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2008 : Patrimoine maritime, ressources et économies du littoral. Recherche, nouvelles compétences et nouveaux métiers de la mer > TR1 : Le patrimoine maritime bâti, témoin de l'évolution économique du littoral et des activités nouvelles >  De l'inventaire à l'action : de nouveaux outils cartographiques (banque de données, SIG, atlas...)

De l'inventaire à l'action : de nouveaux outils cartographiques (banque de données, SIG, atlas...)

Françoise Péron, IUEM / UBO
Cartographie : Une nouvelle forme d'inventaire (le patrimoine culturel aux communes littorales) en prise avec les populations. L'aménagement des espaces côtiers. Retour de la Journée Anel.

Biographie :

PERON Françoise

Compte rendu :

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Transcription :

16 octobre 2008 Table ronde 1


Discours de Françoise Péron :

(transcription sous réserve de validation)

Sylvie Andreu :
Je suis heureuse de me retrouver de nouveau à Brest, à l’écoute des questions posées par la mer dont on a compris maintenant qu’elle n’est pas une ressource inépuisable. Mais, la mer peut être source d’énergies nouvelles voire renouvelables. Brest et sa région ont trouvé des réponses à, d’une part, la sauvegarde de ce milieu menacé, et, d’autre part, à une nouvelle forme d’exploitation de ses ressources.
Sans dévoiler l’essentiel de ce qui va être dit dans un instant par les uns et les autres, je voudrais vous donner les grandes lignes de cette matinée et de la discussion qui nous a réunis ce matin.
Tout de suite, Françoise Péron que peut-être certains ont eu la chance d’avoir comme professeur – car elle est professeur émérite à l’UBO. C’est une des figures les plus combattives, j’ai envie de dire « un vrai soldat », pour la sauvegarde du patrimoine bâti maritime. Elle nous en dira l’envergure et la portée.
Ensuite, Didier Calmels, adjoint au maire de Paimpol en charge de l’urbanisme, des travaux et de la voirie. Il fera l’état des lieux de sa commune face à quelques défis propres à de nombreuses petites villes - vous êtes 8500 à Paimpol - : le vieillissement de la population, la hiérarchisation du patrimoine, une mémoire riche : celle des agriculteurs, des armateurs et des résidents, et qu’espérer d’une ZPPAUP récemment décrochée ?
Nous accueillerons enfin Peter Goodship venu des côtes anglaises, responsable de la base navale de Portsmouth, historien de formation. Les chantiers de Portsmouth ont fermé en 1986 sauf l’activité de réparation navale. Et depuis, avec un fond qui est propre à l’Angleterre - la loterie nationale – il a reconverti avec succès ce site en lieu touristique et en lieu de la mémoire et de l’identité maritime.
Enfin, Catherine Leroux, chercheur au SHOM, présentera le projet commun de son laboratoire avec l’IGN. LITTO 3D permet une image en continu, un trait de côte entre la terre et la mer ayant 94 applications possibles.
Je laisserai à chacun le soin de présenter sa communication, ensuite ce sera le jeu des questions/réponses et, en fin de séance, des questions de la salle. Ne vous laissez pas bercer par ce que vous allez entendre, ayez la gentillesse de pointer ce sur quoi vous souhaitez revenir à la fin de cette matinée. Nos intervenants sont là pour vous répondre.
Françoise Péron va lancer la matinée avec une problématique qui lui est chère, sur laquelle elle a écrit de nombreux livres. Françoise Péron, que reste-t-il du patrimoine hérité des activités humaines en relation avec la mer ?


