméré :
Je ne connais pas tous les dossiers, mais cela m’étonnerait beaucoup que la Chambre d’Agriculture donne ce genre de conseils. Je peux vous donner des exemples sur le bassin versant de l’Odet où j’ai moi-même été avec l’adjoint au maire de Quimper qui s’occupe de l’environnement,pour dire ce qu’ils avaient à gagner en mettant en place des talus.Sur le dossier mentionné,je n’en dirai pas plus car ça va à l’encontre de ce que nous préconisons à la Chambre d’Agriculture.Il y a des agriculteurs qui ne respectent pas encore la réglementation sur les installations classées, sur les permis de construire. Certains ne sont pas encore dans une agriculture durable.Si ce que vous me dîtes est parfaitement exact,nous ne pouvons couvrir ce genre de comportements et nous sommes prêts aussi à les dénoncer dans certains cas, encore que ce soit plutôt de la responsabilité de l’administration et des élus.

M. Rivoal :
Le Président de la Chambre d’Agriculture vient de nous dire qu’il n’a pas la possibilité de contrôler la centaine de personnes qu’il a sous ses ordres.Ce qui illustre bien qu’il y a loin de l’intention aux actes.C’est donc une Chambre d’Agriculture où on ronronne. Simple réflexion. Une question maintenant : le Président nous a exposé une série de mesures pour lutter contre la pollution de l’eau : des bandes enherbées, des talus. Je voudrai lui demander si ce sont là des mesures qui vont au coeur du problème. Si par ailleurs, il s’est préoccupé de faire en sorte que ses mandants essayent d’appliquer la circulaire Voynet en réduisant les excédents, les dépassements d’effectifs de porcs qui sont à l’origine de nos abus en matière de pollution.

René Quéméré :
A la suite de deux heures de ce genre de discussions nous nous comprendrons beaucoup mieux.J’ai dit que les paysans étaient fiers de ce qu’ils font sur certains bassins. L’accumulation de ces mesures dans une exploitation, sur un territoire sont de nature à aller vers l’amélioration de la qualité de l’eau.Je vais vous donner des chiffres sur le bassin de Kermorvan.A propos de l’atrazine, en 1997 il y avait 43 prélèvements qui dépassaient les normes, en 2000 il y en a quatre, en 1998 il y en a seize ; ce qui est appliqué sur ce petit bassin versant de Kermorvan donne des fruits.Ce sont des mesures que l’on met les unes à côté des autres qui donnent des résultats. Ailleurs cela donnera les mêmes résultats.

André Le Maillé :
Je voudrais demander à Monsieur Quémeré si les chiffres qu’il annonce sont en eau brute ou en eau traitée.

René Quéméré :
Les résultats proviennent des rivières du secteur.

Brigitte Omnes :
Je voulais m’adresser aux politiques, à la politique gouvernementale en matière d’environnement.
La politique générale, ceux qui nous gouvernent, sont tous ensemble.Malheureusement l’environnement n’est pas beaucoup écouté. C’est pourtant en ce moment la priorité et j’ai du mal à comprendre que notre président aille au salon de l’agriculture et puisse présenter la Bretagne comme le modèle de politique agricole, alors que nous sommes en train de détruire la terre,l’eau.L’air est meilleur qu’ailleurs,il nous reste l’air.En matière de politique,les aides,au lieu de soutenir des productions qui actuellement nous coûtent à nous consommateurs, car ce sont des productions qui ne nous intéressent plus, que feront nos gouvernants pour revenir à une agriculture humaine ?

Jacques Berthelot :
Je comprends votre préoccupation de consommateur qui paie l’eau deux fois…et on la paie aussi avec les impôts ce qui est un petit peu bizarre. Je parle en tant que rapporteur général de la région et je comprends tout à fait ce type de réactions de la part des contribuables qui voudraient une politique un peu plus cohérente, je crois.
C’est l’une des propositions que nous avons faites,le Conseil Régional unanime a demandé à l’Etat et plus particulièrement à Madame Voynet qu’il y ait la nomination d’un haut fonctionnaire, qu’une cohérence véritable soit mise en place entre ces différentes politiques au niveau de la Bretagne/

Hubert de Poulpiquet :
Mais il a fallu intervenir au niveau des politiques ; ce que vous prêchez appliquez-le.

Laurent Roy :
Pour en revenir à ce qui a été dit tout à l’heure,le Président de la République ne gouverne peut-être pas mais il est sacrement présent quand il s’agit de politique agricole, notamment lors des négociations qui ont abouti à Berlin en 1999...Vous avez raison de dire que si on en est là, c’est que les politiques agricoles répondent à une demande :celle de produits alimentaires abondants et de bon marché.
La réorientation de la PAC qui a débouché en 1999 n’a pas orienté suffisamment en profondeur cette politique agricole.
Il y a ceci dit un certain nombre de progrès.Des outils ont été créés et il faudrait s’en saisir et pas tout renvoyer vers les pouvoirs publics. Notamment la loi d’orientation agricole a créé des CTE (contrats territoriaux d’exploitation).Ces CTE sont dotés d’un milliard de francs,ce n’est pas rien.Ces CTE peuvent être la meilleure ou la pire des choses selon la manière dont ils sont mis en place. S’ils sont utilisés pour faire du saupoudrage d’aides publiques sans changer en profondeur les pratiques,ils n’auront guère d’effet.Si ces CTE sont utilisés pour faire de vrais projets de territoire, de pays, avec des projets collectifs,avec des paysans qui se mettent ensemble pour changer leurs pratiques, qui travaillent avec les élus, avec l’ensemble des partenaires,là on verra une réorientation de l’agriculture. L’argent est là pour le faire. L’Etat s’engage, les collectivités aussi. Encore faut-il que derrière, les acteurs suivent.On a encore des freins économiques sérieux,mais on commence à avoir des outils.De grâce,utilisons-les au mieux.

