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2008 : Patrimoine maritime, ressources et économies du littoral. Recherche, nouvelles compétences et nouveaux métiers de la mer > TR2 : la connaissance : avons-nous toutes les cartes en main ? (décisions politiques et recherche) >  Débat

Débat

Discussion avec la salle :
Rachel Mulot, Sciences et Avenir
Jean-Claude Bodéré, ancien Président de l'UBO
François Clin, Ministère de la Recherche
Christophe Le Visage, Secrétariat général à la mer
Michel Hignette, Aquarium de la Porte Dorée
Brigitte Bornemann-Blanc, entretiens Science et Ethique
Christine Lair, Association Nationale des élus du Littoral
Yann Doutreleau, ENSIETA

Compte rendu :

Voir la vidéo du débat.

Transcription :

16 octobre 2008 Table ronde 2


Discours de Débat avec la salle :


Rachel Mulot : Je retiens de cet exposé que la recherche fondamentale reste absolument capitale et qu’on ne peut pas, dans cette société parfois un peu pressée, n’avoir qu’une recherche appliquée, concrète, immédiate. Pour répondre à des questions de société, il faut aussi de l’argent pour que des chercheurs continuent à faire des travaux mathématiques, statistiques… à fonds perdus paraît-il, mais qui, un jour, trouvent leur utilité. Merci de l’avoir rappelé. La règlementation Reach qui est un autre très bon exemple, est le témoin de toute l’ambiguïté du secteur industriel : l’industrie de la chimie a dépensé beaucoup d’argent à faire du lobbying pour dire que cette réforme serait absolument désastreuse. Cet argent, elle aurait pu aussi bien le mettre dans la chimie « verte ». La recherche publique elle-même a pris du retard dans ce domaine et elle a complètement cessé de former des toxicologues, comme si elle n’avait pas su anticiper ce tournant législatif imposé par l’Europe. On a des exemples inverses où l’industrie sait très bien, au contraire, récupérer des résultats de la recherche fondamentale. Par exemple, si le béton a fait des progrès spectaculaires ces 15 dernières années, c’est parce que des chercheurs des laboratoires privés d’entreprises comme Lafarge ont eu l’idée d’utiliser la physique au niveau moléculaire, de descendre à des échelles très fines pour regarder la structure granulaire du béton et voir comment on allait les enrichir en microfibres. De ce fait, ils sont allés chercher des résultats et des outils de la recherche fondamentale et aujourd’hui, ils obtiennent des bétons dix fois plus résistants à la compression que les bétons conventionnels.
Il est absolument vital d’entretenir ces échanges grâce notamment au réseau C.U.R.I.E.
Maintenant, c’est à vous de poser des questions.

