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2008 : Patrimoine maritime, ressources et économies du littoral. Recherche, nouvelles compétences et nouveaux métiers de la mer > Conclusion >  Michel Ricard, président des entretiens Science et Ethique et Brigitte Bornemann-Blanc

Michel Ricard, président des entretiens Science et Ethique et Brigitte Bornemann-Blanc


Biographie :

RICARD Michel

Compte rendu :

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Transcription :

17 octobre 2008 Conclusion


Discours de Michel Ricard :

Je suis heureux et fier d’avoir pris la succession de Lucien Laubier. Tout d’abord parce que je le connaissais bien, lui et les autres mousquetaires qui l’entouraient, quand j’étais étudiant à Banyuls ; j’ai beaucoup appris d’eux directement et puis, par la suite, nos routes se sont croisées.
Nous avions des rapports de scientifiques mais aussi d’amitié. Je rentre dans cette démarche parce que j’ai également beaucoup d’amitié pour Brigitte Bornemann-Blanc et beaucoup d’admiration pour le travail qu’elle fait et qu’elle nous fait faire aussi, soyons très clairs. Elle est extrêmement persuasive et ce n’est pas un reproche dans ma bouche. De mon point de vue, je n’avais pas d’autre choix que d’assurer cette continuité mais aussi de réfléchir à la création d’un prix qui se rattacherait à Lucien Laubier, à son œuvre et à sa continuité.
Nous avons encore à réfléchir à cette démarche pour qu’elle soit bien ciblée, qu’elle corresponde à la fois à l’esprit de ce que l’on veut faire et à la réalité de la société dans laquelle nous vivons.
Très rapidement, je voulais vous dire l’intérêt que j’ai trouvé à ces entretiens Science et Ethique. Ils sont toujours intéressants, l’an dernier ils traitaient des énergies de la mer ; cette année nous avons abordé une thématique qui me semble très importante, celle du patrimoine et de la culture. Nous sommes dans une société qui évolue extrêmement rapidement. Cette société est déstabilisée simplement parce que les adultes sont confrontés à des situations très difficiles, l’actualité nous en apporte la preuve, et à des jeunes qui n’arrivent pas à se retrouver dans cette société ni dans ses activités sociales, économiques ni dans ses aspects environnementaux.
C’est vrai que la rupture avec le monde environnant, avec la nature, est extrêmement préjudiciable . Elle pourrait se produire déjà parce que nous sommes dans une société urbanisée à 75-80%, et aussi parce dans l’éducation peut-être n’insistons-nous pas suffisamment sur le chemin qui nous a amenés là où nous nous trouvons.

Il est très clair que les sociétés que nous connaissons actuellement résultent de l‘héritage des 50 ou 60 dernières années, avec toutes les difficultés que nous avons rencontrées. Les problèmes actuels dans notre société prennent leur naissance dans ce que l’on a appelé la période des « trente glorieuses ». C’est la période où, en Europe, se mettait en place la Communauté Economique du charbon et de l’acier, qui a précédé l’Union Européenne, et qui était basée uniquement sur l’industrie, le plein emploi ; puis ce fut la guerre du Kippour qui a entraîné les conséquences que nous connaissons (choc pétrolier), et c’est là que les problèmes ont commencé. Et tout ceci s’est traduit par l’apparition de friches industrielles continentales, ou en bord de mer.
Tout ceci nous amène à repenser une société qui évolue très vite, dont actuellement on peut se satisfaire, bon an mal an, mais surtout à réfléchir comment, en se projetant dans l’avenir, on peut s’adapter à cette société et aussi comment on peut la modifier pour la rendre plus en rapport avec nos démarches.
Je ne pouvais pas m’empêcher de penser, hier soir, en réfléchissant à Brest, à un autre site qui a connu un sort très peu enviable pendant un moment : Monterrey en Basse Californie.
Monterrey possède un magnifique aquarium comme celui-ci. Je l’ai visité à plusieurs reprises, c’est à la fois un laboratoire de recherche très intéressant et un magnifique aquarium. Mais il est placé dans une zone qui a été confrontée très soudainement à la disparition de toutes les ressources de pêche. C’est-à-dire que les conserveries se sont retrouvées sans matière première à cause de la sur-pêche, mais aussi de l’inversion de certains courants océaniques, notamment l’upwelling, qui existait sur la côte californienne, et qui existe encore actuellement sur la côte du Chili et du Pérou, et qui s’est arrêté de fonctionner. Il n’y a plus eu ces remontées d’eau profonde qui apportaient du plancton et nourrissaient les sardines et toute la chaîne trophique. Donc, cette zone s’est retrouvée du jour au lendemain sans revenu et elle s’est complètement transformée : les conserveries sont utilisées maintenant pour le tourisme, l’aquarium s’est installé et des centres de recherche se sont implantés.

Donc, ce que je veux dire c’est qu’il est important de se retourner sur son passé, ce n’est pas une démarche passéiste. Quand on voit le continuum de l’évolution, il est intéressant de tirer des enseignements de ce qui nous entoure - sans aller aussi loin qu’à Monterrey - et de voir comment on peut s’appuyer sur ce passé et en tirer des leçons.
Nous avons une situation et il est important maintenant de se mettre dans des dispositions telles que l’on peut mieux appréhender l’avenir en utilisant les enseignements du passé et les dispositions actuelles.