Guy Colin :
Que font nos gouvernants ? Je vais être dur, mais je crois qu’ils manquent de courage. On a mal vécu depuis trois ans la crise porcine.C’est quoi la crise porcine ? Il n’y a pas de marchés. Le producteur est dans une impasse.
Nous demandons à avoir une maîtrise de la production porcine sur l’Europe. Le cours sur le marché mondial est plus fort que sur le marché européen. Il est indispensable de prendre conscience de cette situation. Concernant la production de volaille, c’est la même chose. Les aides à l’exportation vont diminuer. Ce sont des décisions politiques qui ont été prises en 1994. Ce n’est pas nous, les politiques le savent. Qu’est-ce qu’ils font pour que ce secteur-là ait un moyen de vivre demain ? N’est-il pas nécessaire d’investir dans la recherche pour que demain on produise du poulet de meilleure qualité vendable avec une valeur ajoutée importante ? On vient de parler des CTE,l’objectif était intéressant mais il y a un décalage important entre l’objectif de la loi et la réalité sur le terrain.On continue dans la même logique que la PAC : on aide à des surfaces, alors que le CTE devait promouvoir un autre modèle agricole. Il faut continuer à exercer la pression sur les politiques car l’avenir des paysans passera par une évolution de la politique agricole.

René Quéméré :
Nous sommes d’accord avec le fait d’avoir des projets communs, les collectivités.

Laurent Roy :
Il y a un colloque le 26 octobre ouvert par Dominique VOYNET et clôturé par Jean GLAVANY qui a pour but de démontrer que la priorité des CTE, c’est de faire de la réorientation en profondeur des pratiques au niveau des terroirs.

Gérard Morvan :
Une question pour Monsieur de Poulpiquet,qui nous a dit qu’il y avait un manque de contrôle sur les épandages, et il citait une même parcelle qui recevait à la fois du lisier et du fumier de poulet. J’ai tendance à lui dire qu’il est un peu “ gonflé ” car chacun sait que s’il y a une loi du silence, cette loi du silence est imposée par le milieu agricole.J’ai en mémoire l’article d’un médecin qui travaillait sur les fluides de pesticides et de nitrates dans la rade et qui se plaignait en disant “ je n’y arrive pas, je demande les chiffres à la Chambre d’Agriculture,aux autorités agricoles,je n’y arrive pas. ”.Il est temps que cesse cette omerta,et que l’on connaisse au moins la situation de la pollution dans notre région. L’application de la loi réglerait le problème de l’eau,s’il y avait des contrôles plus sévères et plus réguliers.

Hubert de Poulpiquet :
Vous m’avez mal compris sur le problème de l’épandage.Je dis que le drame c’est qu’on ne peut pas changer d’assolement.C’est ça qui fait problème quand on parle des problèmes de métaux dans les terrains.
Pour ce qui est du contrôle du cheptel par le personnel vétérinaire, ils n’ont pas de personnel compétent actuellement. D’après les techniciens des services vétérinaires que je vois souvent, les contrôles sont assez ciblés. Il n’est pas compliqué pour la Direction des Services Vétérinaires qui dépend de la direction départementale de l’agriculture de retrouver les fraudes.Il y a une dizaine d’années,il y a eu du laisser-aller de la part des agriculteurs pas toujours de mauvaise foi.Je crois qu’aujourd’hui les agriculteurs sont conscients,et ils utilisent au mieux cet engrais organique.

Gilles Huet :
Je voudrais illustrer par un exemple le manque de transparence et de rigueur dont aujourd’hui l’Etat fait preuve quand il conduit un certain nombre de politiques, particulièrement en matière de développement d’élevage.
On vit dans une région où 1/3 du territoire est en zone d’excédents structurels,c’est-à-dire des secteurs dans lesquels la quantité d’azote qu’on apporte au milieu est supérieure à la quantité d’azote que le milieu peut absorber. Aujourd’hui une Association comme Eau et Rivières de Bretagne est présente dans les quatre conseils départementaux d’hygiène.Nous demandons pour chacun des projets qui passe devant ce conseil, dans le canton où est implanté ce projet, où est-ce que nous en sommes depuis 1994 ? Où en est-on aujourd’hui, est-ce qu’on a éliminé de l’azote ? Quel en est aujourd’hui le bilan ? Nous sommes à la fin de l’année 2000 pour un programme lourd financièrement et Laurent Roy le rappelait tout à l’heure,aujourd’hui l’Etat n’est pas capable de nous dire, ou on ne veut pas nous dire, dans quelle situation précise se trouve les quantités d’azote effectivement apportées par hectare.
On travaille en aveugle. Et il me paraît totalement irresponsable de mettre en oeuvre des programmes aussi lourds que Bretagne Eau Pure, sans se doter d’un certain nombre de moyens de gestion qui permettent de prendre des décisions, en toute connaissance de cause. Aujourd’hui c’est exactement le contraire que l’on fait dans les Conseils départementaux d’hygiène et de préfecture.