Jean-Claude Bodéré : Ancien géographe, président honoraire de l’Université de Bretagne Occidentale, je représente ici le Conseil Economique et Social dans sa section mer et littoral. On a vu, au fil des différents exposés, que la structuration, qui est dans l’air depuis une dizaine d’années, est toujours compliquée et complexe. Le cumul des différents niveaux de réflexion peut perturber ceux qui n’ont pas l’habitude de l’identification des cibles. Je reprends les différents niveaux de collaborations ou d’intégration qui peuvent exister.
Il peut y avoir des intégrations internes, par exemple l’Institut Universitaire Européen de la Mer. C’est une intégration qui s’est faite au sein d’un établissement. Ça n’a pas toujours été facile mais c’est un grand succès.
En termes d’intégration des démarches plus ou moins structurées, on peut citer également les grands programmes scientifiques, internationaux par définition, qui réunissent des chercheurs d’une dizaine d’universités, quelquefois de plusieurs dizaines d’universités, sur un plan international.
Il faut ajouter les universités qui cherchent à atteindre l’indispensable masse critique en se regroupant de manière plus ou moins institutionnelle.
Je citerai
- le RUOA (Réseau des Universités Ouest Atlantique), trois régions sont concernées, neuf universités.
- l’UEP (Université Européenne de Bretagne), les quatre universités bretonnes plus les écoles,
qui a la reconnaissance du Ministère : le PRES (Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur) premier pôle d’une région, reconnu comme tel.
- les pôles de compétitivité, Monsieur Doutreleau en a parlé, je ne reviens pas là-dessus.
- les RTRA (Réseaux Thématiques de Recherche Avancée). On a parlé d’Europôle Mer.
- d’autres types de structuration sur des bases thématiques comme le Génopôle Ouest, le Cancéropôle…
Il y a un va-et-vient continu du local à l’international avec différents niveaux. Si on poursuit l’interrogation, on s’aperçoit que c’est très compliqué.
Prenons l’exemple du développement des énergies marines. J’appartiens à la section mer et littoral du Conseil économique et social régional, l’un des rapporteurs est Philippe Marchand, qui dirige Ifremer Brest. Nous sommes au cœur du sujet et nous nous interrogeons sur le soutien apporté par les centres de recherches, par les grands établissements, par les EPST, les EPICs… les établissements de type universitaire, les écoles. On s’aperçoit, en faisant l’inventaire de l’existant, y compris du côté d’Ifremer et des universités, que ces dispositifs sont complètement éclatés. Il n’y a pas de vraie force, il y a un saupoudrage d’équipes qui se sont lancés dans ce type de recherche et dans ce type de formation, parce que c’est lié. On a ici un vrai besoin de structuration. On peut se poser la question de savoir quel est le bon niveau de structuration pour qu’il y ait, sur des activités comme celle que je viens de signaler, un pôle « relativement » fort qui permette de soutenir le développement des énergies marines. C’est une question d’actualité aujourd’hui. Je crois que le bon niveau, sans parti pris, est celui de l’Université Européenne de Bretagne puisque les 3 volets sont traités : formation, recherche et valorisation. Mais il me semble que le niveau de l’UEB soit un peu trop étroit – je n’engage que moi là-dessus – en revanche le RUOA, avec les trois régions Poitou-Charentes, Pays de la Loire, Bretagne, est trop large et cela entraîne des difficultés de fonctionnement importantes. Donc sur le créneau qui nous préoccupe, le niveau UEB + Nantes, avec l’université et les grandes écoles pourrait être intéressant. Il faut voir ensuite comment cela peut s’organiser avec tous les partenaires des centres de recherche et notamment d’Ifremer. Mais ça semble être le bon niveau. Il y a eu des initiatives, mais ça n’est jamais allé très loin. Il faudrait essayer ensemble d’explorer les solutions pour avoir une bonne crédibilité, une bonne visibilité dans les domaines qui sont les nôtres.

François Clin : Je ne connais pas suffisamment bien le contexte local pour donner le bon niveau, simplement, pour ce qui est des énergies marines, il faut déjà arriver à ce que ça devienne une priorité nationale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Dans ce qu’on appelle les nouvelles technologies énergétiques, il n’y a pas les énergies marines.

Rachel Mulot : Mais il ne devait pas en être question justement, il ne devait pas il y avoir un livre blanc des énergies de la mer ? Où est-ce que ça en est ?

François Clin : La Ministre relance un débat stratégique sur les grandes orientations de la recherche, ce sera peut-être l’occasion de faire écho au rapport d’Ifremer. Dans le domaine de l’énergie, ce n’est pas le Ministère de la Recherche qui décide seul, c’est un choix politique interministériel. Dans les énergies nouvelles, les énergies marines n’étaient pas présentes, mais c’est reconnu comme un manque. Il faut d’abord plaider pour leur donner une place plus importante dans la réflexion globale. Ensuite il faudra faire des arbitrages entre toutes les régions maritimes, je pense notamment à certaines îles qui sont aussi des régions.
La Bretagne est forcément leader dans ce domaine, mais encore une fois le Ministère de la recherche n’est pas le seul à décider dans le domaine énergétique, c’est une stratégie interministérielle avec le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement et de l’Aménagement Durable qui est très prépondérant dans les choix. Je pense que faire du lobbying est votre priorité. Dans les énergies, le manque du domaine marin est maintenant reconnu. Je soutiens votre démarche et si je suis ici c’est parce que je pense que les énergies marines doivent être dans le panel de la recherche, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Au niveau européen, on dit que tout le monde ne peut pas tout faire et que les énergies marines c’est le domaine des anglais.

