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2008 : Patrimoine maritime, ressources et économies du littoral. Recherche, nouvelles compétences et nouveaux métiers de la mer > TR3 : Livre bleu sur la politique maritime de la Commission européenne : Nouvelles ouvertures, nouvelles compétences, nouveaux métiers >  Politique européenne et recommandations pour une coordination des différents établissements de recherche, de formation, et une mise en commun des résultats

Politique européenne et recommandations pour une coordination des différents établissements de recherche, de formation, et une mise en commun des résultats

Amiral Anne-François de Saint Salvy, commandant de la zone maritime de l’Atlantique, commandant de la région maritime Atlantique-Manche-Mer du Nord, préfet maritime de l’Atlantique.

Biographie :

SAINT SALVY Anne-François de

Compte rendu :

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Transcription :

17 octobre 2008 TR3


Discours de Amiral Anne-François de Saint Salvy :

Monsieur le député et cher président,
Mesdames et messieurs,

La période que nous vivons est marquée par un élan européen renouvelé en matière maritime, élan manifesté par le livre bleu sur la politique maritime de l’Union Européenne. Les deux étudiants viennent de citer une phrase qui me paraît être le meilleur résumé qu’on puisse donner de cet élan : « La mer c’est l’énergie vitale de l’Europe ». Ce livre bleu présente un intérêt tout particulier : il a réussi à placer dans un même document à la fois des aspects de connaissance et de recherche, des aspects de développement d’activités humaines et économiques et des aspects d’environnement. Ces différents aspects étaient bien souvent, dans les travaux européens comme dans les travaux nationaux, traités séparément voire cloisonnés et indépendants les uns des autres.

La gestion de la mer et l’apport de la recherche pour la gestion de la mer. La gestion de la mer est un terme ambitieux me semble-t-il, et j’aimerais d’abord commencer par rappeler des éléments de décor :
1 - L’Europe, elle le découvre aujourd’hui, est une puissance maritime majeure par sa flotte commerciale, par sa flotte de pêche, par sa flotte militaire, par l’importance de ses ports, par la qualité de ses marins. Elle est aussi puissance maritime par la diversité et l’excellence de sa recherche et de son innovation dans les disciplines liées à la mer, par son industrie nautique, par son savoir faire en matière de construction navale, par le dynamisme de ses entreprises qu’il s’agisse des constructeurs, des compagnies maritimes elles-mêmes, mais aussi des assureurs maritimes, des sociétés de courtage… L’Europe est puissance car l’Atlantique, la Méditerranée, la Mer du Nord, la Baltique, et maintenant la Mer Noire sont les mers de l’Europe depuis son élargissement à 27 membres. Les flottes de Malte et de Chypre, qui ne sont pas les moins nombreuses du monde, sont désormais européennes. L’Europe a là des atouts maîtres qu’elle entend protéger et développer durablement.
2 – Pourtant, l’Europe, et cela elle ne l’a pas encore vraiment dit aux Européens, est très dépendante de la mer : pour ses approvisionnements - près de 80% du commerce mondial passe par la mer - pour l’exportation de ses productions, pour son commerce interne lui-même. L’Europe ne peut pas se passer de la mer, elle mourrait d’asphyxie sans ce poumon vital.
3 – Enfin, l’Europe commence à prendre conscience, certains diront qu’« il était temps », que la mer est malade, malade de surexploitation, malade de pollution, malade du dérèglement climatique, malade des atteintes que lui portent les terres qui la bordent, malade de la perte de diversité biologique. Mais il semble que cette prise de conscience vienne au bon moment. Rien n’est encore perdu, mais nous savons tous que même une réaction vigoureuse mettra du temps à produire ses effets (c’est beaucoup plus rapide de faire disparaître ou de réduire profondément une espèce de poisson que de la laisser se reconstituer au fil du temps).

Une fois encore, les recettes de l’action sont connues et elles se résument dans un triptyque simple : SAVOIR / VOULOIR / POUVOIR et j’ai la conviction que ce triptyque est en train de se mettre en place à une échelle coordonnée européenne, dépassant le seul cadre national, dépassant aussi le cadre européen. C’est l’importance de l’action européenne au niveau international dans les grandes organisations qui se préoccupent de la mer.

SAVOIR : c’est le sujet qui vous occupe, vous chercheurs, vous scientifiques, vous experts en prospective. Vos travaux mettent d’ores et déjà à la disposition des politiques d’immenses ressources. On sait aujourd’hui beaucoup de choses sur le sujet : encore faut-il continuer à fédérer les travaux, à partager les résultats, éviter de travailler plusieurs fois sur le même sujet et investir les quelques champs de connaissance encore vierges. Pour les étudiants qui sont présents, vous avez de l’espace devant vous.

Ces travaux, il faut, et en tant qu’acteur public j’en ai besoin, les tourner vers la prospective et la prévision, les mettre à disposition d’une multiplicité d’acteurs, les interpréter et les présenter aussi bien à l’échelle globale qu’à une échelle très locale.

Ces travaux, il faut encore les rendre proches du public, les rendre compréhensibles, en apprenant la mer à ceux qui la pratiquent et à l’immensité de ceux qui ne la pratiquent pas, à ceux qui ne la perçoivent que sous un angle unique et étroit (outil, gisement, lien ou obstacle, poubelle ou vide immense).
Il y a là un immense travail de synthèse, de cartographie, de présentation synthétique, de méthodologie, de croisement de données qu’il appartient aux chercheurs et aux scientifiques d’accomplir dans des équipes pluridisciplinaires et internationales.