Laurent Roy :
Par rapport à ce qui vient d’être dit,
bien sûr le respect de la loi fait partie fondamentalement du retour à la normale, à une vrai politique de reconquête. Elle passe par la combinaison des différents outils disponibles, de police et de contrôle et des outils d’incitation.
On parlait, tout à l’heure, des CTE, des actions contractuelles. C’est en combinant ces différents outils sur des territoires prioritaires qu’on peut avancer. Sur les contrôles en particulier, on a donné des instructions pour qu’ils reprennent et pour qu’ils soient renforcés, par une circulaire du 2 février 1999. Cette démarche produit ses effets : des éleveurs passent en jugement et sont condamnés. Les effectifs des services de contrôles demeurent toutefois nettement insuffisants ; ces services de contrôle sont des services qui dépendent du ministère de l’agriculture et de la pêche. Ce n’est pas très facile pour le ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement de mettre des moyens dans des services qui ne dépendent pas lui ! Malgré cette difficulté, on a créé sur notre budget des postes de vétérinaires supplémentaires affectés en majorité en Bretagne.On met des moyens petit à petit, avec nos moyens limités, dans des services qui ne sont pas de chez nous pour contrôler davantage. Le troisième élément de réponse est qu’il est clair qu’il faut savoir ce qu’on fait, et avoir des tableaux de bord pour connaître concrètement l’évolution de la résorption effective des excédents. C’est une nécessité. Il faut avoir un moyen de suivi plus efficace qu’on ne l’a actuellement pour pouvoir définir les priorités, les infléchir, pour qu’on aille vers la reconquête. Je voudrais sortir du débat “ y a qu’à, faut qu’on ”. Sur les objectifs on est en ligne, sur la nécessité de rétablir un état de droit. Mais par quels moyens ? Cette démarche est une démarche de longue haleine, on essaye de la mettre en place.Au ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement on aimerait bien être moins seul là dessus, que cette politique de reconquête de la ressource en eau soit un peu plus en cohérence avec la totalité de la politique agricole mise en oeuvre. On est loin du compte.

Pascal Mitoyen :
Citoyen contribuable qui se vit un petit peu comme un “ cochon payant ”. Il a été dit qu’un certain nombre d’actions ont été menées pour la reconquête de l’eau. On nous a dit que dans deux ou trois villages ça semblait aller mieux,et parallèlement on a entendu dire qu’un certain nombre de plans,Bretagne Eau Pure 1,2, 3,se sont succédés, ainsi que les PMPOA, qui m’ont coûté, en tant que contribuable, beaucoup d’argent . Essayons d’aller plus loin, Monsieur Huet nous a parlé d’un sondage qui serait tenu secret par les pouvoirs publics.Puisque les associations semblent avoir un certain talent pour dénicher les informations cachées,pouvez-vous nous dire quel est le pourcentage d’exploitations agricoles, en Bretagne ou dans le Finistère, qui sont en infraction avec la loi ?

Gilles Huet :
La réponse d’Eau et Rivières ne sera pas différente de la réponse donnée par les pouvoirs publics eux-mêmes, à savoir 80% des élevages classés étaient en situation non conforme par rapport aux autorisations qui leur avaient été accordées. Et ça, c’est la situation mise en évidence au travers du programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole.

René Quéméré :
80% des élevages par rapport à quoi ? Par rapport à quelle réglementation ? Si c’est la réglementation d’aujourd’hui,la réglementation a bougé sans que l’éleveur ait forcément fait une démarche. Ca n’est pas dans cet esprit que cela se passe. Je voudrais rappeler la position de l’administration sur cette démarche de régularisations. Il était clair qu’un bon nombre d’élevages n’avait pas de démarches à faire,n’apportait aucune modification à leur élevage sauf dans le cadre du PMPOA. Cela m’amène à faire quelques réflexions. Eau et Rivières effectivement, a bénéficié de fuites au niveau de certains Ministères.Il y a eu des fuites avant que ce dossier n’ait été confronté à un certain nombre de spécialistes,d’autant plus que ceux qui étaient au bout du fusil étaient les agriculteurs. “ L’argent est tombé dans la poche des agriculteurs, ce programme a coûté une fortune et n’a rien apporté ”.
Quelques explications malgré tout : j’ai apporté quelques chiffres d’agriculteurs qui avaient intégrés ce programme.On dit qu’il n’a rien apporté alors qu’on a à peine démarré la mise en oeuvre de ce programme d’investissement dans les exploitations.
On assassine le programme avant qu’il ne soit mis en place et, loin s’en faut, avant qu’il n’ait eu le temps de porter des résultats. En ce qui concerne les résultats, il ne faut pas prendre et ce sont les spécialistes qui nous le disent,la teneur de l’eau en nitrates à l’année N+2. Les résultats, on les verra dans quelques années,c’est 7,8,10 ans,selon les secteurs.Ce qui nous semble important,à nous professionnels du monde agricole, c’est que l’on se mette d’accord entre associations, administrations, professions, sur un certain nombre d’indicateurs qui vont pouvoir nous permettre de dire oui, effectivement, le monde agricole change,les stockages sont mis ou pas en place, la quantité d’engrais chimique diminue ou pas, les volumes utilisés,le changement de molécules,ce sont des indicateurs sur lesquels il faut qu’on se mette d’accord. Et là je m’adresse aux élus,je leur dis :vous êtes responsables face au consommateur, face au citoyen, face au contribuable.
Voilà ce que nous faisons et nous l’évaluons à travers un certain nombre de critères. Nous sommes attachés à deux notions.La première est la transparence,je le dis à chaque fois que j’interviens sur le sujet et l’évaluation par d’autres que nous.Nous sommes prêts pour cela.Je vais reprendre les propos du Monsieur qui a posé la question,il a parlé de deux villages :sans doute parce que Ploumoguer n’est pas très grand, Kermorvan non plus,et Pont-l’Abbé ne fait pas partie des capitales non plus. Je précise que nos actions sont en place sur 17 bassins versants dans le Finistère et touchent directement 3300 exploitations, ça n’est pas rien. Dire que tous ces programmes PMPOA coûtent chers,et ne rapportent rien,attendons de voir lorsque le moment sera venu ! C’est un message pour les élus mais aussi pour les contribuables.