Françoise Péron :
Je voudrais remercier Brigitte Bornemann-Blanc et 3B Conseils de présenter aujourd’hui le thème du patrimoine maritime bâti, pendant du patrimoine maritime naturel dont Jean-Paul Alayse a parlé tout à l’heure, mais qui jusqu’à maintenant est passé relativement sous silence.
Or, ce patrimoine maritime bâti est vraiment le reflet de l’histoire des hommes par rapport à la mer et en particulier, de leur implantation, de leur approvisionnement. Ils ont réussi à prendre, à échanger, à se défendre contre ce milieu, à s’organiser en société spécifiquement maritime – ce que l’on appelle aujourd’hui une société littorale – dans la mesure où le rapport au milieu est différent ; il est plus orienté aujourd’hui sur le plaisir de la contemplation de la mer, le divertissement et les sports liés à la mer.
Tout patrimoine apporte quelque chose en plus. On a tendance à considérer que le patrimoine c’est du passé, mais en fait, le patrimoine, les héritages, permettent de construire l’avenir, d’avoir des bases, d’établir des continuités, et d’avoir des références avec le passé. Sans culture historique et territoriale on peut produire des désastres au niveau géopolitique, économique.
Je suis heureuse d’être devant cet auditoire, relativement jeune, car j’espère le convaincre de l’intérêt majeur du patrimoine culturel pour l’avenir des littoraux. Même si spécialisé dans d’autres disciplines, il faut constamment avoir présent à l’esprit ces héritages, cette culture historique, car ce qui existe aujourd’hui a été conçu par les hommes d’hier et sera repris par les hommes de demain.
Je vais vous présenter la méthode de notre groupe de recherche pluridisciplinaire pour un travail conçu dans une optique d’aménagement des territoires littoraux. Ce programme a été mis en place en appui des politiques publiques.
Ce projet de recherche sur le patrimoine maritime bâti qui va de l’inventaire à l’action – nous l’avons aussi appelé recherche/action – est un projet né en Bretagne, mais il a des objectifs d’applications beaucoup plus larges : les littoraux français, pas seulement métropolitains, et européens, chargés d’une histoire qui s’est construite selon les mêmes étapes.
Ce projet a été développé à la demande du Conseil Général du Finistère et de la Région Bretagne, qui souhaitaient avoir une vision claire des potentialités et d’une stratégie de mise en valeur des héritages maritimes. Dans ce cadre là, pour notre groupe de recherche, à l’origine universitaire, le challenge, le défi, ont été de passer du diagnostic à l’action, c’est à dire de passer du simple inventaire des héritages maritimes à des propositions d’aménagement des territoires littoraux dans une démarche concertée avec les acteurs du littoral.
L’objectif n’était pas de figer les littoraux sur leur passé – comme certains élus ont pu le craindre – mais l’objectif est de comprendre qu’il faut vivre pleinement les identités maritimes, des identités héritées à construire, à faire évoluer, à enrichir, à moderniser. C’est le grand objectif que nous nous sommes donné. Cette réflexion est issue d’un colloque sur la patrimoine maritime qui a eu lieu en 2000 – vous voyez que la réflexion est quand même relativement ancienne. Il s’est concrétisé dans le cadre du laboratoire Géomer de l’UBO à l’IUEM. Notre travail a été appuyé par des géographes, des historiens, des ethnologues et par un groupe de personnes plus large, chercheurs, universitaires, architectes des bâtiments de France, responsables de collectivités territoriales, acteurs du patrimoine marin, en particulier des musées maritimes. Donc à la demande des collectivités territoriales nous avons entrepris un programme qui a maintenant trois ans. La question était : Qui aider ? Où mettre les efforts financiers? Comment se situer dans cette question jusqu’ici peu abordée par rapport au patrimoine maritime naturel qui lui est recensé depuis plusieurs décennies, localisé, protégé et pour lequel d’ailleurs les études se poursuivent.
Pour exposer les grands traits de cette recherche/action, je répondrai aux trois questions que Sylvie Andreu m’a posées : la définition de l’objet patrimoine maritime construit, les outils, la mise en place d’outils pour l’inventorier et le comprendre et puis, enfin, l’application à la « recherche/action ».