Christophe Le Visage : Pour compléter ce que disait François Clin, effectivement, le sujet des énergies de la mer n’a pas été identifié comme une priorité dans le mixte énergétique, dans la vision jusqu’en 2020. On a considéré pour l’instant que les énergies marines n’apportaient qu’une faible contribution qui ne justifiait pas qu’on y mette des priorités de recherche. C’est du point de vue des incitations gouvernementales. Si on raisonne en termes de politique industrielle ou d’investissement dans les technologies, le raisonnement peut éventuellement être différent et l’Etat n’est plus nécessairement seul. Peut-être que les industriels, s’ils sont confiants qu’entre 2020 et 2050 ce sera un enjeu majeur, peuvent, eux, promouvoir auprès de l’Etat le fait qu’on peut encourager ce type d’énergie. Ce n’est pas la seule décision de l’Etat qui d’après ses informations n’identifie pas les énergies marines comme prioritaires. Si on ajoute une optique de développement dans des filières innovantes en matière industrielle tout peut changer. On voit bien avec ce qui s’est passé avec l’éolien : le Danemark a pris, il y a 10 ou 15 ans, une avance telle qu’aujourd’hui le chiffre d’affaires de cette filière est très important. Un raisonnement du même type pourrait-il être fait sur les énergies marines ? On a quand même quelques espoirs : la future PPIPE (Programmation Pluriannuelle des Investissements de Production d’Electricité) qui jusque-là ne citait même pas les énergies marines, les citera dans la prochaine version. Mais entre les citer et les considérer comme une priorité, il y aura sans doute un peu de lobbying à faire, alors n’hésitez pas.

Michel Hignette : J’avais cru que les politiques étaient tout à fait impliqués puisque, sauf erreur de ma part, Yves Jegot a annoncé que 53% des énergies dans les DOM-TOM devait être des énergies renouvelables d’ici 2020. Il est bien évident que quand on voit l’importance des courants dans une passe de lagon, cela donne des idées de type hydrolien. Quand on voit aussi le coût de l’acheminement du combustible pour alimenter des groupes électrogènes, ce n’est plus à l’échelle hexagonale qu’il faut examiner le prix des produits, mais bien à une autre échelle. C’est totalement différent, mais cela peut rentabiliser des projets d’hydrolien ou équivalent. Je crois que les politiques s’en sont emparés puisqu’il y a une annonce politique qui a été faite.

Brigitte Bornemann-Blanc : Il y a aura demain à Brest, la signature d’un accord entre la Ministre et la Région Bretagne pour annoncer la création d’un centre d’expérimentations sur les énergies de la mer qui serait installé à Brest. Mais il faut maintenir la pression parce qu’une fois qu’on a un centre, il faut de l’argent pour le faire fonctionner.

Christine Lair : Au niveau des élus, il y a une forte demande concernant les énergies marines. Au sein du Conseil national du Littoral, créé en 2006, il y a un groupe de travail qui s’est constitué pour trouver de l’information et nous avons travaillé avec Ifremer. La réponse pour l’instant c’est « on n’est pas prêt », « ça ne peut pas être rentable tout de suite »… Moi aussi j’étais un peu déçue à titre personnel, on voit bien que les Anglais, notamment, sont très en avance sur nous. Pourtant, je crois qu’il y a vraiment une attente très forte de la part des élus. On parle énergie, mais il y a aussi toute l’économie de la mer. Nous avons eu l’exemple de Paimpol tout à l’heure, on y travaille avec les algues marines mais aussi avec toutes les ressources de la mer. On espère qu’il y aura beaucoup d’emplois autour de ces nouvelles recherches et que ça sera vraiment quelque chose d’avenir. Vous pouvez trouver des appuis importants auprès des élus. Il y a souvent des difficultés de rencontres entre les élus et les scientifiques, même si ça se fait un peu. On sent qu’il y a un grand besoin de passage d’informations ; il ne faut pas hésiter à aller les voir, à trouver tout ce qui est possible pour faire cette fameuse gestion intégrée.