Gilles Huet :
Je vais répondre à René Quéméré sur la situation par rapport à la réglementation et sur le PMPOA.
Quand je citais le chiffre de 80%, donné par l’Etat, d’élevages en infraction, c’était par rapport à une loi du 19 Juillet 1976.
Cette loi prévoit que dans les élevages soit fixé un plafond pour le cheptel, et que soit accordé une autorisation sur un plan d’épandages.Les modifications observées dans 80% des élevages concernait pour partie un cheptel supérieur à celui autorisé, et pour l’autre partie un plan d’épandage notablement modifié par rapport au plan d’épandage initial.Voilà pour la situation par rapport à la réglementation.
Sur le PMPOA et le rapport du PMPOA,ce n’est évidemment pas Eau et Rivières de Bretagne qui a décidé de diligenter une mission d’inspection générale, composée de 7 inspecteurs généraux des Ministères des Finances, de l’Agriculture, et de l’Environnement pour évaluer le programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole. C’est l’Etat qui l’a fait, et il nous semble,à nous associations de citoyens,qu’un rapport fait par des fonctionnaires d’Etat,un rapport qui porte sur l’utilisation des fonds publics,doit naturellement être mis à disposition de la connaissance et de la réflexion du public.Nous nous honorons d’avoir mis ce rapport à disposition du public et en faisant ainsi, nous avons le sentiment de servir la réflexion collective et de servir la démocratie. On ne peut pas vouloir la transparence dans les discours et pratiquer l’inverse. Nous estimons que ce rapport était utile pour la réflexion de la collectivité, et c’est la raison pour laquelle nous avons dès que nous l’avons obtenu décidé de le mettre à la disposition du public.
Le troisième point concerne l’évaluation des résultats.Ce que je vais dire n’engage pas seulement Eau et Rivières. Si vous prenez le dernier état de la qualité de l’eau pratiqué sous l’égide de la Préfecture de Région, que le préfet a diffusé au mois de juillet dernier, vous y trouverez l’affirmation selon laquelle l’année 1999 qui est la dernière année connue, a été l’année (depuis que des suivis de la qualité de l’eau ont été mis en place) au cours de laquelle les quantités d’azote qui ont été transportées par les rivières de Bretagne au littoral,ont été les plus importantes.
C’est une donnée des réseaux de mesures de la qualité des eaux et ces résultats ont été publiés par la préfecture de région. Je voulais intervenir sur la dernière demande de René Quéméré, parce qu’elle me paraît importante. On sait tous ici que les résultats seront longs à obtenir en matière d’inversion des courbes de la pollution,mais il ne faut pas utiliser cet argument pour dire “ prenez patience ça va demander du temps, mais pendant ce temps-là on s’occupe du reste ”. Notre devoir c’est bien d’être vigilants sur les actions qui sont mises en oeuvre parce que justement les résultats seront longs à venir.
C’est un peu effrayant, après un Bretagne Eau Pure N°1, un Bretagne Eau Pure n°2, qu'on en soit encore à débattre de la nature et du niveau des indicateurs mis en place. Car aujourd’hui, y compris sur ces indicateurs, on n’a pas beaucoup de résultats.A l’échelle de la région Bretagne sur environ 400 000 tonnes d’azote qui sont introduites au niveau de la région, il y en a 100 000 dont il faudrait se débarrasser au plus vite si on veut améliorer la qualité de l’eau.Et par rapport à cette situation, et là je suis d’accord avec René Quéméré,on obtient des résultats sur quelques bassins versants. On n’a pas encore changé les grandes masses au niveau de la consommation d’azote minérale,la consommation ne baisse pas sensiblement, et chacun le sait ici pour ce qui concerne la résorption des excédents organiques, on n’en est encore à ses tous débuts.

Hubert de Poulpiquet :
C’est un constat que nous faisons,mais il faut remettre en cause les 20 dernières années, quand notre population rurale est restée à l’agriculture, les jeunes ont voulu rester à l’agriculture, et qu’alors la surface de référence était 17 hectares.Pour tout agriculteur qui avait une exploitation de 7 à 10 hectares et qui ne pouvait pas vivre en polyculture dessus, la solution était de faire du hors sol.C’est pour cela que nous avons vu des poulaillers,des porcheries, se construire partout dans notre région. Il est certain que la meilleure épuration, ce ne sont ni des systèmes, ni des usines, c’est le sol. Mais on a mis en place une réglementation.
Les agriculteurs ont été piégés dans leur envie de vivre.Ils ont développé des systèmes hors sol. Aujourd’hui je crois qu’on ne sait pas affronter tous les participants, on se rend compte qu’il y a eu des bêtises de faites.A nos jeunes qui se sont installés,est-ce qu’on peut leur dire :“ Remettez tout en question ! ” “ lâchez tout ! ” et que ce soit les pouvoirs publics, les banques, tout le monde est coincé dans le système et on n’en sort pas.
Quelles solutions ? On peut dire une agriculture durable souhaitée, mais est-ce qu’on est prêt à voir les jeunes s’installer avec des revenus de misère ? Est-ce qu’on peut reprocher à un agriculteur, d’avoir pris un salarié, et de monter une petite entreprise pour avoir un week-end sur quatre ? J’ai des enfants d’une vingtaine d’années, ils ne comprennent pas les parents qui prennent des vacances tous les 15 ans. On n’est pas là entre ruraux et urbains pour se bagarrer, il y a eu des erreurs de faites,il va falloir qu’on travaille ensemble.Il y a une ambiance dans le monde rural qui fait que l’on se sent accusés, il va falloir trouver des moyens de régulariser tout cela.