La définition du patrimoine maritime construit. Je dirai que nous parlons d’abord d’héritage avant de parler de patrimoine ; les deux mots ont un sens différent. Les littoraux français sont riches d’une histoire maritime, pluriséculaire, pas seulement les littoraux français, européens. On peut aller aussi voir les littoraux d’Afrique du Nord et on trouvera d’autres choses évidemment. Les héritages sont constitués à la fois de biens matériels, les bâtiments, les arsenaux, les phares, les quais, les cales, les gares maritimes, les cités balnéaires…et de biens immatériels : les rites, les qualifications, les techniques. Mais tout ceci est vague et dans nos travaux qui ont commencé bien avant l’année 2000, on s’interrogeait toujours sur ce qu’est ce patrimoine, que sont les héritages maritimes, qu’est-ce qui est maritime et qu’est-ce qui ne l’est pas ? C’est difficile à dire : un quai, une cale au bord de la mer, c’est maritime et par contre une usine sidérurgique en bord de mer : est-ce que c’est maritime ou non? Elle peut l’être quand elle construit des bateaux.
Notre façon de répondre a été de cerner le sujet et de s’en tenir dans un premier temps aux héritages maritimes matériels dans la mesure où notre objectif est d’intégrer ces héritages historiques de qualité dans les aménagements des littoraux.
On peut définir selon nous les héritages maritimes de la façon suivante : est considéré comme héritage maritime tout élément existant actuellement sur le littoral dont la présence ne s’explique que par la proximité de l’élément marin. Il n’auraient pas existé s’il n’y avait pas eu la mer. Et du coup on récupère des héritages extrêmement nombreux. Cependant les élus en charge des territoires ne se rendent pas toujours compte des héritages qui peuvent aller du plus grand comme la tour Vauban de Camaret qui vient d’être classée au patrimoine de l’humanité, à la minuscule cabane de pêcheur, au grand phare en mer, aux modestes ateliers de construction navale en bois goudronné, de l’orgueilleuse villa de Dinard aux cabanes du dimanche où les familles passent leur journée au bord de l’eau. Donc, comment simplifier encore les choses ? Nous avons classé ces héritages selon la fonction qui les a fait naitre. On a donc pu identifier dix grandes catégories d’héritage maritime.
Il y a d’abord ce qui concerne la signalisation et la surveillance des côtes (ex : sémaphore de Molène, amers pour les pêcheurs…), tout ce qui concerne la défense militaire (ex : petit réduit militaire, blockhaus, fort en bord de mer…), la protection littorale contre l’érosion est moins connue, elle est faite de petits éléments (ex : digue route dans la presqu’île de Séné, môle d’Ouessant…) ; thème du transit touristique terre/mer (ex : cale de Penmarch…) ; autre thème : fonctionnement de production et de commercialisation des produits de la mer (ex : criée du Croisic 1970, halle à marée, cabane de pêcheur…).Il y a aussi tout ce qui concerne la vie des populations littorales, les activités artisanales liées à la mer : conserveries et chantier naval, l’activité balnéaire, les pratiques religieuses également qui connotent le territoire par les églises, les chapelles, les croix. Il faut également protéger les activités scientifiques et muséales qui montrent aussi une histoire du regard sur la mer et de ces