Mieux appréhender l’avenir, cela veut dire, déterminer quels sont nos atouts, quels sont les outils qui nous permettent d’apporter des éléments d’aide, d’appui, aux décideurs que sont l’Etat, les collectivités territoriales, les entreprises, puisque nous sommes toujours dans une démarche d’aide à la décision.
Hie et aujourd’hui, nous avons vu des outils comme Litto 3D, les outils cartographiques au sens le plus large du terme, les modèles numériques de terrain par exemple. Comment ces outils peuvent-ils être intéressants en tant que tels mais également importants pour avoir un meilleur zonage de nos paysages.
Par exemple, les outils des cartes 3D sont très précieux aussi pour avoir une meilleure étude de la bionomie, c’est à dire de la répartition des organismes ; et je le dis en tant que biologiste marin. Ils sont aussi importants pour suivre en temps réel l’évolution de notre environnement parce que nous sommes confrontés – on en a peu parlé, mais il faut le prendre en compte – à l’arrivée de ce que l’on appelle les espèces invasives, ou à la disparition de certaines espèces. Ceci va modifier les caractéristiques végétales et donc animales de nos côtes et va avoir des impacts sur la ressource.
Donc je voulais m’interroger sur comment mettre ces outils en application très rapidement et ne pas attendre, comme c’est le cas, qu’ils soient développés et qu’on attende encore plusieurs années pour les appliquer.

Au-delà de ces démarches, il y a toute la question de l’approche sectorielle et de l’approche intégrée. Il y a manifestement plusieurs façons d’aborder ces problèmes. Lors d’un colloque que j’ai récemment organisé à Bordeaux et qui réunissait l’ensemble des conseillers européens du développement durable, un très brillant exposé a porté sur le risque que font courir l’approche et l’organisation des villes par secteurs : zones de résidence, de tourisme, de services…C’est la démarche sectorielle qui, en termes socio-économiques et culturels est extrêmement mauvaise pour plusieurs raisons. D’une part, parce que l’on a tendance à mettre de côté les zones polluantes, un peu gênantes pour le rivage (on voit bien le conflit qu’il y a entre tourisme et développement par exemple des parcs ostréicoles, ce sont des conflits d’intérêts). Egalement, on doit avoir une mixité d’acteurs et une mixité de populations, de manière à pouvoir permettre à chacun de comprendre les problèmes des autres.
Si vous avez des ghettos d’acteurs industriels ou d’acteurs de tourisme, des ghettos d’urbains (j’emploie le terme ghetto volontairement), il n’y a plus de discussion possible.
Je prendrai comme exemple une très bonne idée : celle qui a présidé à l’implantation de l’université de la Rochelle où l’on a mélangé les bâtiments universitaires avec les bâtiments résidentiels. On a évité ainsi ce que l’on connaît trop souvent, c’est à dire des campus universitaires totalement extra territorialisés par rapport à la vie de la cité, ce qui n’est pas le cas à Brest. Quand j’avais dit qu’une ancienne caserne serait parfaite pour accueillir une université, on m’a répondu que c’était une erreur profonde de mettre des étudiants dans la ville, sous entendu, « vous vous rendez compte, vous mettez directement les étudiants à poste pour manifester ». Autrement dit, si on a cette approche de vouloir séparer les acteurs, nous n’y arriverons pas.

Je reviens à ces aspects d’éducation et l’information ; ils reposent essentiellement sur des démarches qui permettent à chaque citoyen et à chaque acteur d’être informé des problématiques, des outils à leur disposition. Il y a également la nécessité, selon que l’on est dans une prospective à court terme ou à long terme. Dans toutes les démarches prospectives il faut toujours mettre en place des systèmes d’évaluation. Il est évident que tous les projets, tous les propos qui permettent de penser que tel ou tel projet se développera dans l’avenir, doivent être en permanence réévalués et réajustés par rapport à une société qui évolue toujours plus rapidement.
Aujourd’hui, je ne dis pas que j’ai été étonné en terme de prospective, il y a une réflexion sur la géopolitique et la géostratégie qui est importante et va certainement reconditionner la circulation dans les mers attenantes. Ainsi la disparition de la calotte polaire arctique est en train de modifier totalement en termes socio-économique et en termes d’énergie, tous les problèmes qui nous environnent.

Je terminerai en disant que la France, du point de vue marin, a une place privilégiée parce qu’elle a la chance d’appartenir à un ensemble caractérisé par l’arc Atlantique et par l’ensemble Méditerranéen. Elle est le seul pays européen à appartenir à ces deux mondes. Dans le cadre de la démarche qui porte sur le développement du littoral Atlantique dans un contexte européen, mondial, et le projet qui est en train d’évoluer très rapidement de la mise en commun des ressources et des problématiques du bassin euro-méditerranéen, je dirai que là nous avons énormément de travail à faire.
Ainsi lors du colloque que le comité français de la décennie pour l’éducation au développement durable organisé à Bordeaux dans 10 jours, nous aurons une cession particulière sur la Méditerranée qui prendra en compte des pays atlantiques comme le Portugal ou la Mauritanie et qui permettra de voir de quelle manière au niveau de l’éducation, de la formation, de l’information, nous pouvons développer certains projets.

En conclusion je dirai que ces entretiens science et éthique étaient remarquables, à la fois par leurs intervenants et par le contenu. Je souhaite que dans un avenir proche ces entretiens passent à un stade supérieur, qu’ils évoluent vers une posture plus forte, mieux reconnue et je pense que Brigitte Bornemann-Blanc aura certainement beaucoup de propositions à faire.
Merci à tous.





Mis à jour le 07 janvier 2009 à 09:18