Hervé Rouzic :
Je vais être le vilain petit canard de la salle, puisque je suis éleveur de porcs industriels à Ploudalmézeau.Je suis un peu triste aujourd’hui d’avoir vu une émission comme Thalassa, qui n’a fait que montrer du doigt un type d’agriculture.Je suis triste d’être là cet après-midi,de constater et de voir la société me montrer du doigt et proposant, ma foi, assez peu de choses. Je me demande comment on se sortira de ces difficultés. Deux questions néanmoins. Quand on parle du flux azoté, Monsieur de Poulpiquet l’a souligné tout à l’heure, ce n’est que 12%. Est-ce qu’une taxation de l’azote, taxe qui aurait alimenté un fonds pour permettre de dépolluer n’aurait pas été plus judicieux que toutes les contraintes que l’on a,et Dieu sait si l’on en a ! Est-ce que la société est prête à financer la réduction de l’agriculture ?
Moi j’aurais préféré vivre avec 100 truies tout en conservant mon salarié, tel que l’a souligné le maire de Milizac.
J’aurais préféré réellement vivre avec 100 truies, un système différent, mais je ne suis pas sûr que la société soit prête à payer plus cher la production que l’on fait.Si on fait une production comme on l’a fait, c’est parce que vous autres l’avez voulu. Si on fait 98% comme ça, c’est bien parce qu’il y a 98% des consommateurs derrière. S’il y avait 98% de consommateurs à consommer 98% d’agriculture biologique,on aurait 98% d’agriculture biologique. On ne produit que ce que l’on peut vendre.

Laurent Roy :
Justement dans le projet de Dominique VOYNET,de réforme de l’eau,il y a la création d’une taxe sur les excédents d’azote quelle que soit la source de l’azote,car il est vrai que l’azote minéral a un impact considérable,et qu’on aurait tort de ne se préoccuper que de l’azote organique en provenance des élevages.

Hervé Rouzic :
Si vous mettez la taxe sur n’importe quelle forme azotée, ça ne va pas coller. Quand je vous dis qu’en mettant une taxe sur les engrais minéraux, on a multiplié par deux ou par trois le prix de l’amononitrate. On n’aurait pas eu besoin de l’usine Valouest dont on va parler tout à l’heure, automatiquement on aurait étalé le lisier on lui aurait donné une valeur intrinsèque.

Laurent Roy :
C’est curieux parce que les éleveurs nous disent qu’il ne faut taxer que l’azote minéral parce qu’avec l’azote organique,il n’y a pas de problèmes.Et quand on se présente aux producteurs de blé ou de betterave, ils nous disent “ah non ! il ne faut taxer que l’azote organique”.

Hervé Rouzic :
Cherchez où est le lobby le plus fort.
Quel est le niveau d’azote dans le bassin céréalier ?

Laurent Roy :
Un petit peu inférieur à celui d’ici. Il me paraît logique que l’azote dans l’eau soit considéré comme en excès, quel que soit sa provenance. Ce qu’il faut taxer, c’est l’excès d’apport qu’il soit minéral ou organique. Cette taxe sert à financer les politiques de dépollution de l’eau vis à vis du monde agricole.Actuellement le monde agricole est très bénéficiaire du dispositif des agences de l’eau.Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que le monde agricole, actuellement, contribue aux agences de l’eau à hauteur de moins de 100 millions de francs par an. Et il touche des aides des agences de l’eau à hauteur de plus de 1 milliard de francs ; c’est pas mal, c’est multiplié par 10 ! Le budget des agences de l’eau est financé à près de 90 % par la facture d’eau acquittée par l’usager domestique, soit près de 9 milliards sur 10 milliards.
Et à 100 millions par les agriculteurs. Dans la réforme qu’on veut créer, on envisage, compte tenu de la création de cette taxe sur les excédents d’azote, de porter la contribution du secteur agricole,à environ 800 millions de francs,toujours sur les 10 milliards. Donc 8 %, on va dans le sens du rééquilibrage, mais les agriculteurs resteront très bénéficiaires du dispositif, donc on va dans le sens que vous demandez sachant que les agriculteurs sont très largement bénéficiaires du système et que ceux qui sont pénalisés sont les usagers domestiques sur la facture d’eau.

Henri Girard :
Je voudrais faire quelques remarques plus terre à terre, concernant les interventions.J’aimerais que ce que vous dîtes soit réellement fondé, il faut nous respecter. Je fais deux remarques parce que je ne connais pas tout, loin de là, Monsieur le Maire de Milizac, vous avez dit qu’il faut pratiquer l’assolement, vous avez dit que le service de contrôles vétérinaires est suffisant et sérieux. Dans le Morbihan il n’y en a que deux et demi,je ne suis pas sûr que le service de contrôles puisse passer une fois tous les 10 ou 20 ans par installation classée et encore je ne suis pas sûr de mon calcul,c’est peut-être une fois tous les 30 ans.Maintenant,Monsieur Quéméré, les efforts que vous faîtes sont louables, je ne connais pas tout.Vous parlez au nom de qui, au nom du département du Finistère. Mais il y a quatre départements en Bretagne, il s’agit donc d’une affirmation trop généralisée.Vous avez parlé de validation des enquêtes d’opinion, vous avez mis en doute l’enquête qu’Eau et Rivières a publié dans son journal, en disant qu’elle n’était pas validée. Au journal télévisé, le Vice-président de la Chambre d’Agriculture, a dit que cette enquête était bien connue de ses services, alors peut-être faut-il vérifier ce que vous dîtes.

Hubert de Poulpiquet :
Le problème des assolements en agriculture est reconnu par tout le monde, le phénomène de monoculture en particulier de maïs est très dangereux. En matière organique quand on peut alterner des fumiers et des lisiers, pour la structure du sol c’est indispensable. C’est reconnu par les agronomes.