représentations (ex : station biologique de Roscoff, le Marinarium de Concarneau, les musées maritimes). L’éventail des héritages maritimes historiques à potentialité patrimoniale est donc très large, parce que le patrimoine est ce que l’on choisit de mettre en valeur. Or pour choisir, il faut qu’il y ait les héritages, mais ces héritages maritimes bâtis sont mal connus, mal identifiés, et je dirai même qu’ils sont mal reconnus, trop modestes, sans datation – quand il s’agit des cales par exemple. Du coup, ils sont souvent oubliés, détruits, d’autant que la pression immobilière est exacerbée ici par le désir de rivage, caractéristique de nos sociétés contemporaines et par le besoin d’un espace linéaire côtier essentiellement pour l’augmentation de la fonction résidentielle de loisir touristique. Ce sont souvent les plus importants bâtiments qui sont mis en valeur, mais les autres doivent être détruits pour faire de la place parce qu’ils sont jugés honteux, trop laids, trop liés au travail, pas suffisamment prestigieux, comme le cas des conserveries, des cabanes à pêcheur, des ateliers de construction navales, du patrimoine maritime industriel en général. Quelquefois ce patrimoine est dénaturé : des cales anciennes du XVIII° vont être bétonnées par ce qu’on ne sait pas qu’elles sont anciennes, les ouvrages d’art intégrés dans de nouvelles constructions et noyés sous le goudron parce qu’on goudronne beaucoup pour circuler en bord de mer.
Cependant, je rappellerai pour terminer cette première partie que l’intérêt de ces patrimoines est multiple. C’est un intérêt de mémoire : mémoire de travail, de l’ingéniosité des hommes face aux éléments marins. C’est un élément identitaire : l’identité maritime du littoral doit être soutenue au moment où en dehors des grands ensembles portuaires on a tendance à faire des littoraux presque exclusivement des espaces de loisir, de récréation, pour les urbains, pour les touristes. Ce patrimoine a aussi un intérêt culturel pour transmettre des savoirs et des savoir-faire et pas seulement avec les bateaux, les moyens de se protéger des dangers de la mer qui sont aujourd’hui de plus en plus présents sur nos côtes, les moyens divers, multiples. C’est ça qui est intéressant quand on a besoin de construire une société unique, de tirer les ressources multiples de la mer.
Et puis, il y a également un intérêt mythique des bâtiments qui marquent le littoral. Il suffit de penser aux grands phares, aux grues, aux quais qui qualifient le paysage littoral, paysage que les peintres de la fin du XIX° ont su mettre en valeur dans les ports, les villages, les havres….Il y a un véritable risque culturel de disparition de cultures maritimes héritées, mais peut-on se couper de ces héritages, personnellement je pense que non.
Il y a une sorte de contradiction car jamais la demande sociale n’a été aussi forte pour le patrimoine maritime qui fait référence au passé et aux grandes heures de la pêche, de la défense…Donc, demande de patrimoine d’où demande des élus pour s’interroger ou avoir des réponses : comment connaître le gisement potentiel ? D’où demande d’inventaire et de classement - c’est ce que nous avons fait - et demande de recommandation pour réhabiliter ces héritages. Demande aussi d’établissement de protocoles de conservation et de mise en valeur.