Je ne me lancerai pas dans l’énumération des travaux en cours ni des organismes qui en sont porteurs mais nous savons à Brest combien ils sont nombreux, en Bretagne particulièrement, combien ils échangent, combien au travers du pôle mer notamment ils se mettent en relation avec le monde entrepreneurial dans de multiples domaines.

VOULOIR et POUVOIR m’amènent désormais à la gestion de la mer
La mer est un milieu transverse. Madame Nocher a rappelé ce que je lui disais tout à l’heure, que en mer, il n’y a pas de frontière, il n’y a que des limites et ces limites sont théoriques, juridiques mais n’affectent pas le mouvement des océans. Les études les plus récentes confirment ce qui était pressenti depuis longtemps. Les interactions dans le milieu marin sont nombreuses, complexes, s’exercent souvent sur de vastes zones et s’étendent même à l’atmosphère.

Il ne faut pas rejeter systématiquement les politiques sectorielles. Mais, il est évident qu’en mer, cette approche présente des limites, particulièrement dans la gestion des milieux littoraux, très fragiles, mais aussi en haute mer. Et la nécessité d’une vision intégrée que propose le Livre bleu européen est désormais avérée.

Au travers de ce livre bleu, et surtout au travers de la directive cadre « stratégie pour le milieu marin », l’UE ne se contente pas de prôner par un discours une gestion plus intégrée de la mer. Les échéances de la directive cadre sur l’eau vont survenir bien plus rapidement que nous y pensons, Monsieur Laroussinie le rappelait tout à l’heure. 2015 c’est demain.

Dans cette configuration, j’observe que l’Etat, en France, avance. L’appel à projet de la DIACT et du SG Mer sur les expérimentations GIZC, et qui se traduit par un certain nombre de travaux (on peut citer la Charte des Espaces Côtiers bretons) est l’une des illustrations de cette volonté. Mais, il en existe d’autres.

Au quotidien, l’Etat, qui est le décideur en mer, entend associer l’ensemble des acteurs du monde du littoral et de la mer et la communauté scientifique à l’élaboration des décisions qui sont prises. Car l’intégration, c’est aussi cela et pas simplement l’intégration des activités et des espaces.

En mer, avec les préfets de région, avec les préfets de département, gestionnaires du domaine public maritime, nous travaillons ensemble dans cette voie, en recherchant notamment une meilleure intégration terre/mer.

Face à une demande d’implantation ou de poursuite d’activités humaines en mer, tous les aspects doivent être étudiés.
Parallèlement, les lieux de partage de l’information mais aussi d’écoute des acteurs du monde de la mer sont volontairement multipliés et se structurent progressivement à l’image de ce que seront les comités de pilotage pour les sites Natura 2000 par exemple.

Il convient de poursuivre dans cette voie :
- en renforçant les capacités des organismes scientifiques pour éclairer le choix du décideur ;
- en organisant des lieux de débats et d’échanges de concertation, dans lesquels les acteurs du monde de la mer, pêcheurs, collectivités littorales, professionnels, usagers au titre de la plaisance, associations de protection de l’environnement, doivent pouvoir s’exprimer et être entendus.
C’est ainsi qu’on permettra à l’Etat de prendre ses décisions dans les meilleures conditions.

Aujourd’hui, en tant que Préfet maritime, j’exerce une double responsabilité : d’abord celle de la protection des côtes face aux risques maritimes majeurs, je peux vous dire que je suis toujours à la recherche de ce triptyque que j’évoquais tout à l’heure : savoir-vouloir-pouvoir . Il me faut les meilleures informations disponibles et il me faut les meilleures synergies possibles entre les différents acteurs qui participent sous mon autorité à l’action de l’Etat en mer, afin de me permettre de décider des choix à mettre en œuvre et de les conduire de façon homogène. La conduite des politiques publiques que le gouvernement confie à ses préfets sur terre comme sur mer implique les mêmes pratiques. Dans ce domaine, j’identifie les mêmes besoins d’expertise, de concertation et finalement de décision.

Dans ce monde particulièrement international qu’est la mer, l’Etat est le niveau nécessaire pour conduire, mettre en œuvre mais aussi faire respecter ces politiques. Il représente l’intégrateur mais aussi l’arbitre, garant de l’intérêt général, sur un milieu physique, la mer, qui ne se divise pas, qui ne se morcelle pas mais qui se partage et qui doit être préservé.

Pour conduire cette action essentielle à notre devenir, il ne faut donc pas segmenter la mer et les organes de décisions, mais bien intégrer l’ensemble des politiques comme des avis. Pour intégrer les avis il faut les écouter, au profit de l’élaboration d’une vision partagée par tous, mais aussi renforcée par une prise de décision unique pour le bien commun.

En conclusion, je vous dirai qu’au niveau européen, puisque je vous ai parlé au niveau français, la même logique doit prévaloir. Une logique qui conduit, par exemple, à s’intéresser à un certain nombre de bassins maritimes, une logique de concertation et de prise d’avis de tous les acteurs concernés et enfin une logique de décision qui permet d’avancer et ne pas se contenter simplement de mots.

Je vous remercie.




Mis à jour le 23 octobre 2008 à 09:27