Henri Girard :
Vous êtes un habile politique, il ne s’agit pas d’assolement par deux produits de déjection, mais assolement par la verdure.

Hubert de Poulpiquet :
Je vous dirais par expérience quand on voit la réglementation actuellement sur les épandages de lisiers, interdiction du 15 novembre au 15 février parce que l’écoulement se fait à cette époque car il y a beaucoup d’eau, les produits sont entraînés. On se rend compte dans une année comme l’année 2000, où l’on a eu des températures très basses, que les agriculteurs qui ont employé des engrais organiques type fumier de bovins, la dégradation s’est faite très progressivement et dans les cultures de maïs il y avait un net retard sur tous les fumiers tels que la volaille et les compostages. On peut se poser des questions sur la réglementation en disant que les fumiers de bovins n’ont pas nitrifiés pendant la période d’été, on va donc retrouver les nitrates maintenant.

René Quéméré :
Pour vous rassurer, dans les autres départements il y a la même approche. Au niveau de la région nous menons aussi des réflexions, et nous avons des propositions à faire à ce niveau-là. Il ne faut pas opposer les uns aux autres sur le problème de l’environnement.
Pour l’enquête, les fuites organisées qui sont intervenues à un moment donné sans qu’il y ait la possibilité d’évaluation véritable de confrontation et d’explication. Il faut des évaluations objectives et c’est cela que je dénonçais.

Annick Hélias :
Je voudrais apporter quelques contributions au débat, entre la salle et la tribune.Tout d’abord, Gilles Huet s’est interrogé sur l’efficacité des programmes successifs de Bretagne Eau Pure, en parlant de 1, 2, 3 et pour bien comprendre l’évolution des politiques partenariales publiques, Etat, collectivités, Agences de l’Eau et partenariats Chambre d’Agriculture, les orientations de ces programmes, Bretagne dit BEP1, a tout d’abord ciblé sur les problèmes du littoral.
Nous sommes aujourd’hui en train de parler de la mer.Ce programme du contrat de plan qui remontait déjà à 15 ans portait principalement sur l’assainissement des grandes communes littorales. Il y avait là des masses de rejets insuffisamment traités, les pouvoirs publics se sont mobilisés pour remettre aux normes les stations d’épuration et on s’est rendu compte que ce programme assez coûteux n’avait pas d’efficacité suffisante puisque la pollution, les mesures des milieux, de l’eau, continuait à se dégrader.A partir de ce programme BEP1, il y a eu une inflexion vers un deuxième programme BEP2,qui s’est occupé prioritairement de la pollution diffuse d’origine agricole. BEP2 a lancé une politique généralisée qui s’appelle la démarche de bassins versants. On quittait les problèmes de stations d’épuration pour engager un travail sur 19 bassins. Des petits secteurs où il y a eu des prises de conscience, de la pédagogie, des méthodes de reconquête de la qualité de l’eau, un double volet de recherches avec l’INRA,le CEMAGREF,tout le monde scientifique et un volet communication pour pouvoir mobiliser les agriculteurs parce qu’ils sont les premiers intéressés mais les communes également.
La prise de conscience de tous les décideurs est réelle. Il y a une réelle mobilisation, par contre dans le bilan que nous avons fait, le fameux tableau de bord sur l’eau, 30 services nous donnent les chiffres pour voir qu’en 1999, malgré ce travail, les sols étaient gorgés de nitrates, de pesticides et de métaux.Il nous a semblé important non pas de faire un BEP3 mais un BEP 2000-2006. Nous maintenons la politique des Bassins Versants, parce que personne n’a trouvé mieux que cette démarche par Bassin Versant.Je me tourne vers les agriculteurs qui sont dans la salle,il faut passer vers un contrat individuel.
Nous avons besoin d'un contrat avec la profession, mais par les producteurs tous seuls,l’outil qui est utilisable pour mieux faire est le contrat d’exploitation territoriale.Il y a une évolution et je souhaitais apporter cet éclairage sur ce fameux BEP. Il y a toute une réorientation de la politique des Bassins Versants avec l’autocontrôle des agriculteurs eux-mêmes.
Je voudrais aborder le problème de transparence.Nous avons, nous pouvoirs publics, deux attentes. Nous n’arrivons pas à avoir les ventes d’engrais organiques. Le mouvement coopératif breton nous livre les données de vente d’engrais pour voir si on peut se dire en 5 ans, on diminue de 20, 30, 50% les ventes d’engrais avec une substitution d’engrais organiques puisque nous sommes en excédent. Si on veut avoir des progrès, il faut avoir un changement de comportements,se réconcilier avec l’agronomie. Depuis 3 ans nous n’arrivons pas à faire remplir par la profession les cahiers d’enregistrement. Il faut recréer un climat de confiance entre le breton et son monde agricole.Nous souhaiterions que vous travailliez dans la transparence pour une meilleure gestion des fertilisants. Il faut mettre en place avec la profession, pour reconquérir l’eau, un système d’indicateurs d’évolution des pratiques.On aborde le problème du comportement et je dois dire que c’est assez difficile à mesurer.Je vais donner quelques mots sur le sondage dit confidentiel,ce n’est pas un sondage individuel, c’est une étude qui a été lancée il y a 3 ans. Nous essayons d’évaluer l’efficacité des politiques publiques. Nous avons demandé à un service d’études indépendant d’étudier le comportement du ménage breton et des industriels vis à vis de l’eau.
Le bilan est que les bretons sont très inquiets. Il n’y a pas de volonté de cacher,il y a des progrès à faire pour communiquer.

Jaccques Berthelot :
A partir du moment où on n’a pas la compétence on n’a pas la responsabilité, la position de la région est une position de partenaires.