Donc, il a fallu produire des outils de connaissance, et c’est le second point.
Nos efforts ont porté en particulier sur le trait de côte, c’est-à-dire, sur les communes littorales - dans la mesure où c’est là où l’urgence est la plus grande - où le bétonnage et la démolition sont les plus actifs en ce moment. Nous avons également travaillé sur les petits ports d’intérêt patrimonial - ports petits et moyens – qui sont toujours largement occupés par les activités de navigation et qui constituent, du point de vue de la connaissance des éléments bâtis ou des éléments qui constituent le paysage, une sorte de vide de connaissance, d’analyse et de propositions à combler entre les grands ports industriels. Nous avons travaillé depuis des décennies à la mise en valeur des éléments portuaires tombés en désuétude et des espaces dits naturels du Conservatoire du Littoral. Mais il n’y a rien de spécifique fait pour ce qui est entre les deux, c’est-à-dire, les multiples petits ports. Guillaume Marie a construit une base de données, dans laquelle il a référencé 401 sites portuaires sur les côtes du Finistère.
Sites portuaires, cela veut dire : du plus petit au plus grand, et le plus petit c’est un moyen matériel d’accès à la mer, un petit appontement par exemple.
Ce n’est pas négligeable, c’est une richesse potentielle et il faut travailler sur ce thème. Pour finir ce travail, nous avons réalisé deux choses : une méthodologie du recensement : recensement à l’échelle du département, un atlas du patrimoine maritime et un travail au niveau des communes à partir des tests de huit communes.
D’abord, il a fallu créer et géoréférencer les bases d’information et des bases thématiques avec les usages actuels : signalisation, héritage militaire…une série de bases thématiques spécifiques qui sont transversales.
On peut trouver sur chaque site le type d’activité, et le type d’héritage maritime qui s’y trouvent. L’atlas du patrimoine maritime représente une cinquantaine de planches cartographiques. Chaque partie droite de l’ouvrage présente une carte des communes littorales. C’est une façon de tester ce que peut être un atlas du patrimoine maritime culturel. C’est la première fois qu’un atlas de ce type a été construit, ce qui nous a d’ailleurs posé des problèmes, car nous n’avions pas de banques de données déjà faites, il a fallu les produire avec les éléments que nous avons cartographiés.
Nous avons travaillé sur le contexte, nous avons construit des typologies de ports, et, ensuite, nous avons travaillé sur les types d’héritages. Les cartes montrent les concentrations, les vues importantes, les spécificités. Les héritages issus de l’exploitation des ressources maritimes et côtières hors pêche montrent toute la variété du travail par rapport au littoral et les productions : algues, goémons…Les édifices religieux liés au maritime sont très importants dans le Finistère, quels types de structures, quelle époque ?
Nous sommes pionniers pour cet atlas pour répondre à la demande du Conseil Général du Finistère : vision globale de ces héritages pour pouvoir les communiquer aux élus. L’atlas est quasiment terminé. Il y aura deux versions : un outil d’aide à la décision produite rapidement, et une version plus conséquente, plus un livre, que nous ferons ensuite.
Deuxième entrée, les fiches documentation par commune. Nous avons inventorié les éléments patrimoniaux sur chaque commune du littoral. Dans un premier temps nous nous sommes basés sur l’inventaire du patrimoine en région et nous avons décidé de produire un inventaire spécifique patrimoine maritime bâti. Nous avons ajouté à cet inventaire classique, des éléments sur les enjeux, les recommandations, des enquêtes pour savoir aussi quel est le degré de reconnaissance patrimoniale des habitants de ces communes, pour confronter ceci avec la réalité et donner des recommandations les mieux fondées par rapport à l’opinion publique, aux populations qui vivent sur ces côtes.
L’originalité de notre travail par rapport à cet inventaire du patrimoine maritime bâti est de chercher une organisation spatiale des espaces portuaires. Nous sommes géographes. Ce qui est intéressant, c’est que chaque type d’espace portuaire à ses caractéristiques - par exemple à Camaret, on a le front de mer qui date du XIX°, en arrière, les bâtiments qui datent du XVIII° et du XVII°, avec les presses à sardines, sur les marges les espaces artisanaux de production portuaire et, sur le côté, le quai de 1950. En fait, ce type d’espace – plus le balnéaire un peu plus loin – se retrouve dans pratiquement tous les ports de taille moyenne en Bretagne. Donc, notre inventaire va permettre d’aller ensuite plus vite et, en même temps, de prendre des recommandations spécifiques.