François Clin : Je vais faire deux remarques.
Les énergies marines ont une image de technologie. Or les universités, aussi bonnes soient-elles, n’ont pas une image de technologie en France. Les grands programmes technologiques proviennent des grands organismes technologiques. Si ces compétences ne sont pas dans ces grands organismes, sans des industriels qui s’impliquent pour faire passer le message, il n’y a pas de décisions.
Par contre, le sujet des algues et de la biomasse marine est caché dans les programmes bioénergies, c’est ce qu’on appelle les biocarburants de troisième génération. C’est plus facile pour des chercheurs académiques d’appréhender ces sujets que la technologie lourde qui demande de l’expérimentation. Un des rares produits du Grenelle de l’environnement dans le domaine de la recherche est d’avoir créé les démonstrateurs de recherche sur les énergies nouvelles. Mais ce ne sera pas pour les cinq années à venir. Ce sont des projets qui peuvent aller jusqu’à une centaine de millions d’euros pour faire des recherches sur le long terme.

Christine Lair : Je pensais à l’énergie thermique par exemple. Il y a déjà des choses qui se font : le centre culturel de Monaco est entièrement chauffé et climatisé par l’énergie de l’eau de mer.

François Clin : Oui mais vous parlez là de pompe à chaleur. C’est un problème de mixte énergétique, moi je vous parle des recherches. Si ç’est en exploitation, ce n’est plus un problème de recherche. L’ambiguïté est toujours là.
Ce que je veux dire c’est que, effectivement, les problèmes de biomasse marine sont très importants.Une petite anecdote : quand on cherche la définition européenne d’une biomasse pour avoir des aides, des équivalents carbone dans les bilans… on constate que l’Europe ne reconnaît pas la biomasse marine comme une biomasse. Il y a donc un problème pour dire que la biomasse n’est pas uniquement le produit de l’agriculture et de la sylviculture mais aussi de la mer. Il faut déjà faire cette réforme. Le Ministère de l’agriculture le sait. Par contre, pour le secteur marin, traité dans l’ANR avec engouement, c’est vraiment le problème biomasse qui répond bien à nos capacités de recherche publique. En tout cas, ça répond mieux que d’imaginer dans un laboratoire standard un grand système mécanique. Il faudrait que ce soit les grands organismes technologiques, comme Ifremer, qui s’emparent de certains projets, c’est pour cela qu’on a mis en place les démonstrateurs de recherche. Il faut encore travailler sur la biomasse terrestre avant d’étudier la biomasse marine qui n’a pas la priorité. Mais la structure est mise en place, ce qui est déjà bien.

Yann Doutreleau : C’est vrai que les énergies marines telles qu’on les imagine à partir de la houle, des vagues, des courants… vont plutôt mobiliser des compétences technologiques pluridisciplinaires, c’est-à-dire construction mécanique, génie électrique, stockage de l’énergie et ces compétences peuvent se trouver un peu à l’université dont ce n’est pas le cœur de métier. On va plutôt les trouver dans les écoles d’ingénieurs et ces écoles sont généralement assez éclatées. A Brest par exemple, on va retrouver des compétences à l’Ecole Navale, à l’ENSIETA, à l’ENIB, à l’IUEM, à l’IUT. Il y a déjà 5 acteurs autour de la table sur le sujet. C’est pour ça que c’est difficile de faire de l’énergie une vraie filière technologique.

Rachel Mulot : Merci à tous ceux qui se sont déplacés pour cette table un peu technique et rappelons-nous que l’océan est l’avenir de l’Homme.





Mis à jour le 22 avril 2009 à 14:06