Hubert de Poulpiquet :
On sent que la pression monte un peu. Il y a 17 ans, dans la commune de 3000 habitants dont je suis maire, on a monté une station d’épuration.
Aujourd’hui, avec ce que l’on sait, on se pose la question. Est-ce que c’était une bonne chose ? Les résultats sont assez décevants,c’est de l’ordre de 65% d’épuration.On se demande s’il ne faut pas revenir à la fosse sceptique et à l’épandage.
Au lieu de concentrer toutes nos pollutions, il faut arriver à les diluer.Beaucoup de maires ont abandonné la régie de l’eau parce qu’ils subissent tellement de pression de trusts.Pourquoi dans nos régions l’eau utilisée est-elle l’eau des cours d’eau alors que nous pourrions utiliser l’eau des sources ? Utiliser des eaux de forage pour arriver à des taux de nitrates tout à fait raisonnables. Dans ma commune on arrive à 35 mg de nitrates, je pense qu’on a pris la solution de facilité et puis tous les trusts ont exploité l’eau que nous consommons.Je me demande si l’épouvantail qu’on offre à chacun de nos concitoyens ce ne sont pas des techniques étudiées.Pour ma part, je bois l’eau du robinet tous les jours.

Michel Branchard :
Je voudrais revenir sur la qualité bactériologique de l’eau.On s’intéresse beaucoup aux nitrates,aux pesticides,mais il ne faudrait pas oublier qu’il n’y a pas que cela dans l’eau. Il y a les métaux lourds, avec lesquels il ne faut pas trop jouer. En effet, certains comme le zinc ou le cuivre sont intéressants pour l’organisme en très faible quantité, mais d’autres comme le plomb,le mercure ou l’arsenic n’ont jamais été très intéressants.Avec les boues d’épuration on en trouve de plus en plus dans les sols, et atteignent petit à petit les nappes phréatiques.Je crois qu’il est important de ne pas avoir une politique limitée et focalisée. Je sais que c’est coûteux parce que pendant ce temps-là il y a d’autres problèmes qui surgissent, et quand on s’en préoccupera il sera trop tard et cela pourra coûter cher. Je ne parle pas de politique préventive car on a déjà dépassé ce stade. Depuis le commencement de ce débat, j’entends seulement parler de traitements de pollutions,de stations d’épuration,mais où en êtes-vous de la préservation des sources qui ont été affectées et de leur entourage ?

Laurent Roy :
La nécessité de passer d’une pratique curative où on essaye tant bien que mal de limiter les quantités d’azote en excès,à une politique de prévention,on en a parlé tout à l’heure.Il est clair que les politiques telles qu’elles sont menées en Bretagne souffrent beaucoup trop d’être des politiques de “ bout de chaîne ”,où au bout du compte on récupère les dégradations des pratiques engendrées par d’autres grandes politiques nationales,notamment celle de l’agriculture, sans s’efforcer de réparer les dégâts. Cette politique de “ bout de chaîne ” est condamnée à avoir une efficacité limitée.
Ce n’est que par une politique globale qu’on pourra reconquérir la qualité de l’environnement. Pour sortir de ce débat général,il faut le rendre concret,c’est ce que j’évoquais tout à l’heure. En bâtissant de vraies actions, avec de vrais outils, qui commencent à exister même s’ils sont insuffisants.
C’est avec cela que des principes de Rio de 1992 on arrivera à la réalité. Le slogan de Rio, il est connu,“ penser globalement, agir localement ”.

Guy Colin :
Nous avions demandé que les agriculteurs qui mettent en place des pratiques d’agriculture durable puissent bénéficier des CTE et aujourd’hui, je déplore que ceux qui ont mis ces techniques ne puissent avoir aucune aide publique. Le but est d’arriver à produire sans polluer.

Claude Terasson :
Je voudrais parler des plans d’épandage. En ce qui concerne les analyses, il y a de quoi s’interroger. Dans certaines parcelles, les analyses d’eau sont au delà de 50 mg.On trouve aussi des taux de phosphore qui dépassent l’entendement. Sur les parcelles qui ont été sur-répandues, les taux de cuivre et de zinc sont au delà de ce qu’ils devraient y avoir. Le phosphore est à 700, voire 900 comme j’ai vu dernièrement. Je voudrais parler également de ce qui se passe à Milizac où on veut construire une usine de traitements de lisiers,de boues de station d’épuration et de déchets verts. On a créé une coordination, avec 25 associations, pour lutter contre la pollution d’agriculture productiviste. Par rapport au projet de l’usine, il n’y a pas de cohérence, je voudrais interpeller Monsieur de Poulpiquet à ce sujet.

Michel Branchard :
Toute la réglementation nationale est basée sur des limitations d‘apport d’azote,même si ces plans d’épandages étaient correctement appliqués car nous l’avons appris par madame la Directrice, et je suis de son avis, qu’ils sont virtuels. Même s’ils étaient appliqués, ils engendrent des apports excessifs de phosphore.Il n’est pas pris en compte et on est en train de préparer une petite bombe. Le phosphore se retrouve dans les cours d’eau et sur le littoral.

Laurent Roy :
C’est l’Union Européenne qui a fondé la réglementation sur l’azote.C’est parce que l’azote se retrouvait dans les nappes, les rivières, etc., et qu’on a constaté des augmentations de teneur en nitrates dans l’eau potable. Le phosphore théoriquement est pour l’essentiel fixé par les particules des sols, mais j’en discutais récemment avec le Président du CORPEN, les sols sont saturés, sursaturés en phosphore.A ce stade on va probablement au devant d’un problème nouveau.