Sylvie Andreu : Cet atlas qui pour l’instant ne concerne que le 29 va être généralisé pour les autres côtes françaises ?

Françoise Péron : On fait un peu de lobbying auprès des autres Conseils généraux. Mais le problème est un problème de financement, d’équipe à mettre en œuvre et, pour l’instant, on ne fait que le montrer. Mais les élus sont demandeurs.

Sylvie Andreu : Est-ce qu’il passe votre message auprès des élus ?

Françoise Péron : Oui et non. C’est-à-dire il passe parce que ça permet de tenir un discours, c’est important ; mais après, il y a toutes les limites financières. Il y a déjà beaucoup de choses faites pour la connaissance, la mise en valeur du littoral, et nous arrivons un peu tard, c’est toujours dommage.
C’est dommage parce que se pose la question - et c’est mon troisième volet – de l’intégration du patrimoine maritime bâti dans les problématiques d’aménagement ? Je vais prendre quelques exemples : les fronts portuaires urbanisés du XIX° : ils sont caractéristiques de ces petits ports. On a construit des quais, des cales, et, en arrière, des bâtiments pour habiter, des cafés, des remises. Ces petits fronts portuaires sont très intéressants, mais quelles recommandations peut-on faire ? D’abord de conserver l’harmonie architecturale, la hauteur, à peu prés égale de ces bâtiments. Le problème est aussi celui de la couleur. La mode aujourd’hui en Bretagne est de mettre toutes sortes de couleurs, or, quand ils ont été construits - à la fin du XIX° - ces bâtiments étaient peints en blanc, ce qui leur donnait un aspect assez fort par rapport à la lumière. J’ai donc tendance à dire dans les recommandations : si on met en valeur un patrimoine, il faut le restaurer dans l’aspect le plus proche de ce qu’il était à l’époque de sa construction. Cela pose aussi la question de la circulation sur ces fronts urbanisés. Je pense au front de Camaret, comment redonner accès à la mer et aux quais ?
Les restaurations peuvent être mal faites, surtout quand on n’a pas de conseils et pas de règles. C’est la raison pour laquelle je voudrais qu’on établisse, avec les acteurs, dans les différents ports dans lesquels nous avons déjà travaillé, une charte de mise en valeur de ces espaces bâtis afin d’avoir des cadres. C’est l’étape que nous allons essayer de développer maintenant. Le risque est de boucher les trous et d’aménager seulement les bâtiments qui semblent intéressants et quelquefois aujourd’hui, on ajoute des éléments un peu voyants.
Deuxième exemple : celui des zones artisanales et industrielles portuaires qui ont un grand intérêt. Si on prend le Sillon de Camaret, c’est l’aspect plurifonctionnel qui est intéressant. Donc, la recommandation va être de conserver les cabanes de construction navale en bois goudronné, de laisser mourir tout seul et tranquillement le cimetière de bateaux qui fait allusion à la pêche, de conserver les viviers à l’époque de la langouste et de garder cet aspect vivant.
Dernier exemple, celui des conserveries, c’est un sujet d’actualité aujourd’hui. A Camaret on a détruit, l’année dernière, une conserverie à la pelleteuse. Et à Goëlo, il y a aussi une conserverie qui risque d’être démolie pour faire un lotissement.
Enfin, les fronts industriels portuaires sont des réserves d’espace, il faudrait faire ce que les Britanniques ont très bien su faire à Cardiff en particulier : construire dans un esprit portuaire.
Le « coup de gueule » est pour Douarnenez , parce qu’on continue à agiter les pelleteuses. De plus, le nouveau maire en voulant boucler son budget fait des économies sur le Musée portuaire – outil touristique et identitaire - . La municipalité ne subventionnera plus du tout son propre musée municipal. Ce qui met du coup en difficulté les collectivités contractuelles c’est-à-dire le Conseil général du Finistère, la Région et pour une petite partie l’Etat. J’ai lancé une pétition pour, non pas orienter le maire, mais au moins lui demander de réfléchir avant de prendre une décision. Le jour où il a inauguré l’estacade des bateaux patrimoniaux, il a dit qu’il n’y avait plus d’argent pour ces bateaux !

Sylvie Andreu : Une dernière question, est-ce qu’il faut tout garder ? et qui décide ?

Françoise Péron : Non justement, il y a des endroits où des héritages moyens se trouvent isolés, ne font pas sens, ne qualifie pas un territoire. Par contre, quand il y a un agencement intéressant, une pluralité d’héritage, il faut travailler, non pas sur les objets, mais en terme d’espaces c’est-à-dire de territoires sur lesquels le patrimoine est qualifiant, marquant.
Nous sommes des scientifiques et notre décision a été d’essayer de mettre un accent différent plutôt sur les espaces.





Mis à jour le 19 février 2009 à 09:27