Hubert de Poulpiquet :
Je vais répondre à Monsieur.
Je vous dirai que j’ai pris position en Mars 2000 lorsque j’ai su que l’usine de traitement de lisiers, de boues était pressenti pour Milizac. Je préfère mettre carte sur table et ne pas jouer la couleuvre ou l’homme politique.Après une étude, un procédé a été retenu et proposé aux éleveurs.Une société s’est montée au sein des agriculteurs pour aborder cet excédent de lisiers,300 000 mètres cube.Ils ont pris la carte, Milizac a été choisi, et j’ai accompagné ces éleveurs.
Une pré-étude a été faite sur le danger de la zone pressentie.
La police des eaux a rejeté ce site.Le site retenu se trouvait sur les terres que j’exploite actuellement, j’ai accepté. Je ne suis pas du genre à dire il faut qu’il y ait une autoroute, à condition qu’elle passe dans le champs du voisin. Et pour les éleveurs il n’y a pas trente six solutions. On est dans une société où on ne peut pas tout nier et il faut assurer tous ensemble. Il y a deux possibilités : revenir à une agriculture de subsistance ou continuer sur cette agriculture qu’on a trop industrialisée. Pour certains ménages, ce n’est pas surprenant de voir 350 truies. Un homme seul, avec moins de 100 truies,aura du mal.A moins qu’il y ait des plus values.Donc à la logique des problèmes d’excédents,il n’y a pas trente six solutions, il y a des systèmes très simples qui sont des systèmes biologiques. Les éleveurs sont confrontés à la décision de préfectures ; l’abattement de l’azote. Il y a de nombreux systèmes.dans lesquels rien n’est prouvé.Abattement de l’azote par de la chaux : on a du mal à suivre de ce côté-là. Le système aujourd’hui, c’est le compostage et je n’irai pas opposer des systèmes. Le gros problème, c’est pouvoir écouler,être à proximité d’une zone légumière.Les autres systèmes ce sont les stations d’épuration, des noms comme “ Agriprotec,Val Epur, Bioarmor, Smellox et Sirven ”.Tous ces procédés sont très souvent incomplets, il y a des abattements d’azote intéressants, où vous avez une séparation de phases : du liquide et du solide. Le problème, c’est qu’est-ce que nous allons faire de l’eau ? Ce n’est pas des teneurs en NPK,c’est des effluents liquides,une unité d’azote par mètre cube, deux unités de potasse… Pourquoi ne pas utiliser ces boues ? Encore faut-il qu’elles soient transportables,qu’elles soient stables.

François Inizan :
La population de Milizac est opposée à ce projet.Le site a été pressenti, c’est en fait Monsieur de Poulpiquet qui l’a proposé.
C’est un projet privé contraire à l’intérêt collectif,nous n’acceptons pas de faire un projet dangereux pour les personnes.
Cette aventure est menée par des élus, éleveurs de porcs.
Personne n’est capable de prévoir les conséquences sur l’écosystème.
Nous renouvelons notre appel aux autorités de l’Etat en particulier pour qu’il y ait une expertise globale de ce projet. Une expertise rapide qui mettra fin à ce projet que nous rejetons.

Jean-Michel Bizien :
Je regrette souvent qu’on oppose les agriculteurs contre l’ensemble de la société. Les agriculteurs le ressentent très fortement.
Toute la société est responsable de la pollution. S’il n’y a plus de tolérance,on arrête le débat.Ne cherchons pas de boucs émissaires. Cette société a été montée parce qu’il y a un problème. Elle a été montée par les agriculteurs pour régler un problème qui est collectif, en ce qui concerne les boues et les déchets verts. Ce projet peut traiter un excédent, réglementation qui nous a été imposé depuis 1994, réglementation qui s’est durci par rapport à l’épandage du lisier.
Il y en a des montagnes, et bientôt on ne saura plus quoi en faire.On ne peut pas nous reprocher d’essayer de trouver des solutions aux problèmes posés. Ne nous faîtes pas de procès d’intentions. C’est une démarche volontariste.

Jean-Paul Guyomarc’h :
Consommateur,contribuable et “cochon payant”. Cette usine va coûté 300 millions de francs, financé à 60% par de l’argent public. Où est la transparence ? Le produit fini qui va sortir de cette usine, 160 000 tonnes d’engrais minéraux, c’est à peu près l’équivalent de la consommation globale des français pour les engrais minéraux.On va mettre directement en concurrence le marché national sans s’être inquiété des marchés possibles, des filières et du marché de cet engrais, sans compter qu’il y a le problème de la certification de cet engrais. On va mettre dans cette usine des boues d’épuration qui sont toujours plombées en métaux lourds. Il existe une commission d’homologation au Ministère de l’Agriculture à laquelle j’appartiens.
J’ai évoqué le problème lors d’une dernière réunion.J’ai créé une certaine stupeur, aucun d’entre eux n’avait connaissance de ce projet déposé en préfecture et que les citoyens ne connaissent pas.Quant au montage financier,300 millions de francs,donnez-nous simplement le montage et donnez les éléments qui permettent de caractériser cet engrais.

Jean-Michel Bizien :
A priori ce Monsieur n’est au courant de rien,mais il connaît tous les chiffres.300 millions d’investissements, c’est 150 millions qu’il aurait dû lire. En ce qui concerne l’engrais, en unités d’azote, en tonnage, il s’en consomme 1 200 000 en France.L’usine va produire 160 000 tonnes d’engrais de sulfates d’ammoniaque qui est à peu près la consommation annuelle française.Le sulfate d’ammoniaque est un engrais azoté.

Jacques Berthelot :
Merci pour tous ces débats qui sont l’occasion de discuter de ces problèmes ardus. Merci à ceux qui sont venus donner de leur temps pour faire avancer ces projets.






Mis à jour le 28 janvier 2008 